La Nouvelle République
: Comment êtes-vous passée du
vidéo-clip au long-métrage ?
Mylène Farmer : Très naturellement. Le clip vous
apporte une vraie frustration d'actrice. J'avais envie
d'interpréter quelqu'un d'autre que moi-même.
J'étais déjà très
attirée par le cinéma avant même de me
lancer dans la chanson. On m'a proposé des rôles
mais je ne trouvais pas ce que je cherchais. J'avais le sentiment que
l'on cherchait à exploiter une image de moi-même
qui n'était pas celle que je voulais montrer.
Ce personnage de
Catherine, il est proche de vous ?
Tout à fait. Cette fragilité, cette
colère rentrée, cette sensation de
n'être pas comprise et d'avoir un comportement irrationnel et
différent, cette révolte contre la vie en
général, cette part d'enfance qui est en elle,
cette volonté de n'être pas passive, bref toute
cette difficulté de vivre, c'est un peu moi.
Quel bilan
tirez-vous de cette première expérience au
cinéma ?
L'envie de continuer à en faire le plus possible. La
scène, c'est peut-être ce qu'il y a de plus fort,
mais d'un point de vue ludique, le cinéma arrive en
tête. Pour tourner, j'ai arrêté la
chanson pendant deux ans. L'émotion que me procure le
contact avec le public, je ne pouvais pas la ressentir
éternellement. J'avais la volonté de
préserver un sentiment vrai, de ne pas tricher…
Comment vous
êtes-vous préparée pour
interpréter ce rôle ?
J'ai eu des entretiens bouleversants avec de véritables
malades mentaux. J'ai étudié leur comportement,
notamment cette gestuelle très particulière d'un
corps qui semble inerte alors qu'il y a une grande tension dans les
membres. J'ai rencontré également des
médecins psychiatres, bien entendu.
Avec le recul, que
préférez-vous : la chanson ou le
cinéma ?
Un disque est plus dur à porter. Dans la chanson, ce sont
vos mots, votre écriture, qui sont en jeu. Un film, lui, est
plus partagé par une équipe. Les mots que vous
dites ne vous appartiennent pas. Et puis, j'aime bien que quelqu'un
s'occupe de moi ! Actrice, je me laisse aller. Chanteuse, tout vient de
moi.
Laurent Boutonnat
est le seul metteur en scène avec lequel vous avez
travaillé jusqu'ici. Il n'y a pas d'autres noms qui vous
tentent ?
Si, beaucoup. David Lean, Jane Campion, Oliver Stone, Steven Spielberg,
David Lynch... Ce ne sont pas les rêves qui manquent !
La chanson vous
manque-t-elle par contre ?
Oui, et je vais y retourner... à moins d'une proposition
fulgurante dans le cinéma. Ma nature profonde ne me porte
pas particulièrement à soigner mon image
– même si le marketing a compté dans ma
carrière – mais vous savez, plus vous
êtes silencieuse, plus on vous reproche ce silence et plus on
vous attribue un comportement excentrique...