Le décor de scène du Mylènium
Tour (statue de la déesse Isis) a
été conçu par Guy-Claude François
à partir du tableau #218 (c) 1973 de H.R. Giger.
Mylène Farmer Magazine
: Votre enfance, qui fut heureuse,
fut toutefois marquée par un événement
assez troublant, lequel ?
H.R Giger : Lorsque j'étais un p'tit bout d'homme de 5 ans,
j'ai tenu
dans mes mains un vrai crâne de mort et je dois dire, que
c'était assez excitant. J'ai beaucoup dû prendre
sur moi pour aller toucher de cette manière "la mort".
Votre père
était pharmacien, pourquoi ne pas avoir suivi cette voie
vous aussi ?
Je n'étais pas fait pour l'école et les
études étaient bien trop ennuyeuses pour moi.
Quel regard portez-vous
sur vos premières œuvres, tels Les enfants atomiques
?
Mes premiers dessins des Enfants
atomiques de 1962 -1963 étaient à
l'époque très engagés, car en ce
temps-là, la Suisse était sur le point de devenir
un nouvel Etat nucléaire.
Vous possédez
un splendide musée dans la région de
Gruyère (Suisse), est-ce un rêve d'enfant que de
posséder ce château ou est-ce un aboutissement
professionnel ?
Mon musée-château H. R. Giger était une
réelle passion. Parfois, des rêves importants
deviennent réalité, avec ce château, le
mien l'est devenu !
En quoi l'histoire et la
culture égyptiennes vous intéressent-elles tant ?
Je crois que tout le monde aime l'Ancienne Egypte. Leur art
était toujours présenté soit de front,
soit de profil, mais jamais de trois-quarts et c'est grâce
à cela que les sculptures et les reliefs
égyptiens demeureront à jamais
présents dans nos esprits. Mon amour pour les Egyptiens
naquit lorsque j'étais enfant. Souvent, les dimanches matin,
je visitais le musée ferroviaire R. H. B. à
Coire. Dans la galerie souterraine, on pouvait admirer des sarcophages
ainsi que des momies et, dans une vitrine en verre, il y avait une
tête, des mains et des pieds coupés. Souvent, je
me retrouvais seul dans cette cave funeste, imaginant les
forçats de ce monde reprenant un jour le pouvoir.
Après un
projet avorté pour le film Dune, on peut dire que Ridley Scott
vous a fait entrer par la grande porte à Hollywood,
grâce à son film Alien. Racontez-nous comment s'est
déroulée cette aventure.
Après ma collaboration sur Dune, Dan O'Bannon
a donné à Ridley Scott mon adresse, mon nouveau
livre qui sortait alors Giger's
Necronomicon ainsi que le scénario du film Alien.
Ridley Scott, feuilletant le livre, vit les images "Necronom IV" et
"Necronom V" et dit : "That's it !" et je fus engagé !
Où
trône l'Oscar qu'Hollywood vous a
décerné pour votre travail ?
Avant, je l'avais posé sur une
étagère"magique", avec tous les autres
présents que l'on m'avait alors offert. Maintenant, il se
trouve au Château Saint Germain en Gruyère, au
premier étage.
Mylène Farmer
apprécie véritablement votre travail depuis
qu'elle a vu un de vos livres à New York. The Spell a sa
préférence, pouvez-vous nous en dire plus sur ce
travail ?
Le temple de Spell est composé de quatre tableaux
réalisés entre 1967 et 1972. C'est, je crois, mon
plus grand chef-d'œuvre ! Il est empli de magie et est
né sans que je n'aie fait le moindre croquis. Durant toute
cette période de création, j'ai
énormément lu de grands auteurs de divers
courants... J'ai dû exprimer mon art dans la tourmente. En ce
temps-là, ma bien-aimée Li s'était
ôtée la vie d'un coup de revolver. On ressent
cette passion, entre amour et mort, dans mon travail...
Comment Mylène
Farmer s'est-elle fait connaître de vous ?
Sur mon site www.hrgiger.com. On m'a contacté pour
participer à la réalisation d'un décor
de scène pour une certaine Mylène Farmer.
Connaissiez-vous son
travail avant ce premier contact ?
Je n'avais jamais entendu parler d'elle auparavant et je demandais
à mes amis et à mes connaissances, mais personne
ne la connaissait. C'était, je l'avoue, assez
gênant de ne pas savoir qui elle était... Ici, en
Suisse allemande, les stars et les chanteurs qui n'ont qu'un public
francophone sont inconnus, à cause de la barrière
des langues. Mais, à la première
écoute d'un de ses albums, j'ai tout de suite vu
à quelle femme exceptionnelle j'avais affaire et je me
réjouissais de sa visite à mon musée.
Je me suis aperçu, lors de sa venue, que son
équipe avait plus besoin de mes œuvres que de ma
personne. Mais j'avais totalement confiance en Mylène, car
la première écoute de son travail m'a vraiment
enthousiasmé.
Pourriez-vous nous
raconter votre deuxième rencontre qui, je crois, a
été assez marquante ?
Oui, lors de sa deuxième venue dans mon atelier à
Zurich, Mylène était accompagnée par
son manager Thierry Suc et par le designer Guy-Claude
François, qui travaille pour l'Opéra de Paris. Ce
dernier avait pris avec lui des dessins réalisés
selon les désirs de Mylène : une statue de 11
mètres de haut, dont certaines parties bougeaient, prenant
toute la place sur scène et à laquelle
Mylène offrirait sa voix. Aussitôt
après avoir vu ces dessins, j'étais convaincu que
quelque chose de grand allait se passer.
À vous
entendre, c'était une véritable fascination ?
Oui. J'ai également essayé d'esquisser des
dessins de Mylène, mais, malheureusement, cela n'a pas
été concluant. Les belles femmes
présentent rarement toutes leurs facettes et quand elles le
font, la beauté devient difficile à saisir...
Lorsque je rencontre des stars, je suis comme tout fan, nerveux et
gauche. J'ai également une certaine peine avec les langues
étrangères, donc dès que je suis
ému, je reste sans voix !
Comment avez-vous choisi,
avec Mylène, l'image qui servirait à la
création de la statue ?
Mylène avait dans l'idée de faire construire une
statue colossale, que l'on verrait durant pratiquement tout le show.
Vous êtes-vous
beaucoup impliqué dans ce projet ?
Non... Un jour arriva où le contrat fut conclu et ce n'est
que le 11 février, six jours après mon
anniversaire, que je reçus une invitation pour voir
Mylène Farmer à Lausanne, ce que je fis. Ma
visite fut extrêmement bien organisée et par la
suite je me suis assis au milieu de la Halle en compagnie d'amis. Nos
sièges étaient réservés
dans la zone V.I.P., nous en étions assez fiers ! Mais, dans
un autre sens, cela me poussait à croire que nos
réactions seraient épiées, en toute
gentillesse bien évidemment.
Et comment avez-vous
trouvé le show qu'offre Mylène Farmer
à son public ?
Nous n'avons pas eu à jouer la comédie, ce fut
réellement renversant et nous étions
complètement enthousiasmés.
Que représente
Mylène pour vous ?
Mylène Farmer est une femme exceptionnelle, qui a une forte
présence sur scène. Elle peut amener une salle
entière à verser mille larmes. Si je connaissais
mieux le français, j'aurais pleuré aussi...
À ce que je sais, le film qu'elle a tourné n'a
pas rempli les salles, dommage... cela viendra peut-être !
Mylène a une idée précise sur son show
et doit très certainement souffrir si ses collaborateurs
n'arrivent pas à donner vie exactement à ses
idées. Elle a tout de suite remarqué que
j'étais moi aussi une forte tête, c'est pour
ça qu'elle n'a pas désiré trop
travailler avec moi. Elle a eu raison, de toute façon, car
le résultat est probant ! Mylène, vous
êtes merveilleuse, merci !
Qu'avez-vous
pensé de la statue ?
Moi, j'ai surtout beaucoup aimé l'illumination
raffinée de la statue, qui était vraiment comme
je l'avais imaginée, ce fut un immense cadeau de la voir
ainsi trônant sur scène. Merci Mylène
pour ce magnifique présent ! Ce fut un choc, mais un choc
comme on aimerait en avoir plus souvent !