Anthony
Martin : Bonjour Mylène
Farmer.
Mylène
Farmer : Bonjour
Merci de m'accorder cet entretien.
Nous sommes à
Genève,
vous avez donné un concert, hier devant 32 OOO personnes
à Genève. Comment vous sentez-vous, au lendemain
de ce
concert ?
Je
vais vous
répondre,
comblée et, à la fois évidemment
très
très fatiguée. Mais, des moments inoubliables,
inoubliables.
Vous ne vous ménagez pas
sur
scène. Vous
arpentez la scène de long en large, dansez aussi
évidemment, puisque l'on vous attend aussi pour
ça. Vous
concevez la scène comme un défi physique, aussi ?
En
tout cas, je
m'y
prépare. J'ai à peu près six mois
d'entraînement avant que de me produire en scène
avec un
coach qui s'appelle Hervé Lewis, avec qui on fait un travail
incroyable. Il me connaît depuis presque, j'allais dire, une
quinzaine d'années. Donc, on se connaît vraiment
très très bien. Donc, oui
l'appréhension physique
si je puis dire, en tout cas l'exercice physique fait partie du
spectacle. Mais, quand on est porté par un public... celui
que
j'ai devant moi, c'est quelque chose de tellement porteur qu'on en
oublie l'effort. C'est plus l'émotion qui gagne le terrain.
Vous
adorez
entendre chanter le
public. Souvent, à la fin d'un morceau, d'un tableau, d'une
chanson, vous reprenez a cappella pour les entendre ? Ça,
c'est
finalement le plus beau cadeau pour un artiste ?
C'est
le moment
probablement
le plus magique, en tout cas un des moments les plus magiques,
c'est vrai, puisqu'ils s'approprient et la chanson, et... j'allais
dire,
c'est presque de l'ordre du divin, ce sont des mots un petit peu graves
toujours, mais, c'est quelque chose, je reprends le mot, de, magique.
C'est exceptionnel, oui, de vivre quelque chose comme ça,
bien
évidemment.
Quand on vous voit sur
scène, on se dit que vous ne pouvez
pas
préférer l'ombre à la
lumière. Vous avez
l'air si forte, si vivante dans la lumière.
Je
vais vous
répondre
que le choix de l'ombre et la lumière est le choix entre la
vie
privée et la vie publique, qu'on peut rester aussi vivant
dans
l'ombre. J'ai ce paradoxe en moi. Je suis capable de vivre aussi bien
dans l'ombre et de m'exprimer dans la lumière.
Mais on a l'impression que votre
timidité est
transcendée quand vous vous trouvez comme hier soir, par
exemple devant 30 000 personnes. Vous l'expliquez comment ça
?
Alors
ça, je crois que je n'ai pas d'explications, je l'ignore
moi-même si ce n'est que je sais mon handicap devant trois
personnes et, je ne sais pas si je peux qualifier ça
d'aisance, devant 30 000 personnes ; mais, en tout cas, il y a une
bascule qui se fait presque naturellement. J'ai plus de
difficultés, oui, avec deux, trois personnes que devant une
immense audience.
Parce que finalement vous n'avez pas
à
leur parler, vous êtes là pour leur offrir et
recevoir, c'est peut-être ça ?
En
tout cas, les
mots sont à travers mes textes et là, pour le
coup, il n'y a rien de préparé. Quand j'ai envie
de dire quelque chose, c'est que j'en ressens le besoin. Là,
c'est place au naturel, c'est place à l'émotion
en direct pour le coup.
Vous
parliez de vos textes. Justement, quand vous écrivez vos
textes
est-ce que vous pensez déjà à l'aspect
visuel d'un
tableau dans un futur sur scène ?
Non.
Sincèrement,
là, je suis dans une pièce isolée. Je
travaille
avec Laurent Boutonnat qui est aussi compositeur et, les mots
s'appuient, s'accrochent, s'harmonisent avec la musique. Donc, j'ai
besoin de la musique avant d'écrire des mots. Parfois, la
musique m'inspire des sentiments, des sensations. Parfois,
j'ai
une envie de texte et puis la musique s'accorde avec ce texte mais, en
aucun cas l'image n'apparaît dans ma mémoire
à ce
moment-là, non.
Vous me disiez
que vous êtes dans une
pièce quand
vous écrivez vos paroles, donc vous êtes seule,
comme un
écolier à son bureau avec une page blanche, le
stylo,
vous vous mettez un fond sonore, vous inspirez de la musique.
Ça
se passe vraiment comme ça ?
Tout
à
fait. Dans une
pièce totalement isolée, j'en ai besoin. Comme un
écolier, écolière. J'ai un
très mauvais
souvenir de scolarité. En tout cas, besoin, bien
évidemment d'isolement et puis, la musique sur laquelle je
mettrai des mots.
Sur scène,
vous incarnez vraiment, et
c'est ce qui
est fascinant, l'intimité et la grâce dans une
mise en
scène gigantesque. Quel est le secret pour marier tout
ça, pour y arriver ?
J'ai
toujours
aimé, en
tout cas, avoir besoin du gigantesque et du spectaculaire. Maintenant,
j'ai besoin de moments d'intimité et c'est ce qu'on a
essayé de créer sur ce spectacle, à
savoir avec le
proscenium et la croix qui est au centre du
stade-même et
c'est là qu'il y a un vrai vrai partage, j'allais dire, il y
a
un partage même lorsqu'on est sur une scène
frontale mais,
vraiment, au milieu sur cette croix, on crée ce moment
intime
qui, pour moi, est de l'ordre de la communion presque, encore un mot
fort, mais, c'est vrai que c'est un vrai vrai moment
d'intimité.
Malgré le grand nombre, ce grand nombre devient "un",
devient
quelque chose d'assez exceptionnel pour moi.
Il
y a un autre
couple, on a
parlé gigantisme et intimité, il y a aussi le
couple qui
frappe quand on vous voit sur scène, le couple
discrétion- provocation. Comment faites-vous pour que
discrétion et provocation fassent bon ménage ?
Tout
dépend si vous
évoquez discrétion dans la vie privée
ou
discrétion sur scène même.
Sur scène,
vous êtes discrète, intime
et en
même temps vous êtes forte, vous êtes
présente. Ça tient sur vous, c'est vous qui menez
ce gros
"barnum", le mot n'est pas beau, mais au moins on comprend ce que je
veux dire. Et vous êtes dans la provocation aussi, dans les
chorégraphies, les tenues.
Je
vais vous
faire une réponse assez banale. Toutes ces facettes font
partie
de moi. Je suis de nature discrète en
général, de
nature timide parfois mais, l'éclat de rire fait partie de
moi
aussi, vous avez pu le constater (rires), nous avons eu du mal
à
démarrer puis, à la fois je crois que j'ai
cette...,
là pour le coup cette fois je n'y suis pour rien, c'est un
cadeau de la vie, j'ai à la fois sans doute cette
fragilité et cette force, en tout cas je vais l'exprimer de
cette façon : c'est une force qui me permet de surmonter
toutes
mes peurs, tous mes démons au moment où j'en ai
le plus
besoin.
Il n'y a plus que trois
concerts dans cette tournée 2009.
Est-ce
que vous avez une appréhension de la fin de
tournée, le
"spectacle-blues" ?
Je
l'ai. Je crois
que je
l'avais dès le premier jour puisqu'on sait que tout
début
a une fin. Maintenant, quant à la gestion de ce blues, de ce
grand vide, c'est quelque chose qui m'est d'abord très
personnel
mais, je ne vous cache pas que tout artiste vous répondra,
oui,
c'est un vide qui est presque insurmontable. Je crois que le secret
dans ces cas là, c'est, ma foi, de se reprojeter dans une
création. Créer quelque chose, non pas pour
oublier, mais
pour se redonner la force, et de continuer et de vivre.
Donc, c'est par la
création que vous
allez
remplacer les applaudissements chaque soir à 21 heures,
parce
qu'il n'y aura plus personne pour vous applaudir dans votre salon ?
Alors,
remplacer
ça va
être compliqué. De toute façon, c'est
irremplaçable. Oui, mais c'est certainement par la
création que je vais retrouver des forces, l'envie de
continuer.
Que faites-vous Mylène
Farmer dix minutes avant d'entrer en scène. Si on peut faire
le décompte, vous êtes avec qui, vous
êtes où, vous avez des rituels, des objets qu'il
faut absolument avoir sous la main ?
Ecoutez, quant
aux rituels je ne sais pas si je peux... non, là, la pudeur
encore regagne du terrain. J'ai auprès de moi Anthony qui
reste avec moi dans la loge (son meilleur ami, ndlr), les dix
dernières minutes sont un moment de recueillement, j'allais
dire c'est plus de la concentration et puis, pour trahir un
peu nos petits secrets, Laurent passe cinq minutes avant
l'entrée en scène (Laurent Boutonnat, ndlr), me
serre la main et me dit: "Fais le vent" (rires). Personne ne comprend
mais "fais le vent" ça veut dire "respire", c'est une
manière de respirer, d'essayer de déstresser un
peu. Mais,
c'est vraiment dans le silence. Et, quant aux objets, ma foi, ils sont
là mais ils sont miens.
Vous en
avez en tout cas ?
J'en ai !
Vous
êtes attentive aux productions des
autres artistes à la fois sur scène et en studio,
les albums? Vous écoutez beaucoup ?
J'écoute
beaucoup de musique, je suis attentive, j'ai évidemment
comme tout le monde des préférences. Mes
goûts musicaux sont assez éclectiques. Je vais
vous donner quelques noms. J'adore Sigur Ross, j'adore leur univers.
J'adore Depeche Mode, j'adore David Bowie, j'adore Archive, Juliette
Gréco etc... Il y a énormément
d'artistes que j'apprécie bien sur. Et ce sont en
général des artistes qui ont leur propre univers
sur scène, qui ont envie de proposer au public des choses
incroyables même si elles restent très
très intimes si on parle là d'une Juliette
Gréco par exemple. Mais, c'est une telle
présence, un tel univers de mots et de personnes profondes
qui me touchent beaucoup.
C'est marrant,
parce que Juliette Gréco que j'ai rencontré il y
a deux mois à peu près en interview à
l'occasion de la sortie de son nouvel album m'a parlé de
vous en interview en me disant tout le bien, l'admiration qu'elle avait
pour vous.
C'est gentil,
ça me touche.
Puisqu'on
parle des autres artistes, est-ce que la mort de Michael
Jackson vous a... en tout cas, qu'est-ce qu'elle vous inspire cette
mort ?
Le tragique. La
notion, ici encore, d'incompatibilité de vie
privée et vie publique, de médias.
C'était un immense, immense artiste, nous le savons tous.
C'est quelqu'un dont j'appréciais comme beaucoup d'entre
nous les spectacles mais l'homme aussi, sa fragilité, sa
sensibilité. Et, c'est tragique. C'est le mot qui me vient
à l'esprit, je suis triste comme beaucoup de personnes.
Et les
albums, les dvd, vous les avez à la maison ?
Absolument.
Si on
fait le point, Mylène Farmer,
parce qu'on se rencontre en 2009 au mois de septembre, ça
fait 25 ans, 25 ans de carrière. Pour durer, le secret,
c'est le travail ?
J'ai toujours
peur de donner des leçons mais, en tout cas, le travail ;
l'opiniâtreté est essentielle.
Parfois dans la souffrance ?
Je crois que
c'est indissociable, en tout cas, je ne vais parler que de moi. Tout
travail est, certes un plaisir, un acharnement mais la douleur en fait
partie. La douleur parce que les doutes, peut-être la douleur
physique parce qu'il faut aller au-delà de soi.
Je
me posais la question, parce que votre univers on le
connaît, très défini, très
cohérent, depuis le début. Où est-ce
que vous allez chercher votre nourriture artistique ?
Un peu partout.
Je peux vous parler d'une exposition que j'ai découverte
à New-York il y a quelques temps, et qui s'appelait "Our
Body". Beaucoup d'écorchés, c'est
l'humanité décharnée,
découpée. J'avoue que j'avais
été très, non pas choquée,
mais, très impressionnée, intriguée.
Ceci fait partie aussi d'une réflexion et m'a
donné l'idée en tout cas de l'envie d'exploiter
l'écorché et justement le corps. Et donc, est
venue, est née cette idée de
l'écorché et j'en ai parlé
à Jean-Paul Gaultier qui était
enchanté à l'idée de pouvoir
créer un
écorché multiplié par tous le danseurs
(rires). Et c'est le tableau d'ouverture. Voila, ce peut être
une source d'inspiration. Maintenant, bien sur, la peinture, la
littérature, tout ce qui peut passionner, faire partie de
notre vie. Des auteurs: Stefan Zweig, mais là encore, je
vous épargnerai la liste, parce que... (rires).
C'est
intéressant de savoir,
peut-être les voyages vous inspirent ? Est-ce qu'une
rencontre
humaine vous inspire ?
Je crois que
l'être humain m'inspire tout simplement. Maintenant, vous
dire: est-ce que cette personne aura déclenché
telle idée, ponctuellement, je ne peux pas vous le dire, je
n'en sais rien. Mais, les rencontres, les belles rencontres sont
très très rares mais elles sont indispensables
à sa vie.
Je le disais, 25
ans de carrière, Mylène Farmer. Est-ce que vous
avez le sentiment d'avoir construit une œuvre ?
Non. Stefan Zweig
va construire une œuvre. J'ai construit quelque chose. Je
suis
fière de ce que j'ai pu construire, sans
prétention aucune. Je suis heureuse d'avoir
rencontré un public. Je suis heureuse de cette
fidélité. Voilà...
Est-ce
que le fait de durer aussi, répond à une
obsession de laisser une trace ?
Ecoutez,
très sincèrement, l'obsession de laisser une
trace ne fait pas partie de moi. Maintenant, pour être tout
à fait honnête, j'aimerais que l'on ne m'oublie
pas. Mais, ma vie n'est pas finie. Donc, à moi de le
construire.
Vous
avez peu de souvenirs de votre enfance. Est-ce que vous avez
imprimé ces 25 dernières années de
chansons, de musiques, de tournées, de rencontres avec le
public ?
J'ai
imprimé des moments uniques. J'ai une mémoire qui
est très, très sélective aussi. Je
crois que c'est nécessaire, sinon, on est envahi par trop de
choses, et des choses qu'on voudrait ou qu'on a oublié et,
c'est nécessaire, je crois, pour sa santé
mentale. Et, des choses qui sont inscrites très fortement,
bien évidemment, tout au long de ces années,
forcément.
Ce
sont des images de scène ?
Aussi. Aussi et
surtout. Mais, il y en a d'autres aussi, plus douloureuses, mais, qui
ont nourri ma vie.
Et puis la présence
chaleureuse du public qui se manifeste pendant les concerts et
peut-être aussi entre les concerts quand vous croisez les
fans ?
Ça,
vous savez, j'ai une fois de plus là encore.. c'est moi qui
répond, mais, j'imagine que tous les artistes
répondent la même chose. Si ce n'est que...
j'allais dire, je leur dois tout. Je ne sais pas si c'est la
vérité, mais j'ai une chance inouïe, je
le sais. Ce sont eux qui m'ont soutenue, aidée, qui m'ont
probablement permis de vivre. C'est incroyable, c'est incroyable! C'est
encore un cadeau de la vie que je ne soupçonnais pas
possible pour moi. Et même si on évoquait le
travail, laissons le magique opéré et, ce public,
pour moi est magique et dans son intensité, et dans sa
fidélité. Bien évidemment, j'ai une
chance inouïe.
Est-ce
que finalement ce métier a été
votre survie ?
Oui, oui.
Là, définitivement, oui. C'est quelque chose qui
m'a aidé à m'incarner, là
où j'avais le sentiment plus jeune de n'être pas
incarnée du tout, de n'être attachée
à rien, de n'être reliée à
rien. Oui, c'est fondamental.
C'est
très fort, finalement, de dire oui à cette
question...
Parce que
là encore, je crois que c'est
l'honnêteté, même si ça peut
paraître enfantin ou démagogue. Peu importe, vous
êtes témoin (rires), c'est spontané et
c'est vrai.
Est-ce
que vous avez apprivoisé vos
peurs et vos souffrances, avec le temps, avec le succès ?
Non. Et, c'est
sans doute pas grave ou très grave (rires), je ne sais pas,
je n'ai pas la réponse. Mais, j'ai certainement
pansé des plaies. Il y a toujours ce mot qui revient dans le
vocabulaire de chacun d'entre nous, c'est : faire le deuil de quelque
chose. Malheureusement, je ne crois pas que l'on puisse faire le deuil
de quelque chose. Maintenant, on peut tenter de faire
réémerger la vie et des choses qui vous aident
à tenir, qui vous aident à vous
réveiller, qui vous aident à sourire. Maintenant,
tout ce qui est douleur, tout ce qui est doute, tout ce qui est peur,
sont là, ancrés, et là encore,
ça fait partie de votre sang, de vos veines. C'est
là, c'est présent, mais c'est sans doute
nécessaire, peut-être pas, mais c'est
là en tout cas.
Nécessaire à la
création ?
On va dire que
forcément ça aide, en tout cas à une
certaine créativité.
Dans
le spectacle, visuellement sur les grands écrans
géants, on voit beaucoup de têtes de morts. Est-ce
que l'idée de mourir, vous terrifie-t-elle encore ?
L'idée
de mort, de ma propre mort, en tout cas l'idée de la mort me
terrifie, fait partie de chaque seconde de ma vie. Est-ce que ma propre
mort me terrifie, je vais vous dire, parfois oui, parfois non. Parfois,
le mot fatalité est plutôt serein, je me dis, bon,
ça se fera, de toute façon, c'est
inéluctable. Parfois, elle me hante et, parfois, je
l'oublie. Là encore, c'est tout et son contraire. Je ne vous
aide pas beaucoup dans ma réponse (rires).
Qu'est-ce
qui vous fait rire dans la vie,
Mylène Farmer ?
Les
débuts d'interviews (rires). On a un air très
dramatique quand on commence. L'absurde, probablement.
L'absurde, sous
toutes ses formes, visuelles, dans les dialogues aussi ?
Toutes ses formes.
Au
cinéma ? Je sais que vous avez une passion pour le
cinéma.
Je voudrais aller
voir le film de Tarantino puisqu'on m'en a dit grand bien et,
ça a provoqué beaucoup d'éclats de
rire. Je n'aime pas tout. Il y a certains films que j'ai
adoré. De même que j'accepte qu'on n'aime pas tout
de moi. Mais, ce film là, en particulier, m'intrigue.
Vous
avez finalement passé 25 ans et ça va encore
continuer, on le sait et, évidemment, je vous le souhaite,
à peaufiner les contours de votre univers artistique avec ce
culte, ce mystère. Comment est-ce que vous
définissez le mot mystère ?
Le mot
mystère. Mon Dieu ! D'abord pour commencer, il n'y a pas de
stratégie du mystère me concernant.
J'espère qu'on l'a compris. Maintenant, vous dire quelque
chose sur le mystère, c'est quelque chose qui est
caché, qui peut être d'un ordre religieux, mais
là je vais vous donner une définition de
dictionnaire. Laissons cette réponse mystérieuse.
Je ne suis pas sûre de pouvoir définir le
mystère.
Nous
sommes le 12 septembre. C'est une belle
journée, Mylène Farmer, c'est votre anniversaire.
Vous n'êtes pas prête d'aller vous coucher
puisqu'un gros cadeau vous attend au Stade de France ce soir. 80 000
personnes pour le dernier concert de votre tournée en
France. Vous aimez faire la fête pour votre anniversaire ?
Je vais vous
faire une confidence. Il y a fort longtemps que je ne
célèbre plus mon anniversaire. Mais, pour
être tout à fait franche, mon anniversaire devant
80 000 personnes au Stade de France, c'est quelque chose qui sera, je
crois, in-croyable à vivre. Donc, j'adore cette
idée-là (rires). Celle-ci je l'aime. Et, cette
date n'a évidemment pas été choisie.
Il se trouve que le Stade de France était libre le 11 et le
12 septembre. Il se trouve que le 12 septembre est cette fameuse date
anniversaire, donc, ce sera quelque chose d'assez unique,
effectivement, pour moi. Ce sera un immense cadeau de 80 000 personnes,
c'est incroyable (rires).
Puisqu'on parle de l'avenir, vous m'avez dit
d'ailleurs, après une tournée, le meilleur, c'est
de se replonger dans la création. Est-ce que vous avez
une idée du prochain disque studio ?
Absolument pas.
Absolument pas. Parce que bien évidemment, on pense
à: "qu'est-ce que je vais faire demain", maintenant je n'ai
pas les réponses. J'ai le projet d'un long
métrage, on verra. J'ai, bien évidemment, le
projet d'un prochain album. Mais, là encore, c'est une page
blanche, une page totalement blanche, mais, très envie de
m'y remettre très très vite.
On
évoquait votre passion pour le cinéma. Vous me
dites projet de long métrage. J'imagine que c'est quelque
chose qui vous tient très à cœur. On
peut en
savoir un peu plus ?
C'est un projet
qui avait été initié par Claude Berri,
que j'aimais profondément, tiré d'un ouvrage de
Nathalie Rheims et dont le metteur en scène sera Bruno
Aveillan. Et ce sera pour lui son premier long métrage et,
ma foi, après, l'avenir dira...
Et
ce sera pour vous un premier rôle ?
Ce sera pour moi
un premier rôle, un deuxième film et,
j'espère, une rencontre avec le public.
Est-ce que
ça veut dire pour l'avenir aussi, que peut-être,
un jour, vous essaierez de laisser une part plus importante au
cinéma ?
Je n'ai aucune
réponse à cette question. J'ai besoin de la
musique. J'ai besoin des mots. Je pense, je suis même
convaincue que je suis quelqu'un d'instinct, d'instinctif. Donc, je
sais que le jour où je ne souhaiterai plus dire ces mots,
chanter, je choisirai ce moment avant qu'il ne me choisisse, qu'il ne
me saisisse. Est-ce que ce sera pour laisser la place au
cinéma, je n'ai sincèrement pas la
réponse, je ne sais pas.
Vous
connaissez la date, l'échéance ?
Non, bien
sûr que non. Non, non...
Vous
me rassurez...
C'est gentil. Non.
Qu'est-ce
qui vous ferait arrêter la
musique ?
L'absence de
désir. Vous allez avoir un énorme silence pour
une radio ici.
C'est parfois intéressant...
Quand on n'a plus
envie de donner, ni envie de recevoir, d'abord, j'imagine qu'on est un
être mort, donc je ne me le souhaite pas. Mais, je crois que
tout art a ses limites. Je ne sais pas. Je vais peut-être
dire une énorme absurdité. Je ne sais pas. Je
reviens encore à l'idée d'instinct. Je crois que
ce sera spontané, quelque chose en moi me dira :
là, il faut arrêter.
Ça
révèle une vraie force de
caractère...
Peut-être
ça fait partie aussi de moi, oui, cette force de
caractère, sans doute. En tout cas, ne pas tricher avec
soi-même, ne pas se mentir et essayer de dormir un petit peu
de temps en temps (rires).
Vous
dormez tranquille, enfin, aujourd'hui ?
Non
(rires). Non, ce n'est pas possible.
Mais
là encore, je crois qu'on va conclure cette interview. J'ai
plus une chance incroyable. Je vis des moments incroyables. Je remercie
à nouveau de vive voix le public. Je remercie cette
fidélité et puis, je vais essayer de ne pas
pleurer là. On va arrêter. Merci beaucoup.