Je n'ai pas encore
donné mon avis sur ce nouvel album : je voulais avoir le
temps de l'écouter plusieurs fois pour ça !
Comme beaucoup ici, je le trouve vraiment très bon, il me
rappelle Innamoramento sur plusieurs points, et notamment la voix de
Mylène, souvent cristalline. Chaque titre nous invite
à un voyage à part entière, tout comme
dans Innamoramento : ici le thème de l'espace, là
celui de l'amour. Même diversité musicale dans les
deux albums : des sons rocks, quelques sons électro, un
moment presque slam (A rebours), mais avant tout, de la pop
façon Farmer, peut-être plus actuelle que ce
qu'elle a pu proposer dans ses derniers albums.
Pour aller un peu plus dans le détail, je dirais que l'album
est très bien construit et équilibré :
une ouverture rock (enfin, pop rock, il ne faut pas exagérer
non plus !) sur Interstellaires, qui est programmatique de l'album. En
effet, nous allons voyager. En voiture tout d'abord, mais aussi avec la
langue, comme en témoigne Stolen car, qui double la balade
en voiture d'une balade de l'esprit, on change de peau...
Après ces deux titres plutôt rapides, A rebours
déroute par ses couplets parlés façon
Effets secondaires, et ses refrain aigus qui semblent
s'étirer. En ce qui me concerne, c'est une surprise et je
n'attendais pas Mylène ici. C'est une ballade originale qui
nous fait voyager dans le temps.
C'est pas moi, qui suit, nous invite aux nouvelles
expériences comme avait pu le faire L'Amour n'est rien. Le
refrain est excellent : il reste en tête, il est
très dansant. On notera l'intro qui fait penser à
Another one bites the dust, très rock donc, bien que la
comparaison s'arrête là.
Nouvelle pause avec Insondables, qui mime le lent mouvement des
éléments autour de l'homme sur le
thème de la rupture amoureuse. Très haut
perchée sur les refrains de C'est pas moi et A rebours,
Mylène opte ici pour le grave de bout en bout. Le titre est
court, mais suffisant : la réussite de la chanson tient
à mon sens surtout dans le clip qui l'habille parfaitement,
mais ce n'est pas celle que je retiendrai le plus de l'album.
Arrive ensuite Love song, extrêmement surprenante, mais
très farmerienne, avec une tonalité sombre dans
la mélodie de refrain qui est néanmoins
très puissante avec de la batterie et des guitares qui
habillent ce chant revendicatif, assez rare chez Mylène pour
être souligné, cette ode aux
laissés-pour-compte. Les couplets, très courts,
fonctionnent sur des sortes de vocalises : la voyelle est
répétée trois fois, sur des notes de
plus en plus aiguës, et c'est du plus bel effet car la voix
mime le voyage, Mylène semble vouloir guider ceux
à qui elle s'adresse vers de nouveau horizons.
Pas d'access déroute ensuite pas sa dimension
saccadée, aux antipodes de Love song, mais les couplets
bénéficient d'un rythme puissant, marquant
l'urgence d'une liberté qui semble faire défaut
dans ce monde. A la fin de la chanson, Mylène se fait oiseau
pour échapper à sa propre prison.
Vient ensuite la seconde reprise de l'album I want you to want me, qui
est le mauvais point de l'album : non que la chanson soit mauvaise,
mais elle est insipide et n'apporte rien à l'album. Une vrai
ballade mylénienne à cet endroit aurait
été du plus bel effet.
Voie lactée fait peur... Au début. En effet, la
chanson s'ouvre sur des "up/il faut des up up up" qui sonnent...
puériles, et l'on peu craindre une chanson jeuniste... Mais
non ! Le refrain, très pop, met de bonne humeur par son
rythme là où les couplets suggèrent un
départ dicté par la lassitude.
Néanmoins, là où Comme j'ai mal reste
résolument sombre, Voie lactée propose un voyage
cotonneux et apaisée loin d'une vie terrestre absurde.
City of love fait de Mylène une puissance
créatrice (ce qui renoue avec tout un pan de la
poésie). Ce n'est pas la Jérusalem
céleste qu'elle s'apprête à construire,
mais la City of love, lieu de renaissance, de nouvelle vie. Les
refrains font penser à Consentement avec une superposition
de voix du plus bel effet.
L'album se clôt sur Un jour ou l'autre, une ballade de la
réconciliation, de la réunion même,
dans laquelle Mylène laisse rejouer la fêlure de
sa voix haut perchée, si caractéristique des
lives, et qu'elle cherchait à gommer en studio. Un chanson
des plus émouvante qui ferme l'album en beauté.
Pour résumé, un album à la fois
éclectique et très cohérent,
apaisé et inspiré. On pourra néanmoins
regretter certain textes, qui, s'ils sont évocateurs et
puissants dans les images, auraient peut-être
gagnés à être
développés, travaillés davantage.
Notons pour finir le très beau livret (et la très
belle pochette) ou Mylène apparaît rayonnante et
astrale. Seul bémol de ce côté,
certaines paroles écrites en noir sur un fond sombre, et
donc peu lisibles...
Un très beau renouvellement donc, mais c'est toujours (et
heureusement) du Mylène Farmer !
Les incontournables de l'album :
C'est pas moi, pour les refrains magistraux et les toutes
premières notes, amusantes.
Love song, pour l'ambiance bluffante du titre, tant dans les paroles
que la musique.
Pas d'access, pour l'originalité dans le
répertoire mylénien et la voix sur les couplets.
City of love, pour les refrain magiques, digne d'un Consentement ou
d'un Serais-tu là ?
Un jour ou l'autre, pour cette voix fragile, mais néanmoins
maîtrisée, et ce texte de toute
beauté.