Chorégraphe
Décembre 2006
Fanzine MF et Vous - N°19
Philip et Chris, parlons
de vos
remixes du duo événement de cette
rentrée, Moby et Mylène Farmer, Slipping away (Crier la vie).
Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?
Nous sommes Philip Larsen et Chris Smith, de Manhattan Clique. Depuis
quelques années, nous travaillons ensemble, que ce soit pour
des remixes ou la production d'artistes allant de Human League
à Kylie Minogue, en passant par Erasure et bien
sûr, Moby.
Quand vous a-t-on
contactés pour le duo ? Et qui vous a contactés ?
Philip : Ça devait être en mai. J'étais
dans une station-service sur une autoroute, et j'essayais de rester
discret ! C'est le manager de Moby qui m'a appelé, et il m'a
dit qu'il y aurait peut-être une possibilité de
duo entre Mylène et Moby sur notre remix. Il voulait
discuter des aspects techniques et de la façon dont nous
pourrions mixer la nouvelle version...
Mylène chante
plutôt des textes mélancoliques, et Natural blues,
ou Why does my
heart feel so bad auraient pu être aussi des
titres envisageables pour un duo. Pourquoi Moby et Mylène
ont-ils choisi de chanter Slipping
away ensemble ?
Chris : Moby a en effet une tonne de bonnes chansons dans son
répertoire, mais ils voulaient utiliser une chanson
'inédite' pour promouvoir le best-of. Et Moby dit souvent
que Slipping
away est sa chanson favorite sur son album Hotel.
La version single
de Slipping
away (Crier la vie)
pour le marché français est votre radio edit, une
version électro énergique d'une ballade
mélancolique dans sa forme originale. Pourquoi ont-ils
choisi de sortir un remix en version radio ?
Philip : Je pense que Moby et Mylène ont discuté
de quelle version choisir, et finalement Mylène a choisi
d'utiliser notre remix comme base de leur duo. Et puis la version
originale avait déjà été
exploitée dans d'autres pays, et ils voulaient essayer
quelque chose de différent.
Vous avez
remixé Moby plusieurs fois avant Slipping away. Il
semble apprécier votre travail ! Vous m'avez
confié ne l'avoir rencontré qu'une fois
auparavant. Moby était-il présent cette fois ?
Chris : Non, Moby était en Amérique. Nous lui
avons envoyé le mix par mail dès qu'il
était terminé.
Mylène vous a
rejoints dans vos studios durant la phase de mixage des voix.
Était-ce votre première rencontre ? Et pourquoi
est-elle venue ?
Chris : Oui, c'était notre première rencontre.
Elle est venue exprès pour assister au mixage.
Philip : Nous avions très peu de temps pour fournir le
master du duo, et nous devions être certains que
Mylène serait capable de valider le mix
immédiatement. Avec elle dans nos studios, nous pouvions
savoir si elle était satisfaite avant de l'envoyer
à Moby pour sa validation à lui. Nous avons
travaillé comme des fous pour faire un bon mix, et ce n'est
pas tous les jours que vous avez une si grande artiste dans vos
studios. Un ami à nous, Drew Griffiths, nous a
aidés pour le mixage ce jour-là, et je pense que
nous avons tous bien travaillé. Il a fait un super boulot.
Mylène
était-elle seule, ou avec Laurent Boutonnat, ou
Jérôme Devoise, qui a enregistré les
voix ?
Chris : Jérome était là aussi.
Que pense
Mylène de
votre remix ?
Chris : Elle l'a adoré, c'est pourquoi elle a
décidé de chanter dessus !
Moby a écrit
sur son blog qu'il avait rencontré Mylène et
qu'il aime sa jolie voix. Et vous ?
Philip : Nous aussi, bien sûr ! Nous avons toujours mis un
point d'honneur à faire en sorte que les chanteurs aient la
plus jolie voix possible sur nos productions. J'ai d'ailleurs
gagné un Grammy Award pour mon mix de Come into my world
de Kylie Minogue en 2004 ! Mylène a une voix unique et sait
créer une atmosphère fantastique avec ses textes
et sa façon de chanter. Nous voulions rendre hommage
à sa voix.
Que pensez-vous de ce duo
?
Chris : Nous ne sommes pas impartiaux bien sûr, mais nous
l'adorons. Pour être francs, sur les 5 remixes que nous avons
faits pour Moby, c'est probablement notre
préféré.
Pensez-vous que ce remix
pourrait
cartonner ?
Philip : Je ne connais pas le marché français
aussi bien que le marché anglais ou américain,
mais je l'espère !
C'est inhabituel en
France de sortir un remix en version single, est-ce clairement un choix
commercial ?
Chris : Bien sûr, la sortie de n'importe quel single est une
décision commerciale, mais dans ce cas précis,
notre remix a été utilisé car
à la fois les artistes, le management et les labels
l'aimaient. Nous envisageons les remixes comme étant
seulement une version alternative d'un single, qui doit donc
être utilisable à la radio, en clubs, à
la télé, etc. Rappelez-vous bien que le choix est
revenu en définitive à Mylène et Moby
et je pense que Mylène a senti que ses paroles seraient
parfaites pour le remix.
Apparemment, la voix de
Mylène a juste été injectée
dans le remix préexistant, avec la voix de Moby seule.
Techniquement, il semble assez facile de le faire, non ?
Philip : Ça peut sembler simple, mais en fait non ! Nous
avons d'abord recommencé le mixage (ce qui a pris au moins
une journée) puis nous l'avons
re-égalisé, avant de le passer en format ProTools
afin de pouvoir faire le mix avec la voix de Mylène dans nos
studios de Londres. Et nous avons refait la même chose pour
la version longue. Quand une nouvelle voix est enregistrée
sur une chanson déjà existante, cela change le
tout, et inévitablement, l'étape de mixage doit
être recommencée, ce qui a
été le cas ici aussi.
Comment avez-vous
reçu
les voix de Mylène ?
Chris : Jérôme avait les voix sur son disque dur
quand il est venu au studio. Elles étaient sèches
(sans effet, ndlr), et nous avons rajouté de la reverb'
pendant le mixage. Il n'a pas été
évident d'harmoniser les deux voix ensemble, mais c'est
toujours le cas pour les duos.
Vous avez
réalisé un remix totalement inédit, le
"MHC Club Remix". D'où venait la demande ?
Chris : C'est Howard Corner de chez Mute U K (le label de Moby) qui
nous a demandé de faire un remix inédit pour ce
duo.
Mylène vous
a-t-elle rappelés depuis votre rencontre ?
Chris : Non, mais ce n'était pas prévu. De toute
façon, c'était fin juillet, donc tout le monde
était en vacances à un moment ou un autre
depuis...
Une version de Slipping away pour le marché
espagnol a vu le jour, chantée en duo avec une artiste
espagnole, Amaral. L'avez-vous remixée aussi ?
Chris : J'ai entendu parler d'une version espagnole, oui, mais je n'en
sais pas plus.
Mylène est une
star en France, la connaissiez-vous avant Slipping away ? Que
pensez-vous de sa carrière ?
Philip : Bien sûr que nous la connaissions, mais on n'entend
pas beaucoup de ses chansons ici en Angleterre ou en
Amérique. Mon père Jorgen est un vieil ami et
collègue de Pascal Nègre, et il a
rencontré Mylène à plusieurs reprises.
J'ai donc suivi sa carrière depuis longtemps (Jorgen Larsen
était jusqu'en juin 2006 le PDG d'Universal Music
International, ndlr).
Vous m'avez dit que Moby
et Mylène s'étaient beaucoup impliqués
dans ce duo. Pour être honnête, certains fans sont
déçus car ce duo semble être vraiment
uniquement un plan commercial au lieu d'un désir mutuel de
sortir une chanson ensemble. Juste un moyen pour Moby d'avoir un
succès en France. Quelle est votre opinion ?
Chris : Je pense que c'est une grande chance pour eux d'avoir un
succès potentiel, et que c'est aussi bien pour les artistes
que pour les fans.
Philip : Je pense que les fans vont heureusement apprécier
le disque pour ce qu'il est, c'est-à-dire une super chanson
et un disque réunissant deux artistes majeurs dans le monde.
Mylène et Moby ont des voix qui s'accordent bien, et je ne
peux pas penser qu'il existe une meilleure association d'artistes.
C'est pénible de toujours discuter pour savoir si un disque
est un projet commercial ou non... Tous les artistes, musiciens et
producteurs font de la musique parce qu'ils aiment ce qu'ils font. Mais
inévitablement, si vous avez un peu de succès, ou
si vous voulez vendre des disques, c'est immédiatement
ramené à un point de vue commercial...
Quels sont vos
modèles ? Et quels sont vos projets actuels ?
Philip : Mirwais est notre plus grande et unique influence (mais nos
productions ne se ressemblent pas forcément à
tous les coups !). Son album Production
est l'œuvre d'un génie. Les Daft Punk sont des
légendes vivantes aussi, bien sûr. Concernant les
remixes, nous sommes assez inconstants, mais inspirés par
tout ce qui se passe dans les clubs. Tocadisco est notre favori
actuellement (il a par exemple remixé The Egg - Walking away
qui a servi de bande originale pour une publicité
récente où on voit une voiture se transformer en
robot et faire du patin à glace, ndlr).
Avez-vous
signé un papier vous demandant de garder les accapellas loin
des fans, comme Junior Jack a eu à le faire ?
Chris : Non, nous n'avons rien signé, mais nous ne
donnerions jamais les accapellas ! Je ne pense pas qu'on retrouverait
du travail de sitôt si nous faisions ça !