Interview pour la sortie du film
Jacquou
le Croquant
au cinéma le 14 janvier 2007.
Télé Star :
Pourquoi avoir voulu porter Jacquou
le Croquant sur grand écran ?
Laurent Boutonnat : Par hasard, il y a cinq ans, je suis
tombé sur des cassettes de la série
télé.
En les regardant, je me suis dit qu'il y avait là de quoi
faire
un film formidable. La semaine suivante, j'ai donc acheté le
livre et je me suis rendu compte que la série
était
très fidèle au roman. L'histoire originale
étant
très noire, j'ai décidé d'aller vers
quelque chose
de plus léger. Avec mon co-scénariste, nous nous
sommes
concentrés sur la partie romanesque de la vie de Jacquou,
entre
7 et 20 ans.
Le projet a-t-il
été long à monter ?
Oui et non. Le travail d'adaptation nous a pris un peu de temps.
D'autant que je faisais d'autres choses à
côté. Au
bout de huit mois pourtant, nous avions déjà iun
premier
jet du scénario de l'enfance de Jacquou. On était
loin
d'avoir fini, mais j'ai fait lire cette ébauche à
Richard
Pezet, le patron des productions de chez Pathé. Et il s'est
montré emballé. On a donc su très vite
que le film
verrait le jour et qu'il se monterait financièrement.
Après Giorgino, c'était votre
volonté de revenir à un film d'époque ?
Non, mais il est possible que les gens, ou du moins certains
financiers, me voient plus facilement faire ce genre de films.
Personnellement, avant de me lancer dans l'aventure de Jacquou,
je travaillais sur un thriller contemporain anglo-saxon, dont l'action
ne se déroulait pas en France. Un film beaucoup plus simple
et
moins lourd à monter en termes économiques, mais
que
j'aurais sans doute mis plus de temps à imposer
auprès de
co-producteurs. Finalement, j'étais heureux d'avoir ce
deuxième projet sous la main.
Après
l'échec de Giorgino, vous n'avez donc jamais
envisagé de mettre un terme à votre
carrière cinématographique ?
Non. c'est sûr qu'il se passe beaucoyup de choses dans la
tête pendant des périodes comme ça,
mais depuis la
sortie de Giorgino,
treize
années se sont écoulées. Treize
années
pendant lesquelles j'ai fait énormémement de
travail.
Notamment sur le plan cinématographique. Pour
m"épanouir,
j'ai vraiment besoin de travailler sur des projets qui
réveillent chez moi une excitation. Tourner pour tourner ne
m'intéresse pas parce que je l'ai beaucoup fait.
Même s'il
s'agissait de clips ou de choses courtes comme des pubs. Je tourne
depuis assez longtemps pour ne plus ressentir le besoin physique de me
retrouver sur un plateau de tournage. Aujourd'hui, si je dois prendre
du temps pour faire aboutir un projet, je le prends.
On vous connaissait
amateur de
thèmes plus sombres et on découvre un film
plutôt
optimiste et lumineux. Vous avez changé ?
Sans doute. Je crois qu'avec le temps, les fantasmes noirs ou violents
qu'on a tous en soi finissent par évoluer. Maintenant, je ne
peux pas vous dire que je suis plus serein pour autant. Sur Jacquou,
c'est vrai, on a voulu aller vers quelque chose de plus
léger
que l'histoire originale. Et quand je dis léger, je ne veux
pas
dire que ce n'est pas sombre. Avec ce genre de sujet, il aurait
été facile de se laisser aller à faire
des choses
sordides. Cela n'a pas été notre choix.
Pour rester dans le
politiquement correct ?
(Silence). C'est tout le problème et la
difficulté d'une
adaptation. Pour arriver à rendre
cinématographiques des
pans entiers d'une histoire, il faut simplifier certaines
scènes. Parfois en inventer. La scène du bal qui
se
trouve dans le film, par exemple, n'existe pas à proprement
parler dans le livre. Elle est une réécriture
totale de
trois passages différents du roman.
Pour le tournage de Jacquou,
vous avez décidé de changer toute votre
équipe.
C'était une façon de vous éloigner de
l'étiquette de clippeur officiel de Mylène Farmer
?
Pas du tout. J'ai, au cours de ma carrière, pu travailler
avec
beaucoup de gens différents. C'est d'ailleurs l'un des
avantages
quand on fait beaucoup de clips ou de pubs. On rencontre de nouveaux
techniciens à chaque tournage et on est amené
à
vouloir retravailler avec eux, ou pas. Cette fois, il n'y avait donc
pas de volonté particulière, sinon une somme de
hasards
qui ont bien fait les choses.
À quelques
jours de la sortie du film, dans quel état d'esprit vous
sentez-vous ?
Ce qui est terrible avec le cinéma, c'est que
malgré
l'investissement en temps, en gens et en argent, tout se joue en une
journée. Pourtant, cette fois, cureusement, j'avoue que
ça va. Je suis très content de la
façon dont se
sont passées les choses. Avec Pathé notamment.
Sans doute
que j'aurai le trac juste avant la sortie, mais aujourd'hui,
ça
va.
Auteur,
réalisateur,
compositeur de la musique et coproducteur du film, pourquoi tenez-vous
tellement à tout contrôler ?
Cela fait partie de mon caractère, mais j'essaie de
déléguer de plus en plus. Plus je fais des choses
différentes en même temps, plus j'ai l'impression
d'être bon...
Comment arrivez-vous
à jumeler votre carrière auprès de
Mylène et vos projets personnels ?
Ècoutez, je ne sais vraiment pas (rires) ! Ce que je sais,
c'est
que les périodes de travail, comme c'est le cas quand je
planche
sur un album avec Mylène par exemple, ne m'ont jamais
empêché ni de continuer à travailler
sur un script
ni de faire mes repérages. Ceci dit, c'est vrai que 2006 a
été une année un peu
compliquée. Notamment
en raison de la série de concerts à Bercy.
Mais quel
succès...
Oui. C'est toujours difficile d'expliquer un succès. Comme
un
échec d'ailleurs... En l'espèce en tout cas, je
suis
complètement ravi. C'était une très
belle
aventure...
Pas trop frustrant
d'être l'homme de l'ombre de Mylène depuis plus de
vingt ans ?
Pas du tout. Avec Mylène, j'ai l'habitude de dire qu'on est
nés ensemble. Aujourd'hui, elle est devenue pour moi comme
une
soeur, tant sur le plan artistique qu'affectif. Et puis, il nous arrive
d'avoir chacun nos projets. C'est le cas avec Jacquou,
même si elle participe indirectement à cette
aventure en chantant sur le générique de fin...
Vous avez
déjà une
idée de ce que vous allez faire après la sortie
du film ?
Des nouveaux projets en 2007 ?
Pour l'instant, je ne peux pas vous répondre
précisément parce que je n'en sais rien...
À d'autres !
Vous avez l'image
de quelqu'un qui, en plus de tout contrôler, sait exactement
ce
qu'il va faire des années à l'avance...
(Il éclate de rire). Ça, c'est une fausse
idée !
Je ne sais jamais à l'avance ce que je vais faire. Souvent,
on
croit que tout ce que nous faisons est pensé ou
marqueté.
Ce n'est pas le cas. C'est sûr qu'une fois qu'on a fait
quleque
chose, un film par exemple, la façon dont on va le mettre en
boîte ou le présenter est importante pour moi.
Mais il
s'agit plus d'un contrôle technique qu'autre chose.
Une chose me surprend. je
m'attendais
à parler à quelqu'un d'assez timide, limite
réservé. or je vous découvre
plutôt à
l'aise dans l'exercice de l'interview.
Je suis assez timide, mais ça dépend aussi de la
personne
avec qui je parle (rires) ! Plus sérieusement,
même si
j'ai encore beaucoup de mal à parler de moi-même,
je crois
qu'avec le temps, on finit par "raffiner" ses fantasmes ou ses peurs.
Vous voulez dire que vous
avez déjà assouvi tous vos fantasmes les plus
sombres ?
(Rires). Non, mais je crois que tous ces désirs
intérieurs passent aujourd'hui par des choses moins brutes
qu'avant.
Les critiques, qui
avaient assassiné Giorgino,
lui trouvent aujourd'hui beaucoup de qualités.
Envisagez-vous de le sortir un jour en DVD ?
Avec tout ce qui s'était passé à
l'époque,
je l'avais mis de côté. Mais oui, je pense qu'il
sortira
un jour en DVD.
Le nouveau Laurent
Boutonnat serait-il un homme serein ?
Je ne sais pas si je suis serein. Peut-être que je parais
plus
serein à l'extérieur. Je crois... (il
réfléchit). En fait je crois que c'est parce que
je nage
beaucoup (rires). Alors, maintenant, vous dire comment
j'étais
à l'époque de
Giorgino...
...À
l'époque de Giorgino, vous nagiez
déjà !
(Surpris). Ah bon ? Je nageais ?
C'est ce que vous disiez
en tout cas déjà dans vos interviews...
Vraiment ? Rremarquez, sûrement, parce que le seul sport que
je
supporte, c'est la natation... Mais en même temps, je ne suis
pas
du tout un sportif. Écoutez, je ne sais pas.
Peut-être que
j'étais un peu moins ouvert à l'époque
qu'aujourd'hui.
Sans transition et
dernière
question : quand pourra-t-on réentendre des remixes de vous
sur
un single de Mylène ?
(Rires). Mon gros problème, c'est que je ne peux pas tout
faire.
Sinon je ne dors plus la nuit et il faut que je dorme un petit peu. (Il
marque une pause et sourit). Parce que comme je nage beaucoup, vous
savez, je suis un petit peu fatigué ! (Il éclate
de rire).