Manager de Mylène Farmer de 1984
à 1989
Février & Mars 1995
Platine (N°18 & N°19)
Interview par
Jean-Pierre Pasqualini le 21 octobre 1994
publiée dans Platine (Février 1995 N°18
& Mars 1995 N°19)
Platine : Quelles sont
tes
origines ?
Bertand Le Page : Mon père était militaire, je
suis
né au Maroc en 1955. J'y suis resté 5
ans. Ensuite,
j'ai passé 12 ans en Allemagne, en FFA.
Après, ce
fut Angoulême, Cognac et St Malo. C'est
à
l'époque de l'adolescence que, comme les
Orlando,
les Guazzini... je rêvais de chanter. Mais,
contrairement
à eux, je n'ai finalement pas fait de disques en
tant
qu'interprète.
De qui
étiez-vous fan étant jeune ?
J'écoutais beaucoup RTL à l'époque et
Jacques Ourevitch : "5,6,7" sur Europe Un. On y entendait tous les
artistes français que j'adorais, car j'écoutais
peu de chanteurs étrangers. Ça va vous
étonner, mais, si j'ai
fait ce
métier, c'est grâce à une
artiste que
j'adorais : Rika Zaraï. Je la ressentais
profondément. Quand Rika a eu son accident de voiture en
pleine
gloire, tous les médecins lui ont dit : "C'est
fini, vous ne marcherez plus". Grâce à
sa
volonté, son énergie, elle a réussi
à
remarcher. Ça m'a impressionné. D'ailleurs, son
premier livre n'était pas du 'pipeau', car un
médecin a réussi à ressouder deux de
ses vertèbres grâce à des plantes. J'ai
même vu Rika sur scène à Cognac en
1970, j'étais fou de joie, car pour moi, c'était
un événement.. Plus tard,
j'ai rencontré Rika à
l'époque de
Mylène, et je lui ai montré les cahiers de mes 14
ans
où je collais ses photos et celles de Marie, la chanteuse
qui
chantait Soleil
et Un train qui
part.
Tu
préférais les chanteuses simples ou
sophistiquées ?
J'aimais bien les paillettes de Sylvie Vartan ou Dalida, mais
aussi la sincérité. En 1974-1975, je suis
'monté'
à Paris, j'avais 20 ans, une valise en carton
(sourire) et
500 FF en poche. Mes parents ne voulaient pas que je travaille dans
ce métier, qui, pour eux, n'en était
pas un. Ils ne
cautionnaient donc pas ce départ. Je logeais dans un petit
meublé épouvantable rue Stéphane
Pichon et je
payais 700 FF par mois, ce qui était hors de prix. Je
faisais des petits boulots et je prenais des cours de
théâtre car je voulais être
comédien.
J'avais abandonné mon idée
d'être
chanteur, car je savais que je ne chantais pas bien. Le
métier
d'acteur me semblait plus accessible. Pour
débuter, comme
j'étais rouquin, j'ai fait pas mal de
pubs pour la
presse-magazine et pour la télé. A
cette
époque quand je gagnais 2000 FF, pour moi,
c'était énorme. Très vite,
j'ai
partagé avec une copine un appartement de la loi 48,
à
600 FF par mois. On payait 300 FF chacun,
c'était
la vie de bohème.
Tu es donc
entré dans ce métier par la pub ?
Pas exactement. On me disait souvent : "Tu as une bonne
voix, tu
devrais faire de la radio". J'ai donc
proposé une
maquette à Radio Bleue : "Que sont-ils devenus ?".
Le projet a été accepté. Comme
invités,
j'ai décidé d'interviewer un
jour les
Parisiennes. J'ai appelé Anne Lefébure qui
faisait la
voix de FR3, une autre Parisienne qui était devenue danseuse
dans les shows des Carpentier, et Raymonde, qui avait
dirigé le
groupe et qui s'occupait désormais d'une
maison
d'édition. Raymonde est venue faire
l'interview de
Radio Bleue avec moi. Ça s'est tellement bien
passé, qu'à la fin de
l'émission, elle
m'a proposé de travailler pour elle. Avec son
mari,
Jean-Bernard Réteux, qui avait
édité Rock
Collection de Voulzy et Tare ta gueule
à la
récré de Souchon, elle avait
crée une
maison d'édition musicale : Lorgère
Musique. Je me
suis donc retrouvé rue de Washington, là
où
Jean-Bernard avait fait installer un studio digital ultramoderne. Il
n'y en avait que deux sur Paris. A la même adresse,
il y
avait les bureaux de Bagatelle, et au dernier étage
Christian
Clavier qui n'était pas encore connu.
Tu as donc
cherché à éditer des
musiques et des chansons ?
J'ai édité beaucoup de musiques de
films et de
feuilletons dont celle de Pause
café
en 1980,
qui est devenue une chanson par Véronique Jannot. Quant
à Croque
la vie de Jean-Charles Tacchela,
j'avais
trouvé très bien la musique du compositeur
Gérard
Anfosso. Je lui avais suggéré
d'écrire des
chansons, ce à quoi il m'avait répondu
: "Oh
non, en France, ce n'est pas intéressant". Au
final, nous avons quand même écrit un texte sur sa
musique, et nous avons eu le projet de faire chanter la
chanson par Jane Birkin. Elle a accepté et nous avons fait
le play-back orchestre dans sa tonalité. C'est là
que Serge Gainsbourg est arrivé en nous disant que Jane ne
chantait pas les chansons d'autres que lui, et surtout pas en
français. Nous avons donc dû trouver une autre
chanteuse. Ce fut Fabienne Thibault, mais, pour des raisons de budget,
elle a été obligée d'enregistrer sur
le PBO, dans la tonalité de Jane. Quand il a fallu faire la
promo de la chanson Croque
la vie, j'ai appelé Françoise Coquet
qui
travaillait avec
Drucker. J'étais très innocent et
c'est
peut-être pour ça que ça a
marché. Au final,
nous avons fait toutes les télés. Le soir de
Drucker, je
me souviens qu'il y avait Sheila, Nicolas Peyrac : je
fréquentais le 'show-bizz' mes rêves
d'enfant se
concrétisaient.
Comment es-tu
passé des musiques et chansons de films
à la variété ?
J'ai reçu un jour un appel de Gérard
Anfosso, qui
faisait souvent des musiques de films pour moi. Il m'a dit : "Je vais
te faire écouter une fille qui a un
talent
extraordinaire" : c'était Jakie Quartz. Elle avait fait un
disque avec Eric de Marsan, sa production s'appelait Astroliner et
était distribuée par EMI. J'ai essiayé
de la faire produire par notre édition, en demandant
à Jean-Bernard Réteux, de nous prêter
son studio. En échange, en tant qu'éditeur, il
aurait eu 50% de tous les droits. Il n'a pas voulu, alors que
ça ne lui coûtait rien. Je crois qu'il ne croyait
absolument plus aux ventes de disques.
Gérard Anfosso a alors appelé un ami à
lui
à Marseille, Paul Sianchi, pour qu'il produise
Jakie, pour
qu'il paie le studio, les musiciens. Ce dernier a
accepté
de mettre l'argent. Grâce à lui, on a
fait Mise au
point pour l'été
83, avec une
distribution chez CBS et une pochette de Mondino. Bilan : 1 million de
singles. Sianchi a gagné beaucoup d'argent, et,
comme
j'étais manager et co-éditeur, moi
aussi.
J'étais enfin sorti de ma 'merde'
financière et
j'ai quitté les éditions de
Jean-Bernard
Réteux pour m'occuper de Jakie. De son premier
album,
toujours en 1983, nous avons vendu 70 000 exemplaires chez CBS. Nous
avons cependant fait une erreur, celle d'avoir mis Dernière fois
en face B de Mise
au
point
et de ne pas l'avoir gardé pour en faire un
deuxième extrait. Il n'y a donc pas eu de
deuxième
extrait de l'album. Les problèmes relationnels ont
commencé et, avec Jakie, nous nous sommes
séparés
avant le deuxième album.
Pourquoi ?
Avec Jakie, c'est difficile de travailler. Quand je travaille avec un
artiste, je donne tout, mais je ne veux pas que l'artiste me
désavoue, ce que Jakie faisait en permanence. Avec Robert
Toutan, l'attaché de presse CBS, mais aussi avec les
journalistes. En 1984, Jakie a sorti une jolie chanson, Mal de vivre, mais,
comme l'album, Alerte
à la blonde, elle n'a pas marché.
Quand tu quittes quelqu'un que tu as aimé, il faut
être honnête : ça te rassure quand la
personne ne marche pas sans toi. C'est horrible mais c'est comme
ça.
En 1984, vous commencez
à travailler avec Mylène.
Quand l'avez-vous rencontrée ?
J'avais connu au début des années 80,
chez
Lorgère Musique, un jeune garçon qui
m'avait
apporté l'affiche d'un film
qu'il voulait
faire et qu'il voulait intituler Giorgino.
C'était Laurent Boutonnat. Il m'a
rappelé un
jour de 1984. Il avait fait un casting pour trouver une chanteuse et
lui avait fait enregistrer un disque chez RCA. Elle
s'appelait
Mylène Farmer et chantait Maman a tort. Ce
premier disque, qui finira à 100 000 exemplaires,
n'était que frissonnant au Top 50. Nous nous
sommes
rencontrés avec Laurent, Mylène et
Jérôme
Dahan, ce dernier co-signait les chansons. J'ai rejoint leur
équipe en devenant éditeur, ce qui constituait ma
rémunération. On a galéré
trois ans durant
lesquels j'ai vécu grâce à
l'argent de Mise
au point. La star du moment qui nous
impressionnait tous, y compris Mylène,
c'était
Jeanne Mas.
Pourquoi avez-vous
quitté RCA après Maman a
tort et On
est tous des imbéciles ?
Avec Laurent, nous sentions bien que François Dacla de RCA
ne
voyait pas les potentialités de Mylène et
qu'il ne
voulait plus d'elle. Il nous a finalement rendu le contrat et
nous avons signé la distribution de Mylène chez
Polydor,
pour trois ans. Le premier simple Polydor, Plus grandir, n'a
pas du tout marché en 1985.
Pourtant, si
Mylène a une chanson qui lui colle à la peau,
c'est
bien celle-là. Le second 45 tours, Libertine, en
1986, puis, Tristana
et Sans
contrefaçon, en 1987, ont tout fait exploser.
On dit que la
réussite de Mylène a
reposé sur les clips ?
En 1985, lorsque nous avons signé chez Polydor,
j'ai
conservé la co-édition, l'autre
moitié a
été cédée à
Polygram Publishing pour
que ces derniers co-produisent les clips. En 1987, quand
j'étais chez Tréma, Mylène a
eu besoin de
beaucoup d'argent pour faire le clip de Sans
contrefaçon, nous sommes allés
frapper à
toutes les portes. Tréma a demandé 15 points pour
donner
l'argent pour le clip. Laurent Boutonnat a refusé
et a
préféré se
débrouiller. Sans
contrefaçon fut le troisième tube de
Mylène avec Libertine
et Tristana.
Le plus cher de tous les clips a été Pourvu qu'elles soient douces
en 1988. Il a
atteint 380 millions d'AF (anciens francs, ndlr). On a
tourné une semaine, il y avait des
figurants, des décors... Sans Logique en
1989 a aussi coûté une fortune. Polygram a
toujours
payé une partie de ces clips car ils étaient
essentiels
à la vente des disques, et Laurent et Mylène ont
toujours
beaucoup donné de leur argent pour boucler les budgets. Et
ce
n'est pas avec ce que donnent les chaînes pour les
passer
(entre 1 000 et 1 500 FF par passage sur M6, ndlr),
qu'ils
se sont remboursés ! Nous avions compris que les chaines
passent
avant tout les clips qui sont beaux, même si la chanson
n'est pas encore connue. Ceux qui sont filmés en
16 ou en
35 ont plus de chances que ceux filmés en vidéo.
Après mon départ en 1990, les clips ont
continué
à être très beaux, même si Désenchantée
en 1991,
était plus moyen. Je t'aime mélancolie
en
1991, Que
mon cœur lâche en 1992
réalisé par
Luc Besson, sont superbes. C'est aussi en 1990, que
Mylène
a fait une grosse promo sur l'Allemagne.
Vous vous êtes
occupé de manager Mylène
?
De 1984 à fin 1989, je me suis occupé du
management de
Mylène. La promo était toujours
compliquée, les
interviews étaient soigneusement
préparées, jamais
en direct, même au journal de 20 heures. Tout
était
étudié, car Mylène n'est pas
une fille pour
le direct. Elle est timide, fragile et elle a besoin de se sentir en
sécurité. Elle est Vierge ascendant Vierge, ce
n'est pas pour rien. Je me souviens qu'elle
m'avait
téléphoné en me disant : "Si tu es un
bon manager, tu vas me le prouver : je veux deux fois plus de passages
sur NRJ pour Sans
contrefaçon".
J'ai eu le trac mais je les ai obtenus. Là,
l'enfer
a commencé, parce qu'il fallait aller toujours
plus loin,
mais aussi parce qu'il fallait refuser beaucoup de choses et
se
mettre des gens des médias à dos. Pour
fêter notre
réussite, on avait fait aussi un beau dîner
'libertin' au
Jardin de Bagatelle après le Palais des Sports de 1989. Ce
fut
une réussite totale.
Quand vous avez
contribué à créer le
personnage de
Mylène, de qui vous êtes-vous inspiré ?
De Sylvie Vartan. Au Palais des Sports de Mylène en 1989, on
sentait vraiment l'héritage de Sylvie Vartan.
Mylène dansait, chantait, jouait, le tout dans des costumes
travaillés, c'était un vrai show. Je me
souviens de
la photographe Marianne Rosenstiehl, qui nous avait fait des photos
dans la loge, dont certaines ont servi à la pochette
d' A quoi je
sers en 1989. Bien sûr, je
ne disais
pas à Mylène que mes idées
étaient
piquées au personnage de Sylvie, car ça
l'aurait
agacée. Mais je crois que Mylène savait
d'où
elles venaient. Je m'inspirais aussi de Dalida, qui a
été une show-woman extraordinaire à
partir des
années 70. Là non plus, je savais qu'il
ne fallait
pas que je le dise à Mylène, car ça
l'aurait
énervée. Les jeunes chanteuses n'aiment
jamais
savoir qu'elles ne sont pas les premières
à faire
quelque chose. Mylène a été une
nouvelle Dalida ou
une nouvelle Vartan. Ces trois filles ont le même public :
beaucoup d'homosexuels.
Que pensais-tu du
merchandising qui était fait autour de
Mylène ? De Polygram Merchandising qui le gère
aujourd'hui ?
Je ne savais pas qu'il était désormais
géré par Polygram. Dans les années 80,
nous
faisions ça nous-mêmes : les T-shirts, les
briquets, les
photos. Mais tout était trop beau, trop cher. Sur les 70
dates
de l'unique tournée de Mylène - si l'on
excepte le podium Europe Un en vedette anglaise de Catherine Lara en
1986 - Mylène, Laurent et moi, nous avons
dû gagner
10.000 FF chacun. C'est peu. Mylène a un
public
populaire, et nous lui proposions des produits trop luxueux, trop
sophistiqués. Mylène lisait Luc Dietrich, et
avait
du mal
à donner dans le populaire.
En 1987, tu retrouves
Jakie Quartz, et tu travailles aussi avec Buzy ?
Oui, j'ai
craqué sur un texte de Buzy qui s'appelait Body physical. En
revanche, je trouvais sa musique impossible. j'ai demandé
à Gérard Anfosso d'écrire des musiques
pour Buzy. Pendant 6 mois, j'ai eu trois fois par semaine Buzy au
téléphone pour lui faire admettre qu'elle devait
se contenter d'écrire les textes. Elle était
produite par Gérard Pédron qui s'occupait de
Lahaye et de "Lahaye d'honneur". De cette émission de
télé, qui était managée par
Bob Otovic, j'ai des souvenirs très forts. Buzy
était distribuée par Phonogram. Body physical a
marché : nous tenions un tube. C'est la seule fois de ma
vie, où une radio, Europe Un en la personne d'Albert
Emsalem, m'a demandé une co-édition pour passer
le titre. J'étais soufflé, même si
c'était courant dans le 'vieux métier' issu des
années 70. J'ai refusé cette proposition d'autant
plus qu'il n'y avait pas de promesses fixes de rotations, de diffusion.
Après le single de Body
physical, il y a eu deux autres singles avec moi : Baby boom,Sweet Home, mais
pas d'album.
En plus de t'occuper de
Mylène, en 1985 ou 1986, tu entres
chez Tréma ?
C'est l'époque où
j'ai
été contacté par Régis
Talar pour
développer chez Tréma un catalogue jeune.
Mylène
trouvait cela très flatteur, valorisant pour elle. Le
problème, c'est que dès que
j'étais
dehors pour m'occuper de Mylène ou de Buzy, des
gens chez
Tréma changeaient les choses que j'avais faites :
les
pochettes, les plans promo... C'était
difficile
à vivre.
Chez Tréma, en
1987, tu retrouves la chanteuse de ton
enfance, Marie...
Oui, j'ai signé son dernier disque, Bulles de
chagrin (disponible sur la compilation de Marie dans Les Années Chansons,
ndlr). Quand elle est venue me voir la première fois avec
son mari, Lionel Gaillardin, l'ex-guitariste d'Il était une
fois, j'avais ramené à mon bureau mes cahiers
d'enfant où j'avais collé ses photos de 1971
à 1973. J'étais très
ému.
Malheureusement, c'est l'époque
où j'ai
quitté Tréma après une crise
énorme, due
à l'alcool et à la cocaïne.
J'ai
hurlé et j'ai cassé tout mon
matériel, mes
cadres, mon bureau, mais j'ai eu la présence
d'esprit d'appeler SOS débarras. Quand
Régis
Talar, le directeur, est rentré, tout était en
ordre.
Après mon départ, Tréma a enseveli le
disque de
Marie, qui n'est pas vraiment sorti dans le commerce,
malgré un début de promo en 1988. J'ai
loupé
le retour Marie et j'en suis très triste. Lionel, son mari,
qui était aussi le producteur, aurait, peut-être,
dû plus me secouer.
Quelques
temps après, j'ai revu Marie, qui faisait du
montage de
films pour gagner sa vie. J'étais très
gêné vis-à-vis d'elle.
J'ai appris
qu'elle était
décédée il y a quelques
mois, ça m'a fait un choc. Je suis heureux que vous ayez
réédité quelques unes de ses chansons
dans la collection Les
Annnées Chansons. On peut y retrouver une
dédicace de Véronique Sanson à Marie,
et c'est normal puisqu'elle a beaucoup apporté à
la génération 70.
Et à
Mylène aussi... Mylène avait
écouté Bulles
de chagrin et en a repris
l'idée
dans Ainsi soit
je... Ce
n'est pas la seule
à laquelle Mylène ait pris une idée.
Un autre
garçon que je produisais depuis 1985, Alix Morgen,
aujourd'hui décédé, avait
une voix de
castrat. Je lui avais fait enregistrer une chanson à la
production ambitieuse "Avant que le monde explose, je veux
mourir". Ce disque est sorti quand Klaus Nomi est mort et toutes les
radios me l'ont refusé car Nomi et les castrats
étaient tabous à cause du Sida. Le refrain disait
"Ainsi soit-il,
ainsi
soit-elle...". Je l'ai envoyé
à
Mylène. No comment.
Mylène a aussi
repris officiellement une chanson
à Marie Laforêt ?
Je disais toujours à Mylène qu'il
fallait
qu'elle fasse des reprises. Un jour, je lui ai
prêté
tous mes disques de Marie Laforêt, car j'avais
envie
qu'elle chante trois chansons que j'aimais
beaucoup.
Cependant, je ne lui ai pas dit lesquelles. Elle m'a
rappelé en me disant je vais chanter Je voudrais
tant
que tu comprennes, qui était une des trois
choisies.
C'est là qu'on se rend compte de ce que
signifie le
mot complicité. Malheureusement, la chanson qui devait
sortir en
face B de Sans
Logique en 1989 a
été
remplacée par Dernier
sourire, et
ce,
malgré l'insistance de
l'éditeur
d'origine... et la mienne. Au final, elle
n'a
été éditée que sur le
'live', par le fait
que Mylène la chantait sur scène. Avec Déshabillez-moi,
ce fut la seule reprise de
Mylène. Fin 1987-début 1988, j'ai eu
trois tubes au
Top 50 : Sans
contrefaçon, Body physical de
Buzy, et A la
vie, à
l'amour de
Jakie Quartz.
Comment se sont
passées les retrouvailles avec Jakie Quartz ?
Je ne sais plus si c'est moi ou elle qui ai rappelé. Nous
avons fait A la vie
à l'amour et ça a
été un gros tube en France et même en
Allemagne. On a vendu 300 ou 400 000 singles car les DJs aimaient bien
Jakie pour le son boîte qu'Anfosso lui 'arrangeait'. On a
vendu pas mal d'albums aussi. Elle a ensuite, au début des
années 90, sorti un album chez Warner, mais sans moi. Il n'a
pas marché.
Qu'est devenu
Gérard Anfosso ?
A la fin des années 80, il a eu une grosse
dépression,
suite au suicide de son père, qui était
marseillais.
Récemment, je l'ai contacté pour
qu'il
compose pour une fille que j'ai trouvée. Il est
venu, a
écouté, et il est reparti non convaincu. Je
n'ai
plus eu de nouvelles. Je crois qu'il a disjoncté.
C'est étrange, tout le monde autour de moi a mal
vécu les tubes sur tubes de Mylène de 1986
à 1991.
Anfosso a
travaillé avec Jakie, Buzy, pourquoi pas
Mylène ?
Problème d'égo de Laurent et de
Gérard, qui
se sont vus trois fois, mais ça n'a pas abouti.
En 1988, vous
êtes l'éditeur le plus
envié ?
Oui, avec tout ce succès, j'ai même
dû 'péter les plombs'. Pour moi, qui partais de
rien, tout
cet argent, c'était fou. Pendant deux ans,
j'ai
dû être vraiment invivable, les gens qui
m'ont connu
à cette époque doivent avoir un mauvais souvenir
de moi.
J'ai un défaut : je suis très franc.
Quand une
chanson ne me plaît pas, je le dis aux gens, même
les
débutants : c'est plus honnête,
même si dans
ce métier, on préfère les compliments
et ronds de
jambe. Le problème c'est qu'ils
n'aboutissent
jamais à rien.
Pourquoi n'avez-vous rien
fait avec Jakie après À
la vie à l'amour ?
Jakie a une très forte personnalité, comme moi,
et nos
passions pouvaient être aussi constructives que
dévastatrices. En 1988, j'étais
toujours avec
Mylène et il s'est passé une histoire
dingue. Jakie
habitait 18, rue Quincampoix dans un beau triplex à la mode.
Sur
ce, Mylène me dit un jour qu'elle veut
déménager. Comme elle habitait toujours dans une
maison
de poupée, je l'ai encouragée
à partir pour
un grand appartement aux dimensions de la star qu'elle est
devenue. Et par le plus grand des hasards, elle a signé pour
un
appartement au 18, rue Quincampoix. C'était
horrible, je
ne pouvais pas venir voir l'une sans être vu par
l'autre. Leur cohabitation a duré trois ans. Si
Mylène était très
réservée en ce qui
concerne les remarques sur Jakie, ce n'était pas
le cas de
Jakie. Malgré tout ça, je crois que
j'ai
aimé Jakie autant que Mylène, à la
folie. Après la promo de A la vie à l'amour,
un jour Waterman (de Stock Aitken et Waterman) m'appelle et me dit "Je
voudrais remixer Jakie Quartz". Ce fut fait et le remix est sorti
partout, en Allemagne, en Angleterre... mais chanté en
frnaçais. Aujourd'hui je réalise la chance que
j'avais d'avoir tous ces gens au
téléphone. C'était une
époque exceptionnelle. Ce
n'est
pas 'normal' qu'à 35 ans, j'ai 23
disques d'or
à mon actif.
Vous quittez
Mylène en 1989...
Oui, après le Bercy de décembre. A
l'automne 1989,
nous avions fait les 70 dates de la tournée avec Thierry
Suc,
nous étions épuisés, physiquement et
aussi
moralement. Même si Mylène m'a
écrit une
lettre qui finissait par "Je t'aime comme personne", et qu'elle l'a
glissée sous
ma porte, dans
un hôtel lors de cette tournée, la tension
montait. Il y
avait aussi la guerre avec Jeanne Mas, depuis la fameuse
émission de télé. Je dois avouer que
Mylène
ne disait jamais rien contre Jeanne. Elle avait
décidé
que le mutisme était préférable. Elle
avait
raison. Jeanne, après son Bercy de septembre 89, avait
décidé de tourner en même temps que
Mylène
et dans les mêmes villes, un jour avant, de
préférence. Ce n'était pas
possible, le
public n'avait pas assez d'argent pour
s'offrir les
deux. Je voulais intervenir, Mylène ne voulait pas et
Laurent
jouait l'attentisme. Jeanne, qui était au
début de
son passage à vide, a décidé, au
dernier moment,
de ne pas faire sa tournée de 40 dates.
J'avais
décidé de faire un autre dîner
après Bercy,
toujours pour la presse et le métier. Un dîner
magnifique
de 500 personnes à l'Ecole des Beaux Arts. On
devait
remettre à Mylène, puis à moi, un
disque de
diamant certifié. C'est là que tout a
foiré.
Je voulais quelque chose de très star, de très
solennel
aussi, et Alain Levy n'a pas joué le jeu. Il lui a
donné le disque alors que tout le monde était le
nez dans
son assiette. Il n'y avait aucune scénographie,
aucune
magie. Je ne pouvais pas accepter ça. Alors, j'ai
hurlé... et la soirée a
tourné à
l'horreur. Ma mégalomanie était
démesurée, je le sais aujourd'hui, car
j'ai
retrouvé un équilibre physique et psychique.
Les majors n'aiment pas
les indépendants, c'était
peut-être un moyen pour minimiser votre importance dans la
réussite. Qu'a pensé Mylène ?
Elle était bouleversée. Elle a essayé
de me calmer
en me disant que si je continuais, c'est elle qui sortirait.
Tout
le monde était en train de partir. Mylène
m'a
envoyé un télégramme : "Si
tu as besoin de
moi, je suis là". Cette fille est extraordinaire
d'humanité. Mais à ce
moment-là,
j'aurais tant aimé la voir. Un mois
après, elle
m'a appelé en me disant : "On
arrête de
travailler ensemble, ton comportement est devenu impossible".
Vous n'aviez pas de
contrat avec elle ?
Non. J'ai toujours travaillé à la
parole.
C'est vrai que j'avais
l'édition des chansons,
c'est une sorte de contrat. A la suite de la rupture,
j'ai
vendu mon catalogue d'éditions, soit 77 chansons.
Je ne
sais pas si j'ai fait une bonne affaire, car, comme
j'ai
contractuellement accès aux relevés, je sais
qu'aujourd'hui, au bout de trois ans, mon acheteur
a
déjà récupéré
les 4/5èmes de
sa mise. Remarquez, à part Mylène, que
j'avais
depuis le premier single chez RCA, il n'y avait rien
d'important. Si elle ne vend plus, le catalogue ne vaudra
plus
rien. En tout cas, pendant plusieurs années, mon nom en tant
qu'éditeur d'origine, continuera
d'apparaître sur les éventuelles
rééditions. Mylène a même
laisse ma photo
avec elle dans son 'live'.
Qu'avez-vous fait de cet
argent ?
J'ai produit un disque qui n'est pas sorti. La
chanteuse se
nommait Pascale Chambry, elle animait, avec Karen Cheryl, des
émissions pour la jeunesse. Je l'avais
signée chez
Tréma avec une chanson qui s'appelait Les mots du
jour. La production m'a
coûté très
cher et ça n'a pas marché.
Jusqu'à
aujourd'hui et depuis la sortie de l'album L'autre... de
Mylène,
j'ai mal
vécu cet échec. D'autant plus que les
gens de ce
métier sont horribles. Ils me disaient : "Oh
Bertrand, tu
as fait l'erreur de ta vie, le dernier album de
Mylène est
formidable". Ils ont remué le couteau dans la
plaie mille
fois. Il y a, en plus dans l'album L'autre..., une
chanson, Pas de
doute, qui, je
crois,
m'est destinée.
Vous avez produit les
Jumelles chez WEA en 1993 ?
Avant cela,
j'ai travaillé comme agent, en charge de
comédiens (Agnès Soral, Christine Boisson,
Féodor Atkine...) chez les Agents Associés,
gérés par Georges Beaume, entre 1991 et 1992.
J'avais fait aussi un disque avec Valérie Mairesse en 1991.
Pour les Jumelles, Céline Music (Vline Buggy, ndlr), le
co-producteur et moi avions choisi Carole Coudray, le parolier de
Françoise Hardy dans Tirez
pas sur l'ambulance. La production de leur album m'a,
à nouveau, coûté très cher. Rose aurait
dû être un tube, mais, à peine
avions-nous commencé la promo, qu'AB s'est
manifesté pour les engager dans "Premiers Baisers". Azoulay
m'a appelé chez moi pour me convaincre. Je ne voulais pas,
mais je n'avais avec les Jumelles qu'un contrat de producteur
discographique, je ne pouvais pas leur interdire de jouer la
comédie dans un sitcom ou ailleurs. Ma position de manager,
si elle me permettait de toucher 10% sur tout ce qu'elles faisaient, ne
me donnait pas la possibilité de leur interdire quoi que ce
soit. J'ai donc laissé faire, d'autant plus que WEA croyait
au sitcom pour les faire exploser, mais les radios n'ont pas suivi,
sauf M40. Jacques Metges, qui était encore chez WEA,
s'occupait de la promo. Comme il était copain avec Charles
Sudaka, le bras droit de Jacques Martin, elles ont fait Le
monde est à vous. Etant WEA, elles n'ont pas eu le handicap
des artistes AB, qui sont très peu soutenus hors de TF1 et
des émissions AB. L'image de ce groupe est catastrophique
dans le métier. J'étais
déprimé, d'autant plus que Gérard
Louvin, quand il a reçu le disque, m'a appelé
pour me dire : "Bertrand, tu as un tube. je veux que leur
première grosse télé
soit Sacrée Soirée". Nous avons fait un
deuxième single, mais on aurait dû sortir Seuls les bonbons mentent
à la place.
C'est pour vous calmer
que Jean-Luc Azoulay vous a engagé chez AB Disques...
C'est pour tout un ensemble de choses. Pour les Jumelles, pour
Sébastien Roch, car je m'occupais de sa presse en
indépendant et j'obtenais de plus en plus de couv'.
Ça fait maintenant un an que je suis chez AB. J'y suis
entré le 15 octobre 1993. Sébastien nous a
quitté en décembre suivant pour
préparer un album chez Phonogram. Depuis, je travaille avec
Jean-Michel Fava dans le département disques. On peut
rigoler d'AB, mais c'est une société
française qui n'a pas de problèmes d'argent,
c'est rare aujourd'hui. Dorothée vend toujours beaucoup
d'albums, Hélène et Christophe Rippert ont eu un
succès fabuleux. Quand Nagui m'a dit : "Qu'est-ce que tu
fous chez AB ?", je lui réponds qu'il faut vivre aussi et
qu'on n'a pas toujours le choix. AB m'a donné une
stabilité qui me permet d'avoir envie de bouger.
On raconte que France
Gall a téléphoné à Azoulay
pour lui fredonner "Hélène, je m'appelle
Hélène" et "Ziggy, il s'appelle Ziggy" avant de
se mettre en colère. C'est vrai que les chansons se
ressemblent beaucoup...
Peut-être... Chez AB, j'ai aussi recommencé
à faire de la production. J'ai signé Rodney
Weber, qui est le canadien anglophone que l'on voit dans le clip Ziggy de
Céline Dion. Nous avons fait un disque en anglais qui est
produit par AB, mais comme il est 'model', mannequin, il habite
à Munich, travaille en Afrique du Sud, en Espagne... Ce
n'est pas facile de faire la promotion avec lui, car il est rarement
à Paris. J'ai aussi signé une fille pour AB,
Nathalie Santa-Maria.
Vous vous occupez du labe
adulte d'AB, Pense à moi, où on trouve Dave,
Charles Dumont, Desirless, Carlos, Jeanne Mas... ? Si ce label ne
marche pas (aucun des artistes n'a vendu plus de 20 000 albums),
n'est-ce pas parce qu'il n'a pas l'appui de médias
adaptés ?
Je ne
m'occupe pas de ces artistes, car je crois que je ne pourrais rien leur
apporter, sauf Jeanne Mas pour laquelle j'ai beaucoup d'admiration et
d'amour. En ce qui concerne Desirless, c'est son
ex-secrétaire, je crois, qui l'a prise en main et pour la
promo, c'est Annie Markhan qui s'en charge. Jean-Luc Azoulay a cette
qualité d'ouvrir sa porte à des artistes qui ne
sont pas destinés aux enfants et de leur laisser toutes les
libertés.
Pour ma part, j'ai un projet d'album avec Amanda Lear.
Que pensez-vous de
Mylène aujourd'hui ?
Depuis que je ne suis plus là, personne ne conseille plus
Mylène, mais elle s'en sort bien : le premier
album avait
fait 400 000 à la sortie et 200 000 ensuite, le
deuxième
1 400 000, le live 600 000, le troisième
1 700 000… (la compil Dance Remixes est
double or soit
plus de
200 000). Avant l'échec du film, je comprends que
Mylène ait pu imaginer qu'elle était
une 'Elue' et
qu'elle ait, comme Jeanne Mas, perdu le contrôle de
ce
qu'elle était. Le problème,
c'est que Laurent
aussi était persuadé d'être
un 'Elu' et il
pensait que rien ne pourrait arrêter leur ascension. Aucun
des
deux ne pouvait alerter l'autre. On sent que
Mylène est
toute seule, perdue. Pour le promo du film Giorgino,
c'est évident qu'elle et Laurent
étaient
isolés, entourés de gens incapables de leur dire
en face
ce qu'il fallait faire, incapables de les prévenir
du
danger. Comment peut-on dire à une super-star ou
à un
super-producteur que ce qu'il fait n'est pas bien,
à
moins d'avoir été débutant
avec lui ? Giorgino
a coûté
très cher.
C'est terrible, car c'est quatre ans de boulot et
tout
l'argent qu'ils ont gagné
anéanti. En
revanche, je ne m'explique pas pourquoi aucun journaliste
n'a signalé les liens de Laurent avec
l'Angleterre
romantique et surtout avec David Lean auquel il a emprunté
toute La fille
de Ryan. Toute sa vie a
été
influencée par ces personnages : pourquoi baptiser Ryan
Jones
une de ses affaires ? Ryan, parce que La fille de Ryan,
et Jones, parce que c'est le nom du capitaine qui tombe
amoureux
de La fille de
Ryan. La
société
d'édition de Laurent s'appelle Requiem,
la
société de production discographique
Toutankhamon, la
société de production
cinématographique
s'appelle Heathcliff, du nom du héros de Wuthering
Heights / Les
Hauts de Hurlevent,
un autre film
qui a beaucoup inspiré Laurent. Giorgino est
trop long, il n'y a pas matière à en
faire trois
heures. Le film aurait duré une heure et demi, il aurait
marché. La sortie a été
reportée deux fois,
une fois au printemps, une fois fin août. La promotion
à
l'automne a été volontairement trop
discrète, il ya eu des problèmes de promotion.
Celle-ci
n'a vraiment commencé que deux semaines avant la
sortie et
personne n'a vraiment su que le film sortait enfin. Personne
n'a eu envie d'aller le voir, car tout le monde
pensait que
le film ne serait qu'un clip longue durée. En
plus,
l'attitude distante de Mylène et Laurent est
apparue pour
de la prétention. Ils ont fait un film tourné en
anglais
pour qu'il aille dans le monde entier mais n'ont
donné que peu d'interviews. Je me souviens
d'Hugh
Grant, avant le succès de 4 mariages et 1
enterrement. Il avait été
contacté
pour jouer le
premier rôle aux côtés de
Mylène, mais il a
refusé.
Aujourd'hui, comment
Laurent peut-il préparer l'album que
Mylène doit contractuellement sortir en mars ? Comment vont
être les rapports avec José Covo chez Polydor ?
On raconte que Laurent est en dépression. Même
l'histoire privée de Laurent et Mylène
ne peut pas
ne pas pâtir de cet échec. J'ai
croisé
Laurent deux fois dans un restaurant depuis la rupture, il ne
m'a
même pas dit bonjour, je trouve cela triste.
Mylène est
prisonnière de son image de fille fragile, romantique, elle
ne
pourra jamais en changer : ce n'est pas une vamp et
c'est
mieux ainsi. Je lui ai écrit récemment, je ne
l'avais jamais fait depuis le jour de 1990, où
elle avait
appris que j'avais vendu mon édition. Dans cette
dernière lettre, je lui ai dit que je ne l'avais
pas vue
depuis 4 ans et que j'en souffrais.
Si vous aviez la
possibilité de changer votre
passé...
Je referais tout de la même façon, car je pense
que les
passions sont liées aux crises et que les ruptures et les
réconciliations sont inévitables. Comme dans la
chanson
de Dalida : "Si c'était à
refaire... je
referais tout"