L'interview a été enregistrée le
vendredi 06 novembre, jour de la sortie de l'album Interstellaires, en
début d'après-midi.
Lors de la diffusion du JT de 20 heures, Mylène est partie
à Cannes pour les répétitions des "NRJ
Music Awards 2015".
À la fin du JT, l'interview ne sera diffusée
qu'en partie mains son intégralité sera mise en
ligne sur le site mytf1.fr après.
Anne-Claire Coudray : Alors
Mylène Farmer est-ce que ce nouvel album va donner lieu
à une nouvelle tournée ? Je sais qu'ils sont
nombreux
à attendre votre réponse.
Mylène Farmer : Ecoutez, l'idée de retourner sur
scène est intacte,
l'idée de retrouver le public est intacte. Pour l'instant, je
ne
vais pas retourner sur scène, mais j'espère dans
un futur
proche.
Vous avez écrit quasiment tous les textes de cet album
Interstellaires.
Vous y parlez des étoiles, des
nébuleuses, d'un ailleurs, du ciel. Pourquoi cette
fascination
pour l'espace ?
Parce que je crois que tout le monde est fasciné par
l'espace,
c'est le rêve, c'est l'aventure, c'est la
découverte.
C'est un terrain vierge et c'est une façon de
s'échapper
peut-être du quotidien aussi, d'imaginer les choses. Quand on
pense qu'au XXè siècle le premier homme a
marché
sur la Lune, le XXIè siècle on peut s'imaginer
qu'on va
s'abandonner dans la voie lactée... un nouveau terrain de
rêve.
J'ai lu aussi qu'un accident vous avait permis aussi de regarder
beaucoup en l'air, de lever beaucoup les yeux.
Oui, j'ai été allitée pendant quelques
mois et là,
j'avoue que j'ai eu une ou deux bonnes étoiles.
L'idée de
faire cet album, et de rencontrer Martin Kierszenbaum qui est le
compositeur et producteur de l'album, et puis également bien
sûr Sting, et Michel Onfray avec qui j'ai travaillé
sur un
très joli conte.
Alors l'un des titres forts de cet album c'est évidemment ce
duo
avec Sting. Comment ça s'est passé ? Pourquoi lui
?
Comment l'avoir choisi ?
Parce que c'est quelqu'un que j'ai toujours aimé, un artiste
incroyable, de talent, de générosité,
d'intelligence aussi. C'est quelqu'un qui m'émeut, c'est
quelqu'un que je suis allée voir avec mon manager et ami
Thierry
Suc qui le connaissait, il me l'a présenté. Je
suis
allée voir plusieurs de ses spectacles dont un dans une
église qui était très très
beau, sa
comédie musicale, et puis voilà,
c'était un
enchantement de travailler avec lui, c'est quelqu'un de...
C'est difficile quand on est deux artistes, deux grands artistes, il
faut harmoniser, transformer, s'adapter à la voix de l'autre
?
Lui a été extrêmement
généreux parce
que la chanson était dans une tonalité, et nous
avons dû
la monter. Il est dans une tessiture assez haute, et il a eu cette
générosité que d'accepter ce qui lui
fait une voix
assez incroyable.
Il dit que c'est aussi assez sexy... de chanter en français ?
J'avoue que c'est très sexy...
... de chanter en
français ?
... ça je ne sais pas.
peut-être... (rires) Et puis c'est surtout produit, ce titre, par
Tristan de The Avener qui a apporté quelque chose de
très important et de très nouveau pour ce titre Stolen
Car.
Donc, Sting chante un petit peu en français vous, vous avez
beaucoup de mots anglais. Vous avez choisi aussi un compositeur et
producteur américain. Le disque va d'ailleurs sortir aux
Etats-Unis. Est-ce que vous aviez envie d'une aventure un peu plus
internationale pour ce nouvel album ?
Ecoutez, non, là j'allais dire, c'est le fruit du hasard.
J'ai
rencontré Martin quand j'ai rencontré Sting
également et nous avons décidé de
travailler
ensemble. Maintenant puisque lui vit aux Etats-Unis, est
américain, est patron d'un label très
intéressant,
voilà, il m'a proposé de travailler cet album sur
le
marché international. Ça reste une jolie aventure
pour moi.
Vous avez toujours chanté en français et pourtant
vous avez vécu aux Etats-Unis...
Très peu...
Vous avez envie de défendre la langue française
dans votre art aussi ?
C'est important parce qu'il y a quelques années... enfin
quelques années... il y a longtemps on m'avait
proposé
effectivement de faire de la promotion pour l'international et
j'avais décidé de ne pas le faire ou de
très peu
le faire parce que ma langue maternelle est le français, mes
mots que je juge moi importants pour ce que je veux exprimer, mes
propres émotions je ne peux les traduire que dans ma langue
maternelle. Donc je me suis dit : "Restons français", et
ça me va très bien.
Je voudrais parler d'une autre collaboration qui est presque plus
étonnante que celle avec Sting, c'est celle avec Michel
Onfray.
Vous illustrez son conte philosophique qui s'appelle
- décidément - L'étoile polaire...
Oui comme quoi, on ne l'invente pas, c'est vraiment tombé du
ciel.
Et vous y faites de très très jolies aquarelles,
c'est
un talent qu'on ne vous connaissait pas, ou qu'on vous connaissait moins
en tout cas. Comment ça s'est fait ? Michel Onfray vous a
appelée ou c'est vous qui lui avait tendue la perche ?
Non... Michel Onfray a eu la gentillesse un jour, je crois sur une
émission de radio de parler de moi et de choisir un de mes
titres, une chanson. Donc j'ai écouté cette
émission puisque quelqu'un m'a dit : "Tu devrais
écouter"
puisque c'est à la fois intéressant et
très gentil
envers moi, et donc, j'ai décidé de lui envoyer un
texto
pour l'en remercier, et plus tard par l'intermédiaire d'Anne
Carrière que nous connaissons tous les deux...
Voilà, il
l'a contactée et lui a demandée si elle pouvait
envoyer
un mail me proposant d'illustrer son conte ce qui était
merveilleux et à la fois angoissant. Je lui ai dit : "Je
pense
que je n'en serais pas capable". Il m'a dit : "Si ! Vous allez en
être capable". Et puis voilà les choses se sont
faites. On
a beaucoup parlé, beaucoup ri aussi. Et voilà !
Je voudrais qu'on revienne à votre rapport aux fans. Je
voudrais
donner juste quelques records que vous avez battus parce qu'il y en a
beaucoup : record de disques de dimant pour une chanteuse, record de
ventes de DVD musicaux, record de rapidité de ventes de
billets
de concerts : vous avez rempli l'équivalent de deux Stade de
France en trois heures. Est-ce que ça vous effraie parfois ?
Je sais pas si ça m'effraie. Quand j'annonce par exemple que
je
vais faire un concert, quand je sors un album j'ai toujours une frayeur
en moi : c'est que je ne retrouve pas le public, voilà. Que
je
puisse décevoir.... Voilà... Ce que vous
évoquez,
ça ne m'effraie pas parce que... comment vous dire ? Il y a
une
espèce de dichotomie en moi. C'est compliqué
à
exprimer.
En tout cas ce rapport au public vous ne le subissez pas dans le sens
où vous l'avez également choisi, vous le cultivez. On sent
bien
qu'il y a un rapport presque fusionnel dans ce que vous provoquez dans
vos concerts.
Mais c'est fondamental. C'est ma raison de vivre. Ma raison de pleurer
parfois, même si j'irrite parfois quand je pleure (rire).
C'est
une émotion, c'est la mienne. Ce que je vis est magique, on
a
tous des hauts et des bas. La vie parfois a ses angles durs, mais c'est
un cadeau de la vie. J'ai un profond respect pour LE public, parce
qu'on dit "fans" mais c'est avant tout un public.
Vous êtes une des seules artistes d'ailleurs à ne
pas
être sur les réseaux sociaux. Est-ce que c'est
parce que
vous avez envie d'un contact réel avec votre public ?
Parce que tout ce que j'ai à donner je le donne à
travers
mes chansons, l'écriture et puis comme vous le disiez sur
scène. C'est là où vraiment vous
êtes en
contact avec un regard, avec une émotion, avec... une
ferveur.
Alors ce public, il est si nombreux à revenir à
chaque
fois, certains vous suivent depuis trente ans, c'esr parce qu'il
retrouve ce langage Mylène Farmer, cette voix si unique dont
parlait Sting (dans le reportage diffusé avant l'interview,
ndlr), et puis aussi ce personnage, ces concerts, cet univers auquel
vous êtes restée tout le temps fidèle,
et on le
retrouve très bien dans cet album. Vous n'avez jamais eu
envie
de changer ?
Non... Progresser certainement, donner des choses nouvelles, surprendre
bien évidemment. Maintenant, moi me transformer
profondément je ne pense pas qu'on attende ça de
moi
finalement non plus... Surprendre certainement...
Est-ce que ce personnage que vous êtes sur scène
c'est aussi ce que vous êtes dans la vie ?
Pour moi il n'y a pas de personnage. Après, c'est vrai, on
peut
mettre un décor, on peut mettre des vêtements, on
se
maquille, on se transforme, mais pour autant je suis qui je suis. Vous
dire que dans la vie je me comporte comme je suis sur scène,
ça n'a pas de sens. J'ai un public devant moi quand je suis
sur
scène. Donc de fait je suis une personne presque
différente. Mais
profondément je suis exactement la même voire
peut-être encore plus authentique sur scène parce
qu'on
est totalement dénudé...
En tout cas depuis le début de votre carrière
vous avez
été l'artiste de toute les audaces tant
dans la forme
qu'a pris votre musique et vos clips, tant dans les thèmes
abordés ; vous avez abordé le sexe, la religion,
la mort.
Est-ce que ça aussi...
Si vous me le permettez je vais ajouter l'amour aussi (sourire)...
L'amour évidemment !
L'amour, la vie, quoi. Mais...
Est-ce que cette audace c'est aussi quelque chose qui fait revenir vos
fans, qui a séduit vos fans dès le
départ ?
Je ne sais pas. Moi je ne suis pas dans l'analyse, à vrai
dire.
Je prends ce qu'on me donne, j'essaye de donner et je ne
décortique pas la crevette. Ça, ça
m'angoisse par exemple.
Vous avez aussi un paradoxe, c'est que vous êtes terriblement
audacieuse dans votre Art, et vous êtes aussi, vous le dites
vous-même, timide dans la vie. Vous dites que c'est presque un
handicap. Est-ce que votre Art a aussi été une
façon d'exorciser tout ça ?
Très certainement. Il y a timidité bien
évidemment,
mais il y a beaucoup de pudeur aussi. Même si la
scène
tout d'un coup vient fracasser tous les codes de la pudeur. Mais oui,
je suis quelqu'un de timide, réservée je
dirais...
voilà...
Parfois vous avez regretté que cette timidité ou
cette
réserve, cette discrétion donnent de vous l'image
de
quelqu'un de très distant ?
Non, parce que je pense qu'il y a une différence entre
distance
et réserve. Je ne suis pas quelqu'un de distant je pense
être quelqu'un capable de chaleur. Manitenant,
(hésitante)
voilà, là c'est la vraie timidité et
la pudeur,
pardon de me répéter...
En tout cas vos interviews sont, je le disais très rares.
Est-ce
que c'est parce que vous ne voulez pas non plus galvauder, diluer les
messages que vous avez à faire passer ?
Non. Là encore, parce que déjà les
interviews se
répètent énormément et je
sais que moi je
suis maladroite dans cet exercice d'une part, et puis j'ai du mal
à me raconter. Si je décide de me raconter c'est
à
travers mes chansons. Je peux lasser là encore avec cette
réponse, mais c'est ma vérité, ma
vérité. Je n'aime pas beaucoup parler de moi,
à vrai dire.
En tout cas votre parole étant rare elle est très
précieuse pour le public et pour nous. Merci beaucoup
Mylène Farmer d'avoir accepté de venir ce soir
nous
parler de ce nouvel album
Interstellaires qui est donc sorti
aujourd'hui. Merci infiniment.
Merci à vous.