Graffiti : Maman a tort
Mylène Farmer : Alors que je débutais gentiment
une carrière de
mannequin, j'ai passé une audition pour Maman a tort. Il
y avait une cinquantaine de jeunes filles qui
chantaient certainement mieux que moi et, allez savoir pourquoi,
Laurent Boutonnat et Jérôme Dahan m'ont choisie.
Ils ont expliqué, en voyant la surprise se
dégager de mon visage, qu'ils recherchaient plus un physique
qu'une voix, et qu'il serait toujours temps d'apprendre à
chanter.
J'étais jeune, mais il faut bien dire que si j'ai
accepté de chanter cette chanson, c'est parce qu'elle me
plaisait... Je n'aurais jamais chanté n'importe quoi.
Graffiti : On est tous
des imbéciles
Mylène Farmer : J'ai tenu à dire ce que je
pensais; vous savez, lorsque
j'ai une idée derrière la tête, il est
difficile de me l'enlever. C'est à cette époque
que j'ai quitté RCA, mon ancienne maison de disques, au
profit de Polydor, où tout se passe très bien
(jusqu'à présent).
Graffiti : Plus Grandir
Mylène Farmer : Oui, le texte était purement et
simplement
autobiographique; j'ai très peur de la fuite du temps et en
l'occurrence, de vieillir. Cette chanson était un cri, une
révolte. Le thème de la mort m'a toujours
obnubilée et je crois que cela s'est laissé
sentir dans cette chanson.
Le clip a été réalisé par
Laurent en Cinémascope, j'ai également
participé à l'écriture du
scénario et je suis fière d'en avoir
conçu le story-board. C'est avec ce clip qu'on a
créé notre univers, qu'on a donné le
départ; c'était effectivement le début
d'une grande série.
Pour Laurent et moi, ce 45 tours et ce clip étaient en
quelque
sorte un challenge, car si Plus
Grandir
séduisait aussi bien côté musique que
côté clip, cela nous donnait des ailes pour
l'avenir.
Graffiti : Libertine
Mylène Farmer : Cette chanson est venue très
naturellement.
J'étais en studio d'enregistrement, à l'occasion
de mon album, et la musique de Libertine a
commencé à défiler sur les bandes. A
cette époque, il n'y avait pas de paroles et j'ai
lancé, comme ça : "Je suis une
pute"; de là est venu "Je suis une
catin". Nombreuses sont les âmes pures qui ont
été choquées par mes paroles trop
osées ou par mes robes trop
échancrées. Mais je n'ai pas eu peur de
provoquer, j'ai même récidivé lors de
mon clip. Il a coûté 500 000 francs mais je pense
qu'il a eu un impact à la hauteur de son coût. J'y
apparaissais nue, ce qui a suscité de nombreuses demandes
... On m'a proposé de poser nue dans des magazines et ce,
pour
des sommes très coquettes, mais j'ai refusé, car
je n'avais pas besoin d'argent; en plus, je ne voulais pas que mon
corps entre dans les foyers.
Graffiti : Tristana
Mylène Farmer : Dans cette chanson, je me suis
laissée aller; j'ai
laissé courir mes pensées, aussi morbides
fussent-elles. Ma personnalité de chanteuse
occultée au profit de cette "Blanche-Neige" made in URSS.
Graffiti : Sans contrefaçon
Mylène Farmer : J'ai tenu à ce que Zouc
fasse partie de mon clip
car je l'associe facilement à une sorcière...
Lorsque je suis allée la voir sur scène, les gens
autour de moi riaient de bon cœur; moi, j'avais envie de
pleurer...
Ce qui m'a fait écrire cette chanson, c'est qu'un beau jour,
j'ai pensé être entre deux sexes. Quand
j'étais plus jeune, on me prenait toujours pour un
garçon...
Graffiti : Ainsi soit je...
Mylène Farmer : Cet album est en fait ma philosophie; toutes
mes envies, mes
passions, mais aussi les choses qui me tiennent à coeur.
Beaucoup d'idées choquantes, d'accusations fortes sont
allégées par la douceur des notes musicales mais
je pense que le ton qui s'en dégage n'est pas aussi
gentillet qu'il voudrait bien le laisser croire.
Graffiti : Pourvu qu'elle soient douces
/ Victoire de la musique d'interprète féminine de
l'année en 1988
Mylène Farmer : J'étais à la
fois très heureuse et
profondément triste. C'était un très
grand moment d'émotion. J'étais très
heureuse de gagner ce prix mais je n'ai rien fait pour fêter
ça. On a dit que j'avais l'air triste, j'étais
tout simplement bouleversée. Lorsque je suis
rentrée chez moi, je ne pouvais pas parler, je serrais ma
victoire très fort contre mon coeur puis, peu à
peu, je suis redescendue sur terre et je me suis remise au travail.
Graffiti : Ses deux
singes capucins E.T. et Léon
Mylène Farmer : Ils sont entrés dans ma vie; ils
ne prennent que
très peu de place et je m'y suis très vite
attachée. J'aime beaucoup ces animaux; en plus, j'ai un
besoin permanent de caresser.
Graffiti : Les chevaux
Mylène Farmer : J'ai découvert les chevaux
à l'âge de 10 ans. J'ai une telle passion pour les
animaux que lorsque
j'étais enfant, je voulais être
vétérinaire, mais j'ai très vite
renoncé à ce projet. J'ai également
songé à faire carrière dans
l'équitation, mais là aussi, j'ai très
vite oublié.
Graffiti : Les douceurs
Mylène Farmer : J'adore les gâteaux et les
bonbons, surtout lorsqu'ils sont
très chimiques, car ça me rappelle ma plus tendre
enfance. Mais n'ayons pas peur des mots; je suis et serai toujours
très gourmande.
Graffiti : La musique
Mylène Farmer : Chez les français, j'aime assez
Jacques Dutronc, Barbara,
Jacques Brel qui, à mon goût, font une musique
complètement indémodable, hors de tous courants
musicaux. Côté anglo-saxon, j'adore Depeche Mode;
je trouve qu'ils ont vraiment beaucoup de talent.
Graffiti : La lecture
Mylène Farmer : Je lis énormément. La
lecture est
également un moyen très efficace de
remédier à mes insomnies. Allan d'Edgar Poe
est en l'occurrence l'oeuvre qui figure en
permanence sur ma table de chevet. Mais celui que j'admire le
plus, c'est vraiment Baudelaire. Je trouve qu'il écrit
décidément bien; j'ai d'ailleurs
illustré vocalement L'Horloge qui
fait partie des Fleurs
du Mal. En plus d'aimer
le poète, j'apprécie l'homme qu'était
Baudelaire, son côté
névrosé, persécuté...
Graffiti : Le
cinéma
Mylène Farmer : Le septième
art
était ma passion
première... J'aimerais beaucoup pouvoir tourner sous la
direction de Laurent Boutonnat. On m'a déjà
proposé des scénarios mais rien qui me plaise
vraiment. Mes réalisateurs
préférés
sont Roman Polanski, Jean-Jacques Annaud et Louis Malle car j'aime le
regard qu'ils portent sur l'enfance.
Graffiti : Son argent
Mylène Farmer : La deuxième chose que je regarde
sur quelqu'un,
après son visage, ce sont ses chaussures.
Graffiti : Sa famille
Mylène Farmer : Nous sommes une famille pleine de longs
silences mais pas moins intenses cependant.
Graffiti : Son courrier
Mylène Farmer : J'en reçois de plus en plus, j'y
réponds de moins en moins; ce n'est pas
l'envie qui m'en manque, mais le temps, tout
simplement.
Graffiti : Son
caractère
Mylène Farmer : Je n'aime pas jouer, peut-être
est-ce par peur de perdre.
Je suis une romantique, violente et sensuelle.
Il y a en moi une force de caractère masculine
imprégnée d'une touche de
féminité.
Graffiti : La solitude
Mylène Farmer : Lorsqu'on est un personnage public, on y
vient peu à peu mais, au bout du compte, on prend l'habitude
de se couper du monde.
Graffiti : Le sang
Mylène Farmer : J'aime le rouge sang, car pour moi, c'est un
symbole. Un bain de sang, c'est une sensation à la fois
merveilleuse et terrifiante; en tout cas, attirante...
Graffiti : L'amour
Mylène Farmer : Selon moi, l'amour est la
quête d'un
idéal, la recherche d'une autorité de
force et de protection.
J'ai connu l'amour physique très tard ; c'est
peut-être pour cette raison que
j'ai des rapports difficiles avec les hommes. Adolescente, je
fantasmais sur des amours avec des comédiens.