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Mylène Farmer - Fuck them all - Analyse du texte





Analyse de Fuck them all (texte) par Pierre R. (postée sur le forum Mylène.Net le 10 février 2005)


La nature est changeante
Annonce de thème: le temps du changement, l'inversion des rôles, idée aussi que ce qui paraît naturel (la domination du sexe fort, des forts en général) n'a rien de permanent. Le mot ‘nature', aux premières loges, semble amorcer une chronologie historique, avec comme point de départ l'état de nature, Adam et Eve peut être.

L'on respire comme ils mentent
Deux groupes en opposition manichéenne, ‘on' et ‘ils' ; ceux qui respirent, vivent, et ceux qui dominent par le mensonge (les hommes contre les femmes, plus généralement les dominants, les oppresseurs).

De façon ravageuse
‘Ravageuse', mot dur et violent ; profondeur du thème abordé.

La nature est tueuse
Echo à la phrase d'introduction : la nature est changeante, tueuse aussi; retournement de situation. Idée que l'opposition précédemment évoquée est meurtrière ; un duel à mort.

Au temps des favorites
D'Agnès Sorel à Jeanne du Barry, on pense surtout à la Pompadour, la Montespan ou à Madame de Maintenon ; le XVIIe, le XVIIIe ; Louis XIV ; le temps des puissants, de la monarchie ‘absolue', du monarque de droit divin ; toujours donc une double dimension de l'oppression ; la domination des puissants, et l'évocation de la place de la femme ; les deux thèmes se répondent; le texte donne une dimension politique à la guerre des sexes.
L'utilisation du mot ‘temps' est révélatrice; l'histoire en toile de fond, une évocation filée de la domination masculine et des différentes oppressions (références bibliques, empire romain (église romaine), domination américaine).

Autant de réussites pour l'homme
L'homme en général, le monarque absolu en particulier; donc le puissant (extension à toutes les dictatures, présidences abusives (Bush ?)).
La réussite c'est aussi ce jeu de carte où le Roi arrive en premier, devant la Dame, et plus généralement où tout s'ordonne de manière hiérarchique, où chacun a une place dont il ne doit pas bouger.

qui derrière a une belle qui s'affaire à
La femme chez Mylène Farmer est belle; évocation aussi du pouvoir politique des femmes (influence des grandes favorites), présent mais dans l'ombre, ‘derrière' ; le texte semble annoncer une rupture avec ce temps : sortir de l'ombre ? on pense au titre de l'album, ‘avant que l'ombre' s'abatte sur la force féminine? Retrouver la lumière du paradis avant le péché originel ?

Faire de leur vie un empire
‘leur' : ‘l'homme' au singulier, montré du doigt juste avant, redevient pluriel ; c'est le ‘ils' de ‘ils mentent' qui désigne le double ennemi : l'homme qui domine la femme, mais plus généralement le dominant, l'impérialiste.
L'empire américain bien sûr n'est pas loin ; le passage en anglais de toute façon accrédite le sens d'une attaque en règle contre l'hégémonie américaine et la guerre en Irak (martèlement du mot ‘guerre'), et peut être l'annonce de son déclin, du changement ; une dimension politique du texte non négligeable donc.
L'empire fait également penser à l'Empire romain : temps biblique, oppression des chrétiens par les romains (martyres) ; parallèle avec l'empire américain ; avec tout ce que cela implique (détournement du sacré et de la religion et thème du déclin).
Enfin Mylène Farmer (Libertine, Pourvu qu'elles soient douces) a lu Sade ; le jeu de mot vit/vie ne peut donc pas être innocent ; ajoutons le fait que l'on trouve ‘derrière' dans le ‘vers' précédent et que soit scandé ‘fuck them all' tout au long de la chanson…

Blood and tear
C'est un écho quasi immédiat :la domination entraîne le sang (le sang de la femme, le sang des tueries) et les larmes (souffrance des opprimés).

Faire l'amour à Marie
Grammaticalement c'est la ‘belle qui s'affaire' qui reste le sujet de la phrase et semble donc ‘faire l'amour à Marie‘ ; adoration de la vierge ? la religion opium des femmes (Maintenon la pieuse, la Vallière et Montespan qui finissent au couvent) et du peuple en général ? Le texte pourrait ici dénoncer l'utilisation de la religion, le détournement du sacré pour en faire une arme de domination et d'oppression.

On peut considérer également que c'est le début d'une nouvelle phrase ; c'est alors l'homme qui fait l'amour à Marie : avec au passage remise en cause de l'immaculée conception, et sans doute effectivement une lecture marie-madeleiniste de cette phrase (Dan Brown n'a rien inventé), avec Marie-Madeleine femme de Jésus.
Et puis aussi le jeu de mot Marie-mari ; l'évocation du rôle de la femme réduite à faire l'amour à son mari.

Et Marie est martyre
Les deux mêmes, Marie, mère de Jésus et Marie-Madeleine, sa compagne, martyre, victime de l'oppression. On ne peut ignorer le jeu de mot Marie est/Mariée ; Marie-Madeleine, le féminin sacré, la femme de Jésus. Ca m'ennuie de le dire mais Mylène semble effectivement avoir aimé le Da Vinci Code…

Blood and tear
Marie martyre qui pleure et saigne pour les femmes et les peuples opprimés.

Sur le mur nos soupirs
Le mur des lamentations, le dernier soupir, le mur obstacle, le mur sur lequel se sont jusque là échoués les cris de révolte ; mais ce mur évoque quelque chose d'autre, une référence explicite ; le mur de Berlin peut-être, fruit d'une des guerres les plus meurtrières, symbole de l'opposition Est-Ouest… Peut être un autre mur mais je ne trouve pas.

FUCK THEM ALL
Un cri d'enfant, d'adolescent plutôt; un cri de révolte donc ; celui que tout le monde connaît adolescent et auquel les chœurs semblent nous rappeler. Un cri presque primal, ancré en chacun de nous, un cri qui a l'instar d'un chant en chœur doit devenir collectif.

Faîtes l'amour nous la guerre nos vies à l'envers
Toujours cette dualité, ‘nous' et ‘ils' ; les femmes/ les hommes parallèlement aux opprimés/dominants ; idée surtout de l'inversion des rôles et donc de la révolte, évocation peut-être de la révolution qui a suivi le temps des favorites.
Mais ‘faites l'amour' rappelle aussi ‘faire l'amour à Marie' ; la religion opium du peuple donc, détournée en un instrument de pouvoir.
Et puis toujours l'idée de guerre des sexes, la femme guerrière, la femme au pouvoir (cf ‘la force est féminine' de Méfie-toi), la Dame avant le Roi.

Faîtes l'amour nous la guerre signez notre enfer
Signez/saignez/saigner ; à votre tour l'enfer de la soumission ; à votre tour de souffrir ; l'idée du sang encore (sang de la femme, sang du christ, sang des martyres, sang des tueries) et l'évocation de l'enfer comme référence biblique à ajouter à la liste.

Fuck them all
Blood and soul

Faîtes l'amour/le nous ? dans le texte le sens est le sexe
Le sang c'est le sexe ??? peu importe finalement la version définitive du texte on l'entend très clairement et c'est loin d'être anodin. La souffrance (le sang) serait donc le sexe ; violence du rapport sexuel, du rapport amoureux (cf : l'amour à mort);

‘Dans le texte le sens est le sexe' ; texte biblique ? peut-être aussi le ‘texte' même de la chanson.

De nature innocente
L'innocence des femmes certes, mais aussi celle des enfants ; les femmes et les enfants, les opprimés.

L'on manie élégance
La subtilité de l'esprit et de l'esprit féminin, qui rappelle le thème de Méfie-toi; ‘manie' comme le maniement d'une arme, le ‘fouet qui claque' de méfie-toi.

Et d'une main experte d'un glaive l'on transperce
Les femmes guerrières, les amazones, les walkyries plutôt (armées d'un glaive et d'une lance), substituent leur glaive à la pénétration masculine; le sexe faible devient fort, avec pour arme l'élégance.
Développement de l'idée de nature changeante, et de vies inversées ; la femme devient homme, ou à tout le moins sexe fort;
Le fuck, au sens littéral, n'est plus l'apanage de l'homme ; Mylène arme les femmes, les opprimés, pour la guerre, d'un glaive ; ‘fuck them all'.

Les discours trop prolixes que de la rhétorique
Double dimension toujours, à la fois les discours politiques, la version officielle de l'histoire (‘ils mentent', de l'histoire du Christ écrite par l'Eglise romaine, à l'histoire actuelle écrite par les américains ) et le discours masculin de la séduction.

Lâchetés familières
Lâcheté de l'homme, de la nature humaine.

Qui nous rendent guerrières
Appel à la rébellion, à la révolte, à la guerre (clip de Désenchantée); le féminin de guerrière est intéressant car il laisse penser que si le texte a plusieurs sens, le message premier reste féministe.

Hey bitch you're not on our list
You witch! you suck! you bitch!
(they said)
Hey bitch you're not on our list
You witch! you suck! you bitch!
(they said)
Hey bitch you're not on our list
What's your name again ?

Ce pont en anglais est significatif car il donne assez clairement au texte sa dimension anti- américaine, anti-Bush probablement.
On peut y voir de nombreuses références qui s'intègrent totalement dans l'esprit du texte ; la ‘list' rappelle la liste de Schindler et donc référence à la l'holocauste et à la seconde guerre mondiale.
L'idée aussi de fermeture des frontières ; on ne passe pas ! donc le mur, le mur de Berlin, la frontière en général ; on pense aussi aux ‘vies à l'envers' où on entend clairement ‘visas' ; étrangers insultés, refoulés.
‘You witch' fait référence à toute forme de ‘witch hunt', de chasse aux sorcières ; maccarthysme et toute forme d'extermination en général.

*
* *

Ce texte tire sa force de ses dimensions multiples; à la première écoute on entend des mots qui claquent ; sexe ; amour, guerre, fuck, bitch, un côté démago facile donc, avec tous les grands thèmes farmeriens réunis.
Mais le texte va plus loin, comme si Mylène Farmer jouait avec les thèmes qui ont construit son univers pour les rassembler dans un texte au message fort. Le rapport sexuel entre l'homme et la femme , le pénétration violente et souffrogène (on se souvient de l'évocation du viol dans Optimistique moi) s'inverse: la femme s'arme d'un glaive phallique, devient guerrière.

Plus encore le rapport sexuel est le symbole de la domination et de l'oppression au sens large; ‘fuck them all' prend alors tout son sens ; ce cri de révolte banalisé (en pays anglophone on entend ‘fuck' dans chaque phrase) ne doit pas faire oublier son sens littéral ; c'est le cri qui unit les dimensions du texte, sexuelle et politique.

Pierre R.,

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