Quand et par qui avez-vous
été
contacté pour faire les remixes de Q.I ?
J'ai été contacté par Damien Fischetti
de Polydor. J'avais déjà travaillé
avec lui pour la compilation RemixeS (sortie en
2003, NDLR).
Un disque sur lequel vous
aviez remixé Désenchantée. Vous l'aviez d'ailleurs
signé sous le nom de Thunderpuss, le
célèbre duo de remixeurs que vous formiez avec
Barry Harris. Vous veniez pourtant de vous séparer, non ?
Oui. Mais lorsque le projet a été
dealé, c'était pour Thunderpuss. Donc,
même si j'ai fait ce remix tout seul, c'est le nom du duo qui
a été crédité. C'est
d'ailleurs un des derniers remixes signés Thunderpuss.
Vous connaissiez le
travail de Mylène avant de travailler
sur ces remixes ?
Vous n'allez pas me croire, mais je connais ses chansons, et j'en suis
même fan, depuis 1992. Je l'ai découverte
grâce à un copain à moi qui allait
souvent en France.
Un américain ?
Oui. Il aimait beaucoup Mylène et l'écoutait
souvent, ce qui m'a permis de la connaître.
Quelle est la
première chanson d'elle que vous ayez entendue
? Désenchantée.
J'ai adoré. J'ai fini
par me procurer l'album dont ce morceau était extrait. J'ai
aimé immédiatement, même si je ne
comprends pas le français; j'adore sa voix, les
mélodies, le son de l'album. Je me suis surpris à
passer le disque encore et encore, et à être
à fond dedans. Depuis, j'achète chacun de ses
disques. Et j'aime beaucoup cette artiste.
C'est rare qu'un
anglophone s'intéresse à un
artiste français...
J'adore découvrir des musiques que je ne connais pas. A
chaque fois que je vais dans un pays étranger, j'aime aller
dans un magasin de disques et acheter des CD des artistes locaux. Peu
importe la langue, la musique est universelle. Elle relie les gens,
passant outre leur race, leur religion ou leur couleur de peau.
Vous avez d'ailleurs
déjà travaillé
pour des artistes non anglophones...
Oui, bien sûr. Même si je ne comprends pas les
mots, je ressens les choses via la mélodie; c'est une langue
universelle que je sais parler.
Hormis Mylène,
avez-vous déjà
remixé des français ?
J'ai travaillé avec Bob Sinclar. Et Mirwais.
Je crois que vous avez
travaillé avec Lara Fabian aussi, sur
le morceau I
will love again. Ceci dit, elle est belge (rires)...
Je la croyais canadienne...
Oui mais elle vient de
Belgique.
Je ne le savais pas. Mais je savais que ses plus grands
succés étaient français.
Vous avez
travaillé pour de grandes stars. Est-ce plus
satisfaisant que de faire des bidouillages undergrounds ?
Les deux sont intéressants. Quand tu bosses sur un hit
radio, ça te met sous la lumière, donc
ça te rapporte beaucoup de boulot et ça te permet
de rencontrer des gens, stars ou pas, avec qui tu feras un travail
intéressant dans le futur. Mais j'ai besoin de
contrebalancer ça avec des projets plus undergrounds; c'est
mieux pour la crédibilité au sein de la
communauté dance. Il faut donc savoir trouver le juste
milieu entre les deux. Mais c'est difficile: si tu ne fais que de la
pop avec des grandes stars, et que tu as trop de succès, tu
es vite jeté par le milieu et on te range parmi les DJ
bouffés par le système, et si tu ne fais que de
l'underground, tu rames pour payer ton loyer (rires). Pour
tout dire, j'ai appris à bosser à l'instinct. Je
fais les trucs qui me plaisent, qui me passionnent.
A l'époque
où vous avez découvert
Mylène et appris à l'apprécier,
avez-vous tenté de l'approcher ou d'entrer en contact avec
son entourage pour travailler avec elle ?
Non .Sans prétention aucune, j'ai la chance que le travail
vienne à moi depuis pas mal d'années; je n'ai
sollicité personne depuis facilement dix ans. Pour le cas de
Mylène, j'ai été approché
par son label parce qu'ils aimaient mon travail. Un jour, j'ai
reçu un mail de Universal France me disant qu'ils
cherchaient des remixeurs internationaux pour le projet RemixeS et
voilà... Je me rappelle qu'ils commençaient
à me faire le laïus sur sa carrière, son
parcours. Et je leur ai dit : "Pas la peine, je connais très
bien le travail de Mylène Farmer." (rires) Je crois qu'ils
étaient impressionnés, ou en tout cas surpris que
je la connaisse.
C'est vous qui avez
choisi de remixer Désenchantée
pour ce projet ?
Oui ! Je leur ai demandé s'ils voulaient que je travaille
sur un morceau en particulier ou si je pouvais choisir. Ils m'ont
répondu que si je souhaitais une chanson bien
précise, je pouvais leur dire. A l'evidence, Désenchantée
était en tête
de ma liste (rires). Par chance, la chanson était sur leur
tracklisting et, comme j'ai été l'un des premiers
DJ à être sollicités pour ce projet,
elle était encore disponible.
C'est votre chanson
préférée de
Mylène ?
Oui. D'abord parce que c'est la première chanson de
Mylène que j'ai entendue de ma vie. Et puis je trouve la
mélodie magnifique. Elle me rappelle plein de bons
souvenirs, donc j'étais très heureux de pouvoir
travailler dessus.
C'est le plus gros tube
de Mylène. Etait-ce une pression
supplémentaire pour vous ?
Un peu parce que je savais que ce serait un des remixes les plus
attendus par le public. A titre personnel, je sais que quand j'adore
une chanson, je suis beaucoup plus critique quand on la remixe, y
compris quand c'est moi qui le fais. Je n'avais clairement pas envie de
décevoir. J'ai récemment travaillé sur
un remix de Le
Freak du groupe Chic, qui est une de mes chansons
préférées de tous les temps, et
ça a été très difficile
nerveusement pour moi parce qu'il fallait trouver un son qui convienne
au marché d'aujourd'hui, mais sans ruiner l'essence
même de ce qui est devenu un vrai classique des dance-floors.
Je ne peux pas ignorer ce genre de considérations quand je
travaille sur une chanson qui s'est avérée
être un énorme tube populaire.
Avez-vous eu des
réactions de Mylène, de son
entourage ou de ses fans après ce remix ?
Apparemment Mylène a aimé puisque j'ai
été rappelé pour Q.I.
Vous arrive-t-il de jouer
vos remixes de Mylène lors de vos
sets aux Etats-Unis ?
Malheureusement non car le public américain est
hermétique à tout ce qui n'est pas
chanté en anglais. On peut éventuellement
utiliser un petit sample en langue étrangère,
mais pas une chanson en entier. Une chose que j'adore chez vous en
Europe, c'est que vous n'avez aucun problème à
écouter de la musique des autres pays. Dans une
même soirée ici, je peux passer des chansons en
allemand, en espagnol, en français, en anglais ou en
italien, ça ne pose aucun problème.
Et d'ailleurs dans le
monde, vous arrive-t-il de passer du
Mylène ?
Oui, bien sûr. Surtout en Europe où Désenchantée
a été un
vrai tube. Je n'avais pas vraiment compris l'impact de cette chanson
avant de la jouer à Paris; la foule
était hystérique sur ce titre. Je l'ai
jouée à Mexico City aussi, devant 2000 personnes,
et à ma grande surprise, l'ambiance est devenue simplement
folle ! Les gens ont adoré !
Savez-vous que nombreux
sont les journalistes à surnommer
Mylène la "Madonna française"? Vous qui avez
travaillé avec Madonna, qu'en pensez-vous ?
C'est marrant parce que je reviens de Grèce où
j'ai fait un show avec Anna Vissi, une immense popstar
là-bas, et elle est surnommée la "Madonna
grecque" (rires). Je pense que dès qu'une chanteuse devient
une mégastar, voire une légende, dans son pays,
elle devient la Madonna de ce pays. Ça prouve l'immense
impact planétaire de Madonna. Au-delà de cela, il
est clair que quand Mylène porte des culottes, des
soutiens-gorge ou des bustiers sur les pochettes de ses disques,
ça amplifie la comparaison.
Comment avez-vous
appréhendé le travail sur Q.I ? Est-ce que
Mylène ou sa maison de disques vous ont
donné des directives ?
Non. Ils m'ont envoyé une copie de la chanson, et une copie
avec juste la voix de Mylène. Et c'est tout. Je pense qu'ils
aiment bien mon travail et qu'ils m'ont accordé une totale
confiance.
Le fait de garder intacte
la structure de la chanson (couplets
& refrain), n'était-ce pas leur volonté ?
Non, c'était la mienne. Quand je suis engagé pour
remixer un single, je pense bien sûr aux clubs, mais aussi
à l'artiste et à son public. Je suis un fan des
vocalistes et des chansons donc j'essaie de les respecter.
Vous pensez que ce n'est
pas le cas de tous vos collègues ?
Beaucoup de DJ ou de remixeurs se contentent de sampler une phrase ou
même un mot répété
à l'infini sur une musique totalement différente
de l'originale; je n'appelle pas ça un remix, c'est
carrément une autre chanson ! J'ai envie de leur dire : "Hey
les mecs, faites vos propres disques, mais n'appelez pas ça
le remix de tel chanteur ou telle chanteuse !". Je ne vois pas en quoi
ils servent les artistes.
Qu'avez-vous
pensé de Q.I quand
vous l'avez entendue
pour la première fois ?
J'ai beaucoup aimé. J'avais juste un souci par rapport au
rythme qui était assez lent. J'avais très envie
de lui donner de l'énergie pour les clubs, mais je
n'étais pas sûr de pouvoir y parvenir.
Et pourtant quelle
réussite ! Saviez-vous que les radios
françaises ont plus diffusé votre version que
l'originale ?
Non, je ne savais pas ! En fait, dans la mesure où je suis
en Californie, je n'ai pas trop d'échos sur la suite du
projet. Le label m'a juste envoyé quelques exemplaires du
maxi vinyl, mais c'est tout. Je n'ai pas vraiment de retours sur ce qui
se passe en France.
Vos remixes ont-ils
été acceptés
d'emblée par Mylène et son entourage, ou
avez-vous dû les remanier plusieurs fois ?
Ils les ont aimés à la première
écoute, ce qui m'a grandement soulagé. Ils
étaient très contents. J'ai seulement fait deux
ou trois petits changements pour la version radio pour laquelle ils
avaient quelques soucis avec certains niveaux de son qu'ils voulaient
plus forts par ci, ou moins forts par là. Quant à
la version club, elle a été acceptée
immédiatement.
Etait-il prévu
dès le départ que vous
signeriez deux remixes de Q.I
?
Oui, on m'a demandé une version club et une version radio.
Mais c'est comme ça que je travaille de toute
façon: quand on me demande un remix, je fais toujours un
club mix, puis un radio mix. Parfois je fais même un dub pour
mes sets. Ce que je compte bien faire pour Q.I car j'aime
beaucoup ce
titre; je pense pouvoir faire quelque chose d'assez underground pour
les clubs américains, sans les couplets et les refrains, en
jouant avec le bridge chanté.
Vous qui avez
travaillé avec les plus grandes stars de la
planète, avez-vous senti un climat particulier autour de
Mylène, un certain goût du mystère,
voire une réelle paranoïa ?
Un peu. Mais je peux le comprendre car il est très difficile
de garder une information secrète de nos jours. Quand un
artiste très connu me demande un remix, je reçois
des dizaines de mails de ses fans, à peine 24 heures
après avoir terminé mon boulot ! Je ne sais pas
comment c'est possible ! A force de travailler avec des gens
très connus, je sais comment je dois me comporter: je suis
respectueux de leur volonté de garder un projet secret, donc
je n'en parle pas tant qu'il n'est pas sorti.
Ce n'est donc pas quelque
chose de particulier à
Mylène ?
Non. C'est commun à tous les artistes qui ont de nombreux
fans à l'affût de toute info les concernant.
Avez-vous
déjà rencontré
Mylène ?
Non, mais j'aimerais beaucoup. Elle a l'air adorable. Je la trouve
très belle, fascinante et bien sûr très
talentueuse.
L'avez-vous eu au moins
au téléphone, ne
serait-ce que pour savoir ce qu'elle a pensé de votre
travail ?
Non, je parlais avec son manager. Mais c'est souvent comme
ça vous savez. Quand on me commande un remix, c'est souvent
quand le disque est déjà prêt. Donc
quand mon travail est fini, l'artiste est soit en pleine promotion,
soit en tournée, soit en train de préparer un
concert. Mon emploi du temps étant aussi ce qu'il est, on
n'a pas trop l'occasion de se joindre.
Vous n'avez donc
rencontré aucun des artistes que vous avez
remixés ?
Si ! Mais pas tous. Enrique Iglesias, Whitney Houston, les Pet Shop
Boys, Christina Aiguilera,... Cher a
été l'une des plus présentes et des
plus adorables. De celles qui vous donnent envie de vous surpasser.
Et Madonna ?
Je ne l'ai jamais rencontrée dans le cadre du travail, mais
j'ai dansé avec elle lors d'une soirée (rires).
N'est-ce pas frustrant de
travailler indirectement avec les artistes ?
Je préfère à l'évidence
rencontrer les gens, mais ce n'est pas toujours possible. Pour ce qui
est de Mylène, je sais qu'elle est très
occupée à Paris, et moi, à Los
Angeles. Depuis mon remix de Désenchantée,
je
ne suis venu en France que deux fois, et de façon furtive.
Mais je compte bien essayer de la voir la prochaine fois que je
viendrai.
Peut-être en
janvier prochain lors d'un de ses concerts
à Bercy ?
Ce serait parfait, je suis justement à Paris en janvier !
Quels sont les remixes
dont vous êtes le plus fier ?
Disons que beaucoup sont importants pour différentes
raisons. Si je devais n'en retenir qu'un, ce serait
peut-être It's
not right, but it's okay de Whitney Houston (en 1998,
NDLR),
parce que c'est le morceau qui m'a ouvert toutes les portes et avec
lequel ma carrière a pris une toute autre dimension.
Et si vous ne deviez
retenir qu'un seul artiste avec qui vous avez
travaillé?
Collaborer à différents projets de Madonna
(Don't tell me, What it feels like for a girl, GHV2 megamix, Die
another day, NDLR), c'était un rêve
vieux de
quinze ans qui est devenu réalité. Travailler
avec elle, ça a toujours été mon
objectif.
Vous comptez collaborer
à nouveau avec Mylène ?
J'aimerais beaucoup. Mais cela dépend d'elle et de son
entourage. (Chris Cox remixera Peut-être toi en
2006, NDLR).