Imane Ayissi - Interview (2007)
Imane Ayissi est la doublure de Seal dans une très grande partie du clip Les mots réalisé en 2001.
Je suis originaire du Cameroun et je me définis comme un artiste. J'ai été danseur, mannequin et je suis créateur de mode depuis douze ans.
Comment avez-vous été contacté pour tourner le clip Les mots ?
Un ami qui connaissait quelqu'un qui travaillait dans la production du clip. Il m'a dit que Mylène Farmer allait tourner une vidéo pour son duo avec Seal, mais c'était pendent la période des attentats aux Etats-Unis, en septembre 2001, et la plupart des Américains avaient peur de prendre l'avion, Seal y compris. Visiblement, je correspondais pour le doubler. Puis j'ai eu Laurent Boutonnat et la directrice de production au téléphone qui avaient vu mon site et mes photos entre-temps. Ensuite, je suis allé les rencontrer dans leurs bureaux, vers le quartier de Pigalle.
Connaissiez-vous l'univers musical et visuel de Mylène auparavant ? Qu'en pensiez-vous ?
Je n'avais jamais vraiment suivi sa carrière avant 1991 et l'album L'autre... que j'ai découvert quand je suis arrivé en France. Cela m'a beaucoup touché. J'ai trouvé que Mylène était quelqu'un qui avait de la finesse dans la manière de faire les choses. Mais je n'ai suivi son travail que de temps en temps.
Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec Mylène ?
C'était aux studios (les studios d'Arpajon, où a été notamment tourné Sans logique, ndlr), dans ma loge. Je me préparais pour mon rôle et j'attendais qu'on me dise ce que je devais faire, qu'on me coache. J'ai voulu sortir dans le couloir pour parler avec quelqu'un. Et là, une personne a ouvert la porte, puis a fait aussitôt demi-tour. C'était Mylène. Je ne sais pas si elle m'avait vu ou pas. Moi je l'avais reconnue à sa couleur de cheveux (rires) ! J'ai trouvé ça drôle et un peu bizarre comme première entrevue. Après seulement, on me l'a présentée. Elle était très discrète. Il fallait presque lui arracher les mots. Et comme je suis timide aussi... (rires) Mais c'était agréable, ça collait bien, on avait un feeling, sauf qu'on ne parlait pas beaucoup. On a surtout bien travaillé.
Et celle de Laurent Boutonnat ?
Il était très emballé. Il voulait absolument que je fasse le clip. La rencontre à Pigalle s'était très bien passée. Le seul problème, c'est que j'avais un défilé prévu à Milan quasiment pendant les mêmes dates que le clip. Or le tournage était très urgent. Finalement, le défilé a été reporté de cinq jours. Rassuré, Laurent m'a alors expliqué son idée dans les détails. Il voulait aussi que ça fonctionne avec Mylène. Il m'avait prévenu qu'elle était un peu introvertie, réservée. C'est son artiste, ils se connaissent bien et il m'a bien préparé pour que ça marche.
Comment s'est déroulé le tournage ?
On a tourné pendant deux jours. Laurent me disait qu'on serait dans une immense piscine qui représenterait la mer, sur un radeau, avec des vagues et une tempête. On ramait, on avançait, on se collait l'un à l'autre, Mylène chantait et en même temps, il pleuvait. Je devais tomber à l'eau. Pour moi, c'était atroce, car je ne sais pas nager ! Je les avais prévenus, mais ils m'ont dit qu'ils feraient tout au niveau de la sécurité. Tout le monde voulait que je joue dans ce clip, Mylène également, car je ressemblais à Seal. C'est leur sincérité qui m'a fait accepter car c'était l'occasion de découvrir des artistes comme eux, mais la scène de la noyade était très difficile... Je devais tomber comme si je décollais du radeau, porté par le vent, en arrière et que je me retourne tout de suite. Mais quand on ne sait pas nager, ce n'est pas évident. Surtout que les dimensions de la piscine étaient impressionnantes et profondes. De loin, on aurait dit des côtes maritimes. Mais il y avait des secours autour de moi au cas où, et tout était bien préparé. Ce qui était difficile aussi, c'était le froid. Les studios étaient trop grands pour être chauffés. On a caillé tous les deux, Mylène et moi ! Après le tournage, j'ai été enrhumé pendant trois jours. Mais c'était pour la bonne cause... On passait toute la journée mouillés à ramer, moi torse nu avec un pantalon couleur sable en coton et elle en petite robe légère, en coton également. Dès qu'on finissait une scène, on nous mettait des couvertures chaudes. Mais quel beau travail... Cela me faisait plaisir de travailler avec des gens aussi pointus.
Comment Mylène et Laurent se comportent-ils sur un tournage ?
Mylène savait exactement ce qu'elle voulait et Laurent ne lâchait rien. Il nous poussait tous les deux à bout, surtout elle, pour obtenir les meilleurs résultats possibles.
En dehors des scènes tournées, aviez-vous le temps de dialoguer avec Mylène ?
On parlait peu. Quand on avait quelques minutes de repos, c'était pour se réchauffer ou grignoter quelque chose. Les relations auraient pu être plus approfondies, oui, mais nous étions vraiment épuisés et on manquait de temps.
Quel souvenir gardez-vous de ce tournage ?
C'était une aventure vraiment sympa. J'en garde un très bon souvenir.
Que pensez-vous du résultat du clip ?
La production me l'a envoyé par cassette vidéo. C'était un clip vraiment bien fait. On devait croire que c'était Seal, mais des gens m'ont reconnu (rires) ! Au premier passage télévisé, j'ai eu des appels toute la journée. La plupart des personnes qui me connaissaient ou avec lesquelles j'avais travaillé, des stylistes ou des photographes, ont remarqué une cicatrice que j'ai sur l'épaule droite, ainsi que ma silhouette. C'était fou ! Non, vraiment, un souvenir bien sympa que ce clip !
Vous qui êtes aussi créateur de mode, quelle tenue originale pourriez-vous imaginer pour Mylène ?
J'aime les gens qui osent, qui ne sont pas comme tout le monde. C'est ça que j'apprécie le plus dans son personnage. Elle a une lumière en elle, je pense. Je suis un peu comme ça, différent des autres. Elle ose tout dans ses vêtements, la couleur de ses cheveux, ses costumes de scène. Elle fait passer des messages dans ses clips qui sont de vrais petits films. J'aimais beaucoup celui de Désenchantée qui était un clip déchirant, qui représentait beaucoup de ce monde dans lequel on vit. C'était extraordinaire. Avec ce qu'elle a en elle, elle peut porter n'importe quel genre de tenues. J'aimerais bien lui en créer une : elle peut tout se permettre.
Quels sont vos projets ?
Je suis en train de faire la promotion de mon livre de contes africains imaginaires, Millang Mi Ngorè - Histoires du soir (Klanga éditions, ndlr). Je prépare aussi ma nouvelle collection que je présenterai à la rentrée si tout va bien. Et je vais aller également en Afrique présenter un défilé au Cameroun.