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Mylène Farmer - Interview - Europe 1 - 18 octobre 1995



  • Date
    18 octobre 1995
  • Média / Radio
    Europe Matin - L'invité d'Europe 1 - Europe 1
  • Interview par
    Jean-François Rabilloud
  • Fichier
  • Catégories interviews



Jean-François Rabilloud : Mylène revient ! Vous connaissez peut-être son dernier clip, mais c'est le nouvel album de Mylène Farmer qui sort cette semaine. (l'album est sorti la veille, le 17 octobre, ndlr) Ça s'appelle Anamorphosée. Bonjour Mylène Farmer !
Mylène Farmer : Bonjour !


Jean-François Rabilloud : Dans le dictionnaire, l'anamorphose, c'est l'image d'un objet déformée par un dispositif optique : une déformation. Pourquoi vous avez choisi ce titre ?
Mylène Farmer : J'ai choisi "Anamorphosée" parce que j'ai pensé à ma perception du monde qui s'est élargie. Et, l'idée de l'anamorphose c'était pour moi, le moyen de rassembler toutes ces impressions, ces sentiments, pour n'en faire qu'un et pur.


Jean-François Rabilloud : Oui ! Ça ne veut pas dire que c'est un monde déformé que vous voyez ?
Mylène Farmer :  Absolument pas ! Non, non !


Jean-François Rabilloud : Alors, il y a une douzaine de chansons... douze chansons... dont la musique est signée Laurent Boutonnat et les paroles Mylène Farmer (en fait, sur l'album, la musique de la chanson Tomber 7 fois a été composée par Mylène, ndlr). Ça a été écrit aux Etats-Unis ?
Mylène Farmer : Oui, à Los Angeles !


Jean-François Rabilloud : Oui... Est-ce que l'air du temps, si ce n'est l'actualité, vous ont inspirée dans cet album ?
Mylène Farmer : Fatalement. Je parle de moi, mais je parle de l'autre. Oui, le monde m'intéresse !


Jean-François Rabilloud : Oui... Vous n'êtes en France que depuis un mois après, donc, ce séjour prolongé aux Etats-Unis. Comment est-ce que vous avez retrouvé la France ? Dans quel climat, sur fond d'attentats, puisque vous êtes arrivée, donc, il y a un mois, c'est ça ? (deux attentats ont touché Paris durant l'été 1995, ndlr)
Mylène Farmer : Oui ! Climat extrêmement difficile, extrêmement lourd.


Jean-François Rabilloud : Oui...
Mylène Farmer : Paris est plombé. Et, ma foi, c'est difficile... difficile de trouver un sourire.


Jean-François Rabilloud : Mais vous sentez ça en marchant dans la rue ? C'est quelque chose de pesant ?
Mylène Farmer : Je crois que le ciel est bas. Bas et lourd ! (Petit rire) Et puis, ma foi, l'actualité. Et puis, je crois, c'est presque vibratoire...


Jean-François Rabilloud : Vous trouvez que ça se sent ?
Mylène Farmer : Oh oui ! Oui, bien sûr !


Jean-François Rabilloud : Et quand on marche dans les rues de Los Angeles, on sent quoi, par rapport à Paris ?
Mylène Farmer : C'est plus spacieux, je dirais ! Peut-être que c'est plus hypocrite dans le fond...


Jean-François Rabilloud : Vous ne trouvez pas que les français réagissent bien, finalement ? Que les gens ne se comportent pas mal ? Que ça soit les parisiens ou les autres ?
Mylène Farmer : Qu'est-ce que vous entendez par "se comporter mal ou bien" ?


Jean-François Rabilloud : Ils gardent leur calme, par exemple !
Mylène Farmer : Ça, je ne sais pas... je ne sais pas bien. Je ne vais pas dans le métro. Moi, je suis quelqu'un, dans le fond, de très protégé. Ils le vivent probablement très, très mal. Est-ce qu'ils sont calmes ? Je ne le pense pas.


Jean-François Rabilloud : Vous dites qu'on sent ce mal de vivre à Paris. Vous allez repartir, vous, aux Etats-Unis, ou vous resterez en France ?
Mylène Farmer : J'ai envie de bouger, j'ai envie du voyage. Maintenant, repartir aux Etats-Unis, je ne sais pas. Mais c'est vrai que ça donne, en tout cas, oui, l'envie que de partir, c'est vrai.


Jean-François Rabilloud : Alors aux Etats-Unis, il y a toujours plein d'actualités. La solidarité, par exemple, retrouvée entre Noirs américains après le succès d'une grande marche de ces Noirs américains sur Washington. Est-ce que vous pensez, par exemple, avec votre expérience américaine, que les deux communautés, noire et blanche, finiront par vraiment vivre ensemble un jour ?
Mylène Farmer : Ça, je ne sais pas. Ce n'est pas à moi de me prononcer. C'est le souhait de tout un chacun. Maintenant, c'est vrai que ça paraît... ça paraît presque utopique.


Jean-François Rabilloud : On a fait des progrès quand même !
Mylène Farmer : On a fait des progrès. Mais c'est vrai que la violence est... j'oserais dire, inhérente à ce pays. C'est vrai qu'il y a ce conflit qui est... qui est là. Une fois de plus, on le voit quand on se promène dans Los Angeles. Je ne suis pas sûre de l'avoir, moi, rencontré. Maintenant c'est vrai qu'il y a des quartiers qui sont... qui sont plus difficiles, et que c'est quelque chose qui est omniprésent, oui !


Jean-François Rabilloud : Vous me disiez que vous êtes arrivée aux Etats-Unis au moment où commençait le procès Simpson. Vous l'avez suivi là-bas ? C'était impossible de ne pas le suivre ! (le procès d'O.J. Simpson  accusé d'avoir assassiné son ex-femme et l'amant de celle-ci, ndlr)
Mylène Farmer : Presque malgré moi, j'oserais dire ! (Rires) C'est vrai que c'est assez passionnant et assez dérangeant. C'est du voyeurisme, mais c'est aussi de l'information. Nous ne sommes pas éduqués et habitués à pénétrer...


Jean-François Rabilloud : (qui la coupe) Donc vous ne tranchez pas ? Vous dites que c'est trop... Trop de reportages à la télé ? Trop de direct sur ce procès, par exemple ? Ou est-ce que c'est bien ?
Mylène Farmer : Non, je pense que c'est trop ! Que c'est trop. C'est allé trop loin et... Mais c'est tout de même passionnant !


Jean-François Rabilloud : Oui... Vous avez une idée, comme on en a tous une, sur sa présumée culpabilité ? Il est coupable, il n'est pas coupable ?
Mylène Farmer : Ah non ! Je ne me permettrais pas de dire quoi que ce soit sur ce sujet parce que c'est...


Jean-François Rabilloud : Et pourtant, toute l'Amérique a un avis là-dessus ! Pour ou contre...
Mylène Farmer : Tant pis pour l'Amérique !


Jean-François Rabilloud : Vous êtes rentrée en France il y a quelque temps. Les collections, par exemple, c'est aussi l'actualité à Paris. Vous allez beaucoup aux défilés ?
Mylène Farmer : Non ! Très, très peu, mais j'avais très envie d'aller voir le défilé de Jean-Paul Gaultier. (Mylène a assisté au défilé prêt-à-porter printemps / été de Jean-Paul Gaultier la veille de la diffusion de cette interview, le 17 octobre 1995, ndlr) J'aime beaucoup ce créateur.


Jean-François Rabilloud : Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il a de plus que les autres ?
Mylène Farmer : De plus ? Peut-être la fantaisie. Mais il a surtout un grand talent, une grande maîtrise de son métier. Une folie, peut-être, en plus, oui...


Jean-François Rabilloud : Le coup de coeur de Mylène Farmer ces jours-ci, qu'est-ce que c'est ?
Mylène Farmer : Depuis un petit moment, c'est un livre je crois que beaucoup, beaucoup de personnes ont découvert, qui est L'alchimiste et...


Jean-François Rabilloud : Oui ! Qui est un gros, gros succès de ces dernières semaines !
Mylène Farmer : Oui... Et qui est un livre qu'on a plaisir à conseiller, et c'est une très, très jolie histoire !


Jean-François Rabilloud : Oui ! Alors on va se quitter sur un hymne à l'amour, quoi ! XXL, c'est l'une des chansons de cet album. (Mylène acquiesce) En résumé, c'est : "On a tous besoin d'amour", c'est ça ?
Mylène Farmer : Oui, c'est ça ! (Rires) Merci !



Source retranscription : Styx Magazine Spécial Mylène Farmer - Référentiel des Radios - Editions Sunset Publishing - 2013

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