Jacquou le Croquant - Interviews
Interviews de
Laurent Boutonnat
*
Dossier de presse
*
Presse - Télé Star -
Janvier 2007
Interview de
Léo Legrand (acteur) - Dossier de presse
Jacquou le
Croquant, ce
n’est pas ton premier film...
Non, c’est mon troisième. Avant Jacquou le
Croquant,
j’ai joué dans Tout pour plaire (de
Cécile
Telerman, avec Anne Parillaud, Judith Godrèche et Mathilde
Seigner), et dans un court métrage. Après,
j’ai
fait un autre film qui s’appelle Les yeux bandés
(de
Thomas Litli, avec Jonathan Zaccaï et Guillaume Depardieu).
Mais
Jacquou le Croquant, c’est mon plus grand rôle.
Qu’est-ce qui
te faisait le plus peur dans l’aventure de Jacquou le Croquant ?
Comme c’est quand même un gros rôle, je
devais
tourner longtemps. Ça me faisait peur de partir longtemps
tout
seul en Roumanie. Mes parents venaient me voir à peu
près
tous les quinze jours, et puis je suis revenu quelques fois en France
aussi. Le plus difficile en fait, c’était de faire
mes
devoirs en même temps puisque le tournage s’est
déroulé aussi en période scolaire. Il
y a quand
même des jours où je rentrais tard du tournage et
c’était dur d’enchaîner. Bon,
il y avait les
dimanches mais là, j’étais le seul
à
travailler !
Quel a
été ton sentiment lorsque tu t’es vu
pour la première fois dans le costume de Jacquou ?
Je ne me suis pas reconnu. Je me suis dit que j’avais vieilli
de 200 ou 300 ans.
C’était
facile de retenir les dialogues ?
Ça va. Le texte, vous l’apprenez la veille,
après
vous n’avez plus qu’à le jouer. Ce
n’est pas
comme à l’école où il faut
apprendre les
poésies et les réciter par cœur.
Ça,
c’est une tannée ! Mais là, on dit le
texte
à sa façon et surtout, ce que j’aime,
c’est
jouer avec quelqu’un d’autre. Quand je dis un
texte,
j’aime bien que quelqu’un me réponde.
Comment
t’entendais-tu avec les autres jeunes acteurs qui forment la
bande de Jacquou ?
Très bien. C’étaient des potes. Mais en
Roumanie je
ne les voyais pas souvent. Je me retrouvais donc un peu seul. Mais les
grands acteurs, heureusement, étaient très
sympas.
Marie-josée Croze et Albert Dupontel, qui jouent les parents
de
Jacquou, ils sont vraiment drôles. Albert fait toujours des
têtes marrantes. A chaque fois qu’on finit une
prise il dit
toujours une blague, il est toujours très gai.
Marie-Josée aussi. Et quand il y avait une scène
d’émotion, on disait : «On y va, on
déconne
pas !» Olivier Gourmet, il est très sympa aussi.
Gaspard Ulliel joue
Jacquou adulte. Aviez-vous travaillé ensemble avant le
tournage ?
Non, mais on a beaucoup de points communs, je trouve, au niveau
physique. Et puis Jacquou reste Jacquou, avec son caractère.
Il
n’y a pas mille façons de le jouer.
Quel est ton meilleur
souvenir de toute l’aventure de Jacquou le Croquant
?
C’est difficile. Tout était bien, toutes les
scènes
étaient bien. J’ai bien aimé celle
où je
sors de la tuilière et où tout est orange... Mais
franchement, tout m’a plu.
Et ton pire souvenir ?
Le pire, c’était quand je jouais dans le froid
pendant le
pré-tournage, en février en Roumanie. Pour la
scène où mon père se fait capturer et
où
Laurent voulait qu’il y ait de la neige...
As-tu un acteur
préféré qui pourrait être
ton modèle ?
Non, moi j’aime bien regarder des films comme ça
mais je n’ai pas un acteur
préféré.
Et un film
préféré ?
Celui qui me fait le plus rigoler en ce moment, qui est sorti depuis
longtemps mais qui m’est resté dans la
tête,
c’est Brice de Nice ! C’est vraiment trop
drôle !
Aujourd’hui,
avec le recul, qu’est-ce qui te touche chez Jacquou ?
Jacquou, c’est quelqu’un que j’admire.
C’est
qu’il est super courageux. Il ne baisse jamais la
tête. Il
fait des choses, il va au bout de ses envies et puis voilà,
même si ses parents meurent, il arrive à
s’en
sortir. Jacquou, c’est vraiment quelqu’un.
C’est un
sacré bonhomme.
source: commeaucinema.com
Interview de
Christian Marti (architecte décorateur) - Dossier de presse
Comment avez-vous
abordé le travail de création des
décors sur Jacquou le
Croquant ?
Pour un tel film, il y a au commencement un gros travail de
références iconographiques. C’est
d’abord et
surtout de la peinture de l’époque dont nous nous
sommes
inspirés, car les représentations graphiques dont
nous
disposons sur la période sont essentiellement la peinture et
la
gravure. La première référence, sur la
recommandation de Laurent Boutonnat, a été
Jean-François Millet, peintre des paysans. Sont venus
s’y
ajouter d’autres artistes de l’époque,
notamment des
peintres russes tel Ilia Répine, qui ont eux aussi beaucoup
représenté les milieux ruraux et la
misère
paysanne. Rembrandt, bien qu’appartenant au
XVIIème
siècle, nous a également beaucoup
aidés pour les
intérieurs et la qualité des lumières.
N’est-il pas un
peu
étrange de prendre la peinture russe ou hollandaise en
référence pour évoquer des paysans du
Périgord ?
C’est vrai, mais ce qui nous intéressait avant
tout
était de retrouver des ambiances de lumière, de
couleur,
et de nous imprégner des situations et des
matières...
Partant de là, malgré la pauvreté et
l’austérité de
l’environnement paysan, nous
avons essayé de magnifier cet univers. Si nous regardons les
toiles de Millet, les paysans sont toujours dignes et beaux. Dans leur
dénuement, il y a de la poésie. Cette
poésie,
cette dignité, nous voulions qu’elles existent
dans
l’inconscient du spectateur. Même si son propos
n’est
pas l’Histoire avec un grand “H”, Jacquou
le Croquant
est inscrit dans une réalité historique, sociale,
esthétique... précise.
Peut-on parler,
s’agissant des décors, d’un travail de
reconstitution historique ?
Nous n’avons pas essayé de reconstituer le
décor de
l’époque avec une fidélité
parfaite. Le film
n’est pas un documentaire. Nous nous sommes avant tout
attachés à l’aspect
cinématographique, aux
ambiances de couleurs, à tout ce qui est de
l’ordre du
visuel et qui peut amener une dynamique à l’image.
Mais
nous l’avons fait sans jamais perdre de vue le
réalisme
historique, aidés en cela par nos
références
picturales. En fait, il s’agissait de nous ancrer dans
l’univers de l’époque afin, ensuite,
d’être un peu plus libres pour
l’interpréter.
Ce qui est intéressant dans une démarche telle
que
celle-ci, c’est que l’on devient en quelque sorte,
pour un
moment, un artisan de cette époque, en tentant de
résoudre les problèmes qui se posaient
à eux, en
essayant de comprendre pourquoi ils fabriquaient comme ceci ou comme
cela, et en cherchant à retrouver les techniques qui
étaient les leurs. À cet égard, avoir
tourné une partie du film en Roumanie a
été un
avantage, car le pays est encore très rural. Moins
industrialisé que la France, il conserve de très
nombreux
artisans aux savoir-faire traditionnels.
Quelle est la part
respective des décors naturels et de la reconstitution en
studio ?
Nous avons construit les décors à hauteur de 80 %
! Cela
peut paraî- tre beaucoup quand on sait les nombreuses
ressources
architectura- les du Périgord. Mais le problème
des
décors d’époque, notamment en Dordogne,
c’est
qu’ils ont aujourd’hui tous
été
restaurés. Tout est presque trop beau. Finalement, nous
sommes
plus fidèles à l’époque en
fabriquant nos
décors qu’en nous appuyant sur ce qui a
survécu !
Et nous pouvons adapter les décors que nous concevons au
format
du cinémascope dans un rapport plus pertinent avec le cadre.
Quelles ont
été les indications de Laurent Boutonnat ?
Laurent a affirmé une réelle volonté
de
spectaculaire. Il tenait aussi beaucoup à ce que
l’on
ressente l’importance du temps, la patine, l’usure
des
choses, notamment dans les intérieurs. Le
«vécu» des objets et de
l’architecture est
très marqué dans le film. Nous étions
aidés
par le parti pris du clair-obscur qui apporte de la densité
et
du contraste.
L’action de Jacquou le
Croquant se
déroule en pleine période romantique. Le film
s’en ressent-il ?
Dans la peinture romantique, la nature est souvent
magnifiée.
Dans le film, elle est présente dans tous les plans,
même
dans les scènes de village. Nous avons beaucoup
travaillé
sur son aspect, sur la forme des arbres par exemple. Cette
omniprésence de la nature apporte de la poésie
aux
images. Dans Jacquou le Croquant, on se trouve ainsi toujours
à
mi chemin entre la composition picturale et le réalisme de
la
photo. Entre deux univers, réel et imaginaire. Nous
n’avions pas vraiment l’obsession du
réalisme et de
la fidélité historique, mais plutôt la
volonté, je le répète, de faire passer
une
atmosphère, une sensation, une émotion
à travers
tous les plans du film. C’était la direction de
notre
travail.
Comment, avec un tel
parti pris, éviter le piège de
l’esthétisme ?
Ce sera jugé esthétisant si ce n’est
pas
réussi ! Dans le cas contraire, on ressentira
l’émotion, tout simplement. Quand quelque chose ne
marche
pas dans une image, ce peut être lié à
beaucoup de
para- mètres, par exemple à la
lumière, qui
n’est pas juste. Car avec la lumière on peut
rematérialiser les choses différemment, comme le
fait le
peintre sur la toile. Il peut aussi s’agir d’un
problème de décor, les facteurs sont multiples.
Mais
soyons juste, le décor est un fond. Le film, c’est
d’abord les acteurs. Ce sont eux qui tiennent la plus grande
part
de l’image. Nous sommes là pour les servir. Nos
décors visent à faire ressortir les visages et
leur
présence, à la ren- dre plus intense. Nous
n’avons
pas essayé de faire des décors qui se voyaient,
mais des
décors qui fonctionnaient.
Y a-t-il des
scènes où
le décor tient un rôle particulier, où
il est
partie prenante de la narration ?
La chaumière de Jacquou est typiquement un décor
personnage. Il raconte une partie de l’histoire. Il est
très important pourexprimer le contexte dans lequel vit la
famille de Jacquou. Avec ce décor, tout est dit, la
précarité, la dureté des temps, la
pauvreté.
Quel type de
collaboration avez-vous eue avec le créateur des costumes,
Jean-Daniel Vuillermoz ?
Nous avons travaillé sur des
références communes,
notamment la peinture, notre véritable colonne
vertébrale. Nous avons beaucoup parlé ensemble du
stylisme de l’image et travaillé dans la
même
dynamique, dans les mêmes univers. Nous avons ainsi
conçu
des décors assez monochromes et assez denses pour mettre
acteurs
et costumes en avant. Notre collaboration est en ce sens, je crois,
assez réussie. Sur certaines scènes
précises, nous
avons travaillé en très étroite
collaboration.
C’est le cas pour la grande scène du
dîner au
château. Nous avons véritablement
ajusté costumes
et décors pour recréer tout un univers
coloré dans
les verts, le vert étant la couleur des ultraroyalistes, les
“Ultras”. Cette collaboration a porté
sur le choix
et la qualité des tissus, des imprimés, la
répartition de ce vert dans l’image, sur les
costumes, les
décors, les rideaux...
Au final, en termes de
décors, Jacquou est un film de «grand
spectacle»?
Le film a demandé beaucoup d’énergie
pour maintenir
le niveau de qualité souhaité. On peut dessiner
les plus
beaux décors, il faut les réaliser ! Et
là, on
dépend d’autres personnes, celles qui peignent,
qui
moulent, qui construisent... l’équipe des meubles
et des
accessoires, c’est un travail collectif, mes collaborateurs
ont
été d’une aide précieuse. Ce
film a
été d’autant plus exigeant
qu’il y a de
nombreux décors, et qu’entre la conception, la
fabrication
et le tournage, il s’est passé très peu
de temps.
L’essentiel de la difficulté était
là :
obtenir dans ce temps très court la qualité et
l’harmonie.
Que retiendrez-vous de ce
travail ?
Nous avions tous le sentiment de participer à un projet
comportant de grandes exigences. La personnalité de Laurent
Boutonnat, la confiance qu’il nous a accordée, la
qualité de notre collaboration ont apporté au
projet un
état de grâce. La décoration
d’un film est
une guerre d’un genre particulier : les batailles sont les
échéances, les livraisons des décors ;
l’enjeu c’est d’être
prêt quoi
qu’il arrive, avec la conviction d’être
toujours dans
l’univers de l’industrie du rêve.
Interview de Gaspard
Ulliel (acteur) - Dossier de presse
Quand on vous a
proposé le
rôle de Jacquou le Croquant, aviez-vous
déjà
entendu parler du personnage ?
J’avais entendu parler du feuilleton
télé
très vaguement par ma grand-mère. Et quand le
projet
m’a été proposé, mon agent
m’a
parlé de la série en me disant qu’elle
adorait ! En
revanche, autour de moi, les gens de ma
génération ne
connaissaient pas beaucoup. Avant le tournage, j’ai quand
même acheté les DVD et j’en ai vu
quelques
épisodes. Juste pour avoir une idée.
Quelle a
été votre réaction à la
lecture du script ?
J’ai trouvé l’histoire très
intéressante mais, surtout, j’ai
rencontré Laurent
à plusieurs reprises parce que, pour être franc,
j’hésitais.
Qu’est-ce qui
vous faisait hésiter ?
Je sortais du film de Jean-Pierre Jeunet, Un Long dimanche de
fiançailles, et je n’étais pas
sûr de vouloir
enchaîner avec un autre «film populaire
à grand
spectacle».
Qu’est-ce qui
vous a convaincu alors ?
Laurent. Et toutes les discussions qu’on a eues ensemble. Il
avait l’air très serein et semblait vraiment
maîtriser son projet. Et puis, le reste du casting
était
excitant... D’ailleurs, au final,
c’était une
très belle expérience de travailler avec tous ces
gens.
Une fois qu’il
vous a convaincu
(Laurent Boutonnat), comment vous êtes- vous
préparé à interpréter
Jacquou ?
Il y a eu la préparation physique, sportive presque. Je suis
allé courir, j’ai fait de la gym en salle, des
entraînements, des montées à la corde.
Ensuite, il
y avait la préparation et la
répétition des
combats avec Mario Luraschi. C’est avec lui aussi que je
devais
m’entraîner à monter à cheval
mais pour
ça, je n’ai pas eu beaucoup de temps.
J’étais
déjà très pris par la
préparation physique,
l’entraînement des combats au bâton, et
par
l’apprentissage de la danse - il y a une scène de
bal
très importante - et... on ne peut pas dire que la danse
soit
mon fort ! J’ai dû m’entraîner
beaucoup pour
maîtriser les pas. Alors, du coup, le cheval est
passé un
peu après. Mais dès que je suis monté,
j’ai
eu un vrai coup de foudre.
Comment
définiriez-vous Jacquou ?
C’est quelqu’un qui a beaucoup souffert pendant son
enfance
parce que, très jeune, il a perdu ses parents. Il a appris
à vivre seul, à se défendre seul. Son
désir
de vengeance est un vrai moteur et c’est ça qui va
le
pousser à soulever les paysans pour faire fuir le comte de
Nansac. C’était excitant à jouer parce
que je ne
suis pas vraiment comme ça dans la vie, je suis
même
plutôt l’inverse.
Le fait qu’il y
ait deux acteurs
pour jouer le même personnage à des âges
différents, est-ce que ça posait des
problèmes de
jeu particuliers ?
On pouvait se dire qu’il était important que le
plus jeune
voit comment jouait le plus vieux, ou l’inverse, pour essayer
de
trouver une cohérence. C’est Léo qui a
commencé parce qu’il y a eu un
pré-tournage
l’hiver. J’ai demandé à
Laurent de me montrer
des images mais... il n’aime pas tellement ça ! Et
puis,
après tout, c’est lui qui nous dirigeait tous les
deux. En
même temps, je me souviens que lorsque j’ai vu les
premières images de Jacquou enfant j’ai
été
frappé par l’énergie, et même
l’exubérance de Léo. Je craignais de ne
pas en
apporter autant et puis, après, je me suis
rassuré en me
disant que Jacquou adulte avait forcément dû
canaliser son
énergie et se concentrer sur sa mission. En plus, la
manière dont était écrit le personnage
a
imposé automatiquement certains mimétismes...
Vous disiez au
début de cet
entretien que cela avait été une belle
expérience
de travailler avec tous ces acteurs...
Oui, c’était un vrai bonheur de travailler avec
tous ces
gens. Avec Jocelyn, avec Gérald (Thomassin), avec Malik
(Zidi),
qui sont des acteurs passionnants. Malik et Gérald avaient
des
rôles un peu moins importants et ils ont réussi
à
faire vraiment exister leurs personnages. Jouer avec Olivier (Gourmet)
ou avec Tchéky (Karyo), c’est encore
différent .
Ils ont une autre expérience, ils ont une autre
énergie,
ils ont des caractères tellement forts, des natures
d’acteur tellement différentes... Pareil avec Dora
DollFranchement, je trouve qu’au niveau du casting,
c’est
un sans faute !
Comment
définiriez-vous Laurent Boutonnat sur le tournage ?
Il est incroyablement serein. Je ne sais pas si ce n’est
qu’une façade et si derrière il est
angoissé, mais en tout cas on le sent assez sûr de
lui.
Malgré l’ampleur du film, il est toujours
très
disponible pour les comédiens. On a l’impression
qu’on a toute la vie pour faire le film et c’est
assez
agréable ! En fait, il y avait sur ce tournage un
côté très ludique, si bien
qu’on
n’avait pas toujours l’impression de travailler,
sauf quand
on était dans la boue pendant trois heures
d’affilée, qu’il faisait froid, et
qu’on
était en heure sup’ ! Enfin, c’est
quelqu’un
qui a l’œil partout, sur chaque poste. Il est
partout, il
valide tout, même pendant la préparation.
Là-dessus, il me fait penser à Jean-Pierre
Jeunet.
Laurent peut être parfois très précis,
être
attentif au moindre détail, et puis à
d’autres
moments, il ne l’est pas du tout, il sait se laisser emporter
par
le mouvement, par l’énergie, par la vie
d’une
scène. Au fond, il n’y a pas de règle
avec Laurent.
Si vous ne deviez garder
qu’une image, qu’un moment, de toute
l’aventure de Jacquou le Croquant?
Ce qui me vient instantanément à
l’esprit,
c’est plus qu’une image, ce sont les deux semaines
de
tournage pendant lesquelles on a fait la scène de la
danse...
C’était éprouvant mais c’est
une
scène-clé du film qui devrait marquer.
L’autre
image que je garderai, c’est celle de la vie
d’équipe. Il faut dire que de tourner à
Bucarest,
ville plutôt glauque et plombante, nous a soudés.
On
était très près les uns des autres. On
avait
même des rapports très fusionnels.
C’était
aussi une belle expérience humaine.
Interview de
J.D. Vuillermoz (créateur des costumes) - Dossier de presse
Comment aborde-t-on un
film ancré dans une période historique aussi
forte ?
Au départ, c’est la demande
particulière du metteur
en scène qui conditionne la direction à prendre.
Bien
sûr il y a la nécessité de constituer
une vraie
documentation sur l’époque. Mais la question est
de savoir
si l’on va tenir une direction historique rigoureuse ou si
l’on va s’autoriser une certaine marge
d’interprétation. C’est ce que nous
avons fait, en
recréant la mode qui correspond à cette
époque
mais à partir de plusieurs sources d’inspiration
et en
intégrant des apports d’autres périodes.
Quelles
étaient les indications de Laurent Boutonnat ?
La crédibilité ! C’est notamment pour
cela que
l’on est allé assez loin dans la patine des
costumes, pour
montrer qu’ils avaient une histoire. Dès
qu’on
habillait quelqu’un, on se demandait préalablement
d’où il venait, ce qu’il avait
vécu. Nous
voulions que le spectateur ressente l’usure du temps,
l’authenticité. Ce n’est
évidemment pas
réservé au monde paysan. Les costumes de la
bourgeoisie
et de la noblesse ont connu le même traitement. Dans ce
dernier
cas, on est parti de très beaux tissus, de soies, de
taffetas
naturels qu’on a salis, usés, graissés
pour leur
donner un vécu.
Quelles ont
été les principales sources
d’inspiration ?
À cet égard, le travail avec Laurent et avec
Christian
Marti a été fondamental. Nous sommes bien
évidemment partis de plusieurs sources picturales de
l’époque mais pas seulement. Pour les paysans, on
a
cherché du côté des peintres du
XIXéme
comme, Jean-François Millet, bien sûr, ou
Louis-Léopold Boilly, mais également
Géricault ou
la peinture russe (comme Ilia Répine par exemple). Nous nous
sommes également inspirés de peintres du
XVIIéme,
tels Greuze, Le Nain, l’Italien Ceruti... Et même
du
photographe contemporain espagnol Sébastien Salgado, pour
les
amis de Jacquou enfant. Il a en effet réalisé des
portraits d’enfants des rues dans le monde entier.
Bien-sûr, on a aussi beaucoup travaillé
à partir du
livre d’Eugène Le Roy, en repérant tout
ce qui
concernait la description précise des personnages. Mais
globalement, nous nous sommes donnés la liberté
d’aller chercher des atmosphères et des ambiances
d’autres pays et d’autres époques que
celles des
années 1820 ou 1830.
Justement,
jusqu’où va cette liberté par rapport
à la fidélité historique ?
Par exemple, pour la noblesse, nous avons choisi d’utiliser
des
costumes à la française de l’Ancien
Régime.
On a travaillé à partir de coupes des
années
1810-1815 mais comme si l’on fabriquait des costumes
XVIIIéme. Pour les robes, ce sont des tissus Empire ou
antérieurs à la Révolution, mais
transformés pour les remettre à la mode du jour.
La
volonté était d’accentuer le
côté
parvenu de ces nobles qui sont, il faut le dire,
particulièrement arrogants.
Jusqu’à
la caricature ?
Pour ces personnages effectivement, nous n’avons pas
hésité à forcer le trait, en
accentuant leur
côté «nouveaux riches». Ainsi,
si les femmes
sont habillées à la mode romantique 1830, avec la
coiffure à la «girafe» de
l’époque,
nous les avons poudrées comme sous Marie-Antoinette. Tout
est
exagéré, ils en font trop, comme s’ils
ressortaient
et exhibaient tous les signes qu’ils avaient dû
cacher
pendant la Révolution. Pour les habitants de la campagne,
les
couleurs des costumes sont celles de la terre, avec
différentes
nuances de brun, ocre jaune, rouille. Nous avons conçu les
costumes des paysans pour donner une vision différente de
ceux-ci : habituellement, le cinéma les habille dans des
sortes
de haillons. Nous souhaitions les rendre plus gracieux. Nous voulions
qu’il se dégage des paysans de la
dignité et
même une certaine sensualité.
Combien de costumes, au
final ?
Pour assurer le bon déroulement de la préparation
et du
tournage, j’ai travaillé en collaboration avec une
chef
costumière, Séverine Demaret. Nous avons
fabriqué
cinq cents costumes complets pour la figuration et cent pour les
rôles, ce qui représente près de quatre
mille
pièces de vêtements. Ils ont requis
l’utilisation
d’environ dix mille mètres de tissu, et dix mois
de
préparation et de réalisation.
source: commeaucinema.com