France Soir : Comment
Mylène vit-elle cette flamboyante
épopée ?
Mylène Farmer : C'est la grande
révélation de ma vie. Pour la
première fois vraiment j'ai eu confiance en moi. Et cette
confiance, c'est le public qui me l'a donnée. Pour Bercy,
j'ai le
trac bien sûr. Il y a le vertige de la démesure.
Mais
l'examen de passage est réussi. Les choses essentielles ont
eu
lieu le premier soir au Palais des sports.
Sa rencontre avec le
public :
Juste avant d'entrer en scène le premier jour, j'ai vu un
ami. Un chanteur que j'aime beaucoup. Il m'a demandé : "Pour
qui tu chantes ?" Je lui ai dit : "Pour moi, et toi
?" Il m'a répondu : "Pour eux". Ça m'a
sonnée. Je me suis demandée si je
n'étais pas
en train de me mentir. Deux heures plus tard la communion
avec le public m'avait bouleversée. J'avais ma
réponse.
Pourquoi alors avoir
écrit A quoi
je sers... juste après ?
Précisément pour mieux cerner ce qui
s'était
passé. C'était si gigantesque. Les jeunes,
souvent
encombrés de tabous, ont tellement besoin d'être
compris... Et moi j'ai le sentiment de leur dire, comme Brel dans sa
chanson : "Non Jeff, t'es pas tout seul". Sans aucune
prétention, je sais à présent que
c'est à
cela que je sers. A leur dire qu'il n'y a pas à avoir
honte du sexe. Tout est normal dans l'amour. (Elle baisse les yeux) Je
n'aurais jamais cru un
jour faire partie de ces artistes qui subliment leur public.
Le spectacle
présenté à Bercy :
Il sera le même. On ne retouche pas un film une fois qu'il
est passé en salle. Ici c'est la même chose.
Ce qui a
changé en elle :
C'est bizarre ce début de
sérénité.
C'est si fragile. J'ai sans doute perdu un peu de paranoïa.
Mais
d'une certaine façon, c'était aussi un rempart.
Peut-être que je suis plus humaine.
Qu'y a-t-il au bout de
cet exorcisme ?
L'autre Mylène. Avec les même délires.
Mais
pleinement assumée (rire). Peut-être
qu'un jour
j'écrirai des romans. Mais j'aimerais qu'on puisse dire,
comme
dans cette préface de Lanza Del Vasto à propos
d'Eric
Dietrich (erreur dans l'article, il s'agit en fait de Luc Dietrich,
ndlr) : "C'est un peu comme ces auteurs russes qui
écrivent avec leur sang".
La chanson Pourvu
qu’elles soient douces :
Ma chanson
Pourvu
qu'elles soient douces est un
pamphlet écrit comme on se venge... des hommes, des tabous,
de
l'enfance. Un jour, adolescente, comme j'étais
très
attirée par les garçons, quelqu'un m'a
traitée de "pute" alors que j'étais aussi blanche
que le plat
de la main. Ça a été terrible.
Ça a tout compliqué
dans ma tête. Et comme il m'était impossible d'en
parler
dans ma famille, cette révolte refoulée a
généré mon côté
castrateur.
Ça vous met en
colère quand on dit que ces fantasmes ne sont pas les
vôtres ?
Ça m'amuse. On dit aussi que c'est mon mentor, mon
Pygmalion, Laurent
Boutonnat, qui m'inspire... En fait, il est comme mon jumeau. Ses
fantasmes sont les miens, et vice versa. Le danger dans cette
relation où on est si semblables, c'est la destruction.
Heureusement, il y a Bertrand Le Page, mon manager. On vit pratiquement
à trois depuis cinq ans. Pas simple, mais riche. J'ai
toujours
su que le chiffre trois était le chiffre parfait.
Le comportement le plus
choquant pour vous ?
Un homme qui se détourne trente secondes après
l'amour.
Alors qu'une femme, dans l'absolu, en est incapable. C'est ce que je
méprise le plus.