Critique de l'album Désobéissance par Souffrâle (28 septembre 2018)
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« Désenchantée »
a marqué la génération de mes parents,
« Dégénération »
celle juste avant moi, puis
« Désobéissance » marquera la
mienne. |
L'attente fut longue, mais elle valait le
coup. Si « Interstellaires »
était un bijou,
« Désobéissance »
frôle le chef d’œuvre, si
« Interstellaires »
s'était enfermé dans une direction artistique
trop restreinte,
« Désobéissance »
ouvre quant à lui toutes les possibilités.
L'univers farmerien s'est renouvelé avec profondeur, ne
trahissant jamais ses fondamentaux.
« Désobéissance »
signe un retour à
la « Anamorphosée »,
un tournant qui va dérouter ou...rassembler. Tous les
goûts s'y retrouveront entre les envolées lyriques
à la « Innamoramento »
et les tons graves de « Avant Que
l'Ombre ».
« Rolling
Stone », la chanson de la
discorde ! Et pourtant, c'est un titre phare qui nous
entraîne dans la nouvelle ère farmerienne. La voix
est grave, surprenante, déroutante. Mylène
« broie du noir » mais elle sait
« qu'il faut des multitudes », et
par cette phrase, nous révèle le contenu de
l'album. Le rythme est entraînant, l'une des chansons les
plus dansantes de l'album et sexy à souhait !
« Sentimentale »,
on enchaîne avec le troisième extrait
dévoilé par Mylène avant la sortie de
l'album, une comptine romantique et mélancolique,
entêtante, entraînante et si douce.
Mylène nous livre ses états d'âmes dans
la même lignée que "C'est une belle
journée" où l'amour, l'abandon, la peur et la
douleur se côtoient. Certains y voient une
référence au suicide :
« je me taille / c'est beau […] du
berceau au tombeau / j'ai le vide en dessous »,
encore une fois, l'ambiguïté farmerienne est au
rendez-vous. Enfin, outre la référence
à « pourvu qu'elles soient
douces », c'est sur la même structure que
Maman à tort » que cette chanson
s'achève.
« N'oublie
pas », deuxième single
dévoilé, en duo avec la chanteuse LP, cette
chanson revient sur le deuil et la disparition d'un proche. Sur une
musique résolument moderne et entraînante, elle
nous délivre plein d'espoir et nous amène au
travail de mémoire, un peu à l'instar de
« Souviens toi du jour » dans un
tout autre registre.
« Désobéissance »,
le titre éponyme et certainement l'un des grands tubes
à venir pour Mylène. On y retrouve les
envolées aiguës telles qu'on les aime, cette
chanson a presque une dimension religieuse, rappelant "Consentement"
à certains égards. Mylène nous parle
d'elle-même, fait récurrent dans cet album
d'ailleurs ! Elle nous dit « qu'elle a
connu des putains de ténèbres, qu'elle a vu des
morts mais aussi le merveilleux ». Une chanson
positive, nostalgique et plein d'espoir, Mylène
désobéit et en premier lieu, à ses
propres démons.
"Get Up Girl",
la chanson la plus ovniesque de l'album, et l'une des plus addictives.
La montée en tension est progressive :
« mais pour des gens c'est du
vague » jusqu'à atteindre son
apogée « et la vie goes on and
on » chante-t-elle dans un élan de
sensualité. Telle une drogue, Mylène fait un
voyage astral, avec un refrain en anglais lancinant et hypnotisant
« I don't know why » qui rappelle
le « je ne comprends plus
pourquoi » de « Beyond my
control ». Finalement, c'est sûr une
touche « sexy » que
Mylène finit cette chanson, un clin
d’œil à
« Dégénération »
ou « California ».
« Histoires
de fesses », ne nous mentons pas, c'est
la chanson que tout le monde attendait ! Un
« pourvu qu'elles soient douces
2 » ou plutôt, un
« porno-graphique 2 ».
Mylène y est assassine, amère, vengeresse. La
face sombre de l'artiste se dévoile, elle hait la triche,
« les opportunistes, les adeptes du propre sur
soi », sur un ton qui rappelle
« C'est dans l'air ». Une seule
chose est frustrante : la durée ! 1M58 de
plaisir seulement, à ce stade, c'est du sadomasochisme
Mylène !
« Au
lecteur », petite pause dans cette
explosion de bonheur, ici Mylène slam, posément,
où l'on savoure la sensualité du parler de notre
chère chanteuse. Là encore, cela rappelle
« l'Horloge » même si
on aurait préféré qu'elle chante et
qu'elle s'approprie mieux le texte de Baudelaire sur cet album.
« Prière »,
cette chanson porte très bien son nom. Là encore,
Mylène nous amène dans un voyage astral, presque
sous stupéfiant, dans un moment érotique
fort ! La voix y est sensuelle, grave et la musique y est
presque expérimentale.
« Des
larmes » « de peine,
de joie, sur mes joues là, sillonnent »,
l'un des grands tubes de cet album ! Sur un rythme
léger qui rappelle « Voie
lactée », Mylène nous partage
son envie de vivre et de briser sa « prison de
verre ». Le rythme s'accélère,
et sa voix cristalline résonne dans notre tête
jusqu'à ne jamais sortir. Intéressant de voir
comment rendre cela en clip.
« Parler
d'Avenir », une chanson qui aurait pu
sortir sur l'album
« Innamoramento ». Le rythme, les
envolées lyriques, le hurlement, tout rappelle la
« belle époque ». La
musique de Léon Deutschmann est ici très
boutonnesque mais dans un ton très moderne.
« Tu fuis le regard d'autrui »
dénonce Mylène qui veut parler d'avenir
à cet Autre. Une belle chanson qui n'est pas un tube mais
qui sera indispensable en concert.
« On a
besoin d'y croire »,
« on a besoin d'amour » chantait
Mylène en 1995 sur XXL, cette fois-ci, sur quasiment le
même ton et le même élan, elle nous
appelle à y croire. Elle nous chante ici un vice propre
à chaque humain : « on a tous un espoir,
rentrer dans l'histoire », mais de quelle
façon ? Un beau titre léger positif et
moderne.
"Retenir l'eau",
un album ne pourrait pas être farmerien s'il ne comportait ne
serait-ce qu'une ballade. Et c'est le cas, encore une fois, les
frissons nous parcourent, la voix si fragile de Mylène nous
prend au cou. Les notes de « Point de
suture » résonnent, et si elle ne
rivalise pas avec ce monument du répertoire farmerien,
« Retenir l'eau » peut se targuer
d'être un niveau au-dessus de la dernière grande
ballade farmerienne : « Je te dis
tout ». Nul doute que des larmes vont couler en
concert sur cette magnifique chanson.
Amorcé avec trois singles non-représentatifs, cet
album signe le plus grand virage artistique de Mylène depuis
« Bleu Noir », où la
modernité et le renouvellement se fait saluer par tous les
médias, là encore, nouveau record ! On y
espère une promotion avec trois autres titres plus proches
de ce que Mylène nous propose aujourd'hui. Des tubes et des
singles potentiels il y en a ! Jamais depuis
« Innamoramento » un album n'a
été aussi exploitable que celui-ci. Un album
référencé, où chaque titre
en rappelle un autre, preuve qu'une fois encore, Mylène se
réinvente mais en ne se trahissant jamais, et en revenant
toujours aux fondamentaux.
Souffrâle