Domina : Mylène Farmer, l'image que vous reflétez
est celle d'une libertine. Est-ce une profession de foi ?
Mylène Farmer : C'est un état. (Rires) Profession
de foi, non ! Il ne faut pas trop se prendre au sérieux !
Mais c'est un plaisir, en tout cas.
Domina : Vous
donnez également dans vos chansons l'image d'une
ingénue.
Mylène Farmer : D'habitude on me dit perverse. Je ne sais
pas si c'est compatible. Ingénue, non. Plutôt
lucide. Pour moi, libertine est l'alliage de coquine et de putain.
Domina : Vous vous
sentez des affinités avec les libertines du 18ème
siècle ?
Mylène Farmer : Dois-je le dire ? C'est une
époque qui me fascine, qui m'attire. Oui, j'aurais pu
être libertine.
Domina : Vous savez
qu'à l'époque, ces gens là
étaient considérés comme les premiers
révolutionnaires dans la mesure où ils
démolissaient l'ordre établi, qu'il soit
religieux ou moral. Ils se moquaient des vierges...
Mylène Farmer : C'est ce que j'aurais aimé faire
aujourd'hui, mais c'est un peu difficile.
Domina :
Pensez-vous qu'à notre époque la provocation
érotique ait encore une fonction de perturbations sociales ?
Mylène Farmer : Bien sûr ; ce sont des choses qui
certes évoluent un peu mais qui font toujours partie de
l'interdit ; c'est évident.
Domina :
Pensez-vous que la religion a encore une fonction importante dans notre
société ?
Mylène Farmer :Personnellement, je ne lui trouve aucune
fonction mais je pense que c'est une chose présente,
même omniprésente.
Domina : Dans notre
système actuel où l'on est entouré par
l'érotisme et le sexe, que ce soit dans les films,
à la télévision ou dans la pub,
pensez-vous qu'il peut y avoir encore de la provocation maintenant
qu'elle fait partie des choses normales et quotidiennes ?
Mylène Farmer : Je pense que oui. Mes chansons
provoquent encore des réactions. Rien n'est acquis.
Domina : Vos
costumes de scène sont très originaux par rapport
à ce qu'on voit actuellement ; ils sont très
raffinés, coquins et très recherchés.
Est-ce que vous vous habillez de cette manière provocante
dans votre vie privée ?
Mylène Farmer : J'adore rester toute nue chez moi. Mais la
lingerie, non, ce n'est pas quelque chose que je cultive à
la maison. J'aime... mais c'est plus amusant de la présenter
en public !
Domina : Quel type
d'homme vous attire ?
Mylène Farmer : Je vais vous dire une banalité :
les hommes intelligents.
Domina : Que
faut-il faire, ou ne pas faire, pour séduire
Mylène Farmer ?
Mylène Farmer : Il y a plus de choses à ne pas
faire qu'à faire (rires). Certainement me séduire
intellectuellement.
Domina : Il vous
arrive de "flasher" sur un physique - uniquement avant que l'homme ne
parle ?
Mylène Farmer : Oui, ça peut m'arriver, mais je
préfère que l'homme me parle ; en fait, je n'en
rencontre pas souvent, des hommes. Je suis très
protégée dans ma maison. J'aime bien les hommes
d'un certain âge, d'une certaine expérience. C'est
vrai que j'aime bien le côté papa, le
côté protecteur.
Domina : Pensez
vous qu'à l'heure actuelle la sexualité
féminine, qui est très mise en avant dans tous
les domaines est toujours dépendante de l'homme ? Existe
t-elle toujours à travers les yeux de l'homme ?
Mylène Farmer : Oui, je le pense. La femme est en
représentation. C'est l'homme qui, quoi qu'il arrive,
impose. Ça ne me dérange en aucun cas.
Domina : Pour
revenir aux libertins du 18ème avec lesquels vous avez
quelques atomes crochus, quelle a été la
première lecture érotique qui vous a
troublée ?
Mylène Farmer : Justine,
de Sade... et
après, j'ai continué. Je l'ai lu à
quinze ans.
Domina :
Ça vous a vraiment troublée de façon
érotique ou était-ce un
phénomène de curiosité ?
Mylène Farmer : Vous êtes bien
indiscrètes ! Les deux. D'autant plus que mes parents ne
m'avaient jamais parlé de "ces choses là". Ce
sont des choses que l'on découvre soi-même et
c'est beaucoup plus drôle de les découvrir ainsi.
Il faut garder certains tabous, certains interdits pour les
transgresser. C'est bien, les interdits.
Domina : Dans la
littérature pornographique féminine genre Xaviera
Hollander ou Sylvia Bourdon, est-ce que ces femmes vous fascinent
quelque part par leur attitude, par leur violence ?
Mylène Farmer : Elles ont plutôt tendance
à me dégoûter.
Domina : Pourquoi ?
Parce qu'elles en font trop ?
Mylène Farmer : Oui, c'est de l'illustration
bâtarde et malsaine. Moi, j'aime les choses
raffinées. Je trouve que Sade est très
raffiné donc c'est ça que j'aime.
Domina :
Pouvons-nous vous demander quel est votre meilleur souvenir
érotique ?
Mylène Farmer : Ça ne va pas du tout
là ! ... Euh... mon petit singe ! ; (Mylène
Farmer a fait son interview avec son petit singe sur les genoux -
depuis elle en a un deuxième, ndlr) Vous n’en
saurez pas plus !