Concepteur
des images de scène du Tour
2009
2010
Bonus Vidéo Stade
de France - "Derrière les fenêtres"
*Nous avons
illustré cette retranscription d'interview par
de
nombreuses photos afin d'en faciliter la compréhension*
Ma rigueur à moi est déjà de me
surprendre moi-même et mon premier travail est de ne pas me
répéter.
C'est difficile de réfléchir à savoir
comment une idée a pu venir parce que c'est assez instinctif
en fait.
C'est l'ensemble de ce que Mylène et Laurent auront pu me
dire. Cette énergie que chaque morceau dégage,
que les arrangements dégagent, j'ai ma setlist et puis je
rajoute mes idées dessus.
Ça, c'est le décor griffonné en
même temps que Mylène et Laurent m'expliquaient
à quoi ça allait ressembler.
Souvent, je vais feuilleter beaucoup de choses et je vais me
dire
: "Ah ,ça c'est pas mal" et ça va m'envoyer
ailleurs et, les choses deviennent évidentes et s'imposent.
Le spectacle partait de quelque chose ancrée de ce que je
vais appeler histoire de l'art. Je vais y piocher mes
références à moi que j'ai depuis
longtemps. Donc, on partait de là avec l'introduction
Paradis
Inanimé avec la
représentation de
"L'enfer" de Dante donc de l'entrée des morts
dans le paradis ou dans les enfers.
Sur l'intro, il y avait donc cette idée d'oeil qui scrute le
public. Vraiment, c'était une ouverture que
désirait Laurent.
Et, cette idée que,
à l'entrée en scène de
Mylène, on allait traverser l'oeil.
Il y a les images
subliminales, il y a une image en fait où le squelette
apparaît. Il y a ce gros plan de squelette qui tout
à coup se retrourne vers les gens en fait.
Moi, je suis plus allé dans le sens des
expériences de morts imminentes.
Sur
Je m'ennuie,
on a des écorchés.
Donc
là, on part d'une motion capture, Mylène a
été habillée de capteurs
électroniques et filmée pour pouvoir reproduire
ses mouvements et pouvoir les adapter sur des personnages en 3D. J'ai
récupéré les
éléments et je les ai adaptés
à des personnages pour les faire bouger et les incruster
ensuite sur les matières.
Et, petit à petit, le
travaille progresse et, ensuite, on voit un test avec des personnages
posés sur une matière, ensuite
retravaillés et ensuite montés avec les
démultiplications et les différents
écrans.
On a une chorégraphie totalement
synchrone. Il y a même un moment, la veille du dernier
concert je crois où les danseurs sont montés sur
scène pour s'accorder aux danseurs sur les écrans
parce que Christophe (Christophe Danchaud,
chorégraphe, ndlr) trouvait qu'ils
n'étaient pas assez
synchros sur le tempo.
Le rapport au corps est pour moi important pour apporter de
l'émotion aux images. Sur Point de
suture,
dès le
départ, il était prévu que quelque
chose allait se passer sur l'écran frontal de LED, le rideau
translucide, que ce rideau allait s'ouvrir pour laisser passer
Mylène qui allait à l'avant-scène. Il
y avait quelque chose d'entraînant, de lancinant. Il fallait
trouver une idée de valse, plus trouver cette
espèce de danse du cygne, de mise à mort.
Donc, ce sont des images de danseurs filmés sur fond vert.
De là, on est parti en travaillant avec les deux danseurs,
Flavien et Hélène. Ils ont
été complètement
badigeonnés de peinture dorée. J'ai
cherché une texture d'or qui va être
incrustée vers l'image des danseurs. C'était
évident qu'on allait vers des corps
sépias avec des lanières. Le fait de
déployer les danseurs sur les deux écrans
permettait de faire une sorte d'effet de transparence.
Puis, dans la
version stade avec le personnage en croix qui se transforme en croix de
flamme. Ce qui est assez fou, c'est que ce gigantisme ne tue pas
l'intimisme. Je ne me suis pas senti bridé à
l'avance par la technologie. L'important, c'est de faire des images qui
soient intéressantes et après, on voit, on adapte
si il faut.
L'idée de l'échiquier (Libertine,
ndlr), c'est vraiment venu en
mettant en relation l'idée du noir et blanc des costumes et
l'idée des cases dans le décor avec les
pièces d'échiquier, le damier et les
différentes colonnes avec les pièces qui bougent.
On les bouge vraiment
comme dans un jeu d'animation. On va
chercher une
pièce et ensuite la positionner.
Quand l'idée m'est venue, j'ai pensé au clip de Libertine et, il y
a une séquence où elle joue. J'ai toujours
pensé que c'était aux échecs et, en
fait, elle joue aux cartes. Je ne l'ai découvert
qu'après.
Thierry, mon assistant, m'a donné toute la règle
des échecs, donc, je savais que la reine n'avait aucune
limite.
La façon dont j'ai appréhendé la
tournée et les stades, c'est pour moi la même
chose. Après, c'est la salle qui change, l'ambiance dans la
salle, la mise en scène et, il y a quelques titres qui ont
disparu de la version stade.
Si
j'avais au moins... avec des laves en fusion.
C'est une illustration que m'avait montré Laurent (de
Gustave Doré, ndlr).
On a ça pour Je te rends ton amour,
l'idée du
sang et de corps un peu déchiquetés
tirés de mon film, "Le livre des morts" et, qui est un homme
qui rampe.
Jusqu'où aller dans le figuratif, jusqu'où aller
dans l'abstraction ? Souvent, la limite est entre les deux. Par
exemple, sur Ainsi soit
je..., je me suis retrouvé sur une
plage, j'ai vu ces gens marcher. Et, j'ai filmé.
L'Instant
X qui est un titre rajouté pour les
stades : assez
sobre avec justes des petites 'pétouilles", des
saletés sur la pellicule, quelque chose assez
cinéma. Par exemple, tous les X ce sont vraiment des rayures
de films retravaillées. C'est intéressant car on
perd la limite des cases et la limite des décors. Plus le
concert avançait et plus on allait vers quelque chose qui
allait vers la technique, vers l'électronique.
J'avais quand même déjà des
références visuelles qui me permettaient de voir
où on allait aller. Toujours partir sur l'idée de
la radiographie, d'imagerie médicale, de thermographie, de
scanner (pour le tableau Dégénération,
ndlr).
Là, on a des plans d'hormones masculines et
féminines.
Ma référence, c'est en fait cette plaque de la
Nasa (pour le tableau Désenchantée,
ndlr). Dans les années 70, les américains de la
Nasa ont envoyé dans l'espace une plaque avec un
homme et une femme qui faisaient un signe amical. Donc, il y avait
cette idée de représentation de
l'humanité en ayant des silhouettes d'enfants. Ce n'est pas
nécessairement des humains, c'est des humanoïdes.
Je pensais aussi à la fin de "Rencontres du 3ème
type".
On a tourné les images avec les comédiens
réels. Les adultes faisaient un peu les mouvements de
bienvenue et je me mettais face à eux à
côté de la caméra et je mimais les
gestes et en même temps, ils répétaient
les mouvements pour rester en rythme.
Pour C'est
dans l'air, il y avait cette idée
d'électricité statique, d'une boule
d'énergie que l'on voyait déjà au
début mais aussi une tête de mort.
Depuis longtemps, Mylène voulait faire du motion capture sur
des squelettes. J'ai un logiciel qui, à partir d'un son,
analyse les phonèmes. J'ai demandé le fichier son
de la voix non traitée de Mylène sur le morceau.
L'idée, c'était sur l'écran central de
faire parler Mylène. Donc, son crâne parle comme
une vanité.
C'est pour moi un champ d'expérimentation et à
chaque fois des projets qui nourrissent
énormément et
qui invitent à apprendre plein de choses.
Chacun travaille
un petit peu de son côté. Mylène et
Laurent sont les seuls référents à ce
travail disparate de différentes personnes. Comme
j'ai besoin de leur nourriture, de leurs envies, après, eux
ont besoin de ce que chacun va pouvoir leur apporter pour pouvoir
avancer.
Et puis, les choses se font aussi aux
répétitions : est-ce qu'il faut sur certaines
images baisser les intensités lumineuses pour que les
lumières puissent avoir un peu plus de présence.
C'est la première fois que je rencontrais Dimitri (Dimitri Vassiliu, concepteur des
lumières sur le Tour
2009, ndlr). Donc, on
lui passait des matières... Et, ça permettait
d'avoir plus de cohérence entre les images, les
lumières, la régie vidéo.
Il a fallu
travailler aussi avec la vidéo live avec John (John-John
"Stéphane Droyer", réalisateur vidéo,
ndlr) qui
s'occupait
d'envoyer les images du live sur les écrans. Il s'agissait
pour lui de venir nous voir, pour savoir par exemple à quel
moment il y avait du noir ou sur Appelle
mon numéro voir
à quel moment il y a des tournoiements de
téléphone pour pouvoir envoyer l'image de
Mylène.
Il y a comme une histoire en fait dans le spectacle. Et, on a
l'impression qu'il y a un vécu. On a vraiment un
début et une fin, une sorte de transformation.