Graffiti : Tristana est votre
troisième clip ?
Mylène Farmer : Il y a eu "Ne plus grandir" (sic), Libertine et
maintenant Tristana,
réalisés par la même personne : Laurent
Boutonnat.
Graffiti : Vos
clips sont davantage des courts métrages que des simples
clips. C'est une volonté de la part de Laurent Boutonnat et
de vous-même ?
Mylène Farmer : C'est d'abord un amour commun avec le
réalisateur pour le cinéma. C'est notre propre
conception d'une mise en images d'une chanson. On aurait eu plus de
temps pour le tournage, ça serait devenu un film, c'est vrai.
Graffiti : Vous
vouliez créer un événement en faisant
un clip de 18 minutes (erreur sur la durée du clip, NDLR),
aussi élaboré, comme pour vos autres clips ?
Mylène Farmer : L'événement, s'il doit
se produire, se produira tout seul. J'espère que ce sera un
événement, bien sûr.
Graffiti :
Qu'évoque pour vous le prénom Tristana ?
Mylène Farmer : Pour moi ça évoque
tout un univers russe, alors que le prénom est espagnol.
Même la chanson évoque pour moi la Russie. C'est
pourquoi Laurent Boutonnat a transposé le conte Blanche-Neige et les sept nains
en Russie. De plus, j'ai appris le russe à
l'école, c'était ma seconde langue.
C'était déjà une première
approche de ce pays. Ce qui m'a aussi permis de parler en russe
dans Tristana.
Graffiti :
Où le clip a-t-il été
tourné ?
Mylène Farmer : On a tourné dans le Vercors en
plein mois d'avril dernier. On pensait aller plus loin et on a
trouvé ces paysages naturels, ces plateaux
enneigés, ces forêts, c'était
formidable. Toutes ces séquences en extérieur ont
été tournées là et les
scènes du palais en studio, bien sûr.
Graffiti : Le
tournage n'a pas été trop pénible
à cause du froid, de la neige ?
Mylène Farmer : C'est vrai qu'il y a eu des moments
difficiles, notamment sur le plateau enneigé où
je suis habillée en blanc et où je tournoie dans
le vent ; il faisait très froid et il y avait beaucoup de
vent, de plus on a tourné ce plan très tard. Mais
c'était passionnant !
Graffiti : On est
surpris, dans votre clip de voir des passages en noir et blanc
retraçant la Révolution d'octobre, des portraits
de Lenine, de Marx.
Mylène Farmer : Oui, en mêlant ces images en noir
et blanc aux images en couleurs, Laurent a voulu faire un "doux"
mélange. C'est un clin d'oeil ! Je trouve que c'est une
très bonne idée de mélanger ce genre
d'images à des images très romantiques,
ça crée un contraste.
Graffiti : Comment
travaille Laurent Boutonnat sur un tournage ?
Mylène Farmer : C'est un mélange
d'improvisation et de préparation sérieuse. C'est
aussi toute une équipe qui se déplace. Pour ce
clip, on était près de 40 personnes, la
même équipe que sur Libertine. Pour
Laurent, c'est à la fois très
travaillé et il y a ce que j'appelle le talent d'un
réalisateur, c'est-à-dire des choses qui nous
échappent un peu quand on est sur un tournage. Alors que
pour le réalisateur, c'est très précis
dans son esprit. Il y a leur secret aussi...
Graffiti : Par
rapport à Libertine, vous êtes
très pudique dans ce clip.
Mylène Farmer : Oui, on a voulu prendre le contrepied.
C’était bien de se vêtir
complètement et de ne pas sortir des sentiers battus !
Ça m’a beaucoup amusée de jouer ce
personnage très pur !
Graffiti :
Parlez-moi des autres personnages du clip ?
Mylène Farmer : Il y a Rasoukine, joué par
Vladimir Ivtchenko qui est russe et dont le métier est
d'être sculpteur. Les russes sont des gens qui ont une
culture très riche et qui ont toute la Russie en eux. Il y a
donc deux personnages de nationalité russe ! Le
héros, et le moine joué par Sacha Prijovic.
Sophie Tellier, qui joue la tsarine, est danseuse. Quand je l'ai
rencontrée, je lui ai proposé de jouer
dans Libertine
et ensuite dans Tristana
(sifflement dans l'appareil, Mylène m'explique que c'est son
petit singe qui appuie sur les touches du
téléphone !)
Graffiti :
Avez-vous des anecdotes à nous raconter ?
Mylène Farmer : Oui, une anecdote très
sympathique. L'acteur qui joue le paysan, avait tellement le trac,
qu'avant toutes les scènes difficiles du sous-bois, et
notamment la scène du baiser, il buvait de la vodka pour
surmonter sa pudeur! C'était très
émouvant ! D'autant plus qu'il n'est pas acteur !
Graffiti :
L'expérience d'actrice vous attire ?
Mylène Farmer : Oui, énormément.
Précisément avec Laurent parce que j'ai
travaillé trois fois avec lui. C'est quelque chose qui me
tente beaucoup. Peut-être plus tard...