Mady Tran : Sur le
plateau de "Lazer" aujourd'hui est tombée comme par magie
une poussière de cendres de lune : j'ai avec moi
Mylène Farmer. Je suis très excitée
à l'idée de recevoir ce personnage, car c'est
vrai, dans la production actuelle en France c'est un personnage, c'est
une image tout à fait à part. Merci
Mylène d'être venue nous voir !
Mylène Farmer : Bonjour !
Mady Tran
: Je suis très contente de te recevoir, d'autant
que ce dernier 45 tours que tu es venue nous présenter nous
plaît. Alors j'espère que je vais le faire aimer
à tout le monde parce que ça, c'est un genre de
challenge qui me plaît et qui m'intéresse. Je
voudrais tout simplement pendant une heure et demie faire connaissance
avec toi et te proposer de la musique, et parler de toi pour tous ceux
qui nous regardent.
Mylène Farmer : D'accord !
Mady Tran
: D'où viens-tu, Mylène ?
Mylène Farmer : Je suis née à
Montréal, donc au Canada, et je vis en France depuis
l'âge de 9 ans. Que dire d'autre ? Je ne sais pas !
Mady Tran
: Ce que je voudrais, moi, dire, c'est rappeler un petit peu
les chansons qui nous ont marqués. Le premier 45 tours...
Mylène Farmer : Le premier 45 tours
s'intitulait Maman
a tort...
Mady Tran
: Et là vraiment, genre de flash, quand
même, pour nous tous car c'était très
particulier. On se demande toujours quand on te regarde
évoluer si c'est un vrai personnage sorti d'une
légende ou si c'est quelque chose que tu as eu envie de
fabriquer, d'élaborer au fil des années et de ton
travail.
Mylène Farmer : C'est vrai que ce mot de
"fabrication" est quelque chose qui me dérange, mais chacun
pense ce qui lui plaît, comme on dit. Non, c'est certainement
mon personnage qui est illustré par des chansons, par des
clips, par plein de choses.
Mady Tran
: Des clips qui marquent eux aussi, et on parlera un petit peu
plus tard de la projection que tu donnes de toi dans ces clips. On
parle de toi en terme de libertine, et c'est pas un doublon par rapport
à la chanson : c'est vrai qu'on y a pensé
dès le départ ! Maman a tort c'est
quoi, en fait ? C'est un SOS ? C'est un cri ? C'est quoi ?
Mylène Farmer : Maman
a tort, c'était une façon de parler
d'amours étranges qu'on peut avoir quand on est adolescente
ou adolescent, rencontrer une personne... Et c'est vrai que
là, c'était un domaine hospitalier avec une
infirmière, c'est une projection, comme ça, de la
mère. C'est un amour interdit qu'on peut avoir avec une
personnalité féminine, pourquoi pas.
Mady Tran
: Mais tout dans tes chansons suggère l'interdit,
mais d'une manière très magique.
Mylène Farmer : Tant mieux ! Mais j'aime les
interdits.
Mady Tran
: Alors, je voudrais qu'on reparle du deuxième 45
tours, qui là aussi...
Mylène Farmer : Qui était On est tous des
imbéciles.
Mady Tran
: On est tous
des imbéciles,
et là c'est déjà beaucoup plus
agressif dans le titre.
Mylène Farmer : Je sais pas si c'est
réellement agressif... C'est certainement provocateur. Et
moi j'aime bien mettre en exergue cette phrase qui disait : "On est
tous des imbéciles, mais ce qui nous sauve c'est le style".
Et je pense que c'est vrai ! (rires)
Mady Tran
: C'est pas dénué d'humour, de toute
façon !
Mylène Farmer : Non, de toute façon.
Mady Tran
: Alors, tu es venue nous présenter ce 45 tours,
mais avec aussi un clip fabuleux. J'aimerais que tu nous racontes,
après la chanson, le tournage. Régalez-vous :
plus de onze minutes de rêve et de magie ! Mylène
Farmer, Tristana.
Le clip Tristana
est diffusé en intégralité y compris
le générique de fin.
Mady Tran
: Difficile de faire mieux dans la beauté et dans
la magie ! Il suffit de la regarder pendant que nous
découvrions ce clip – parce que je crois
qu'à chaque fois que vous le verrez, vous le
redécouvrirez, c'est du vrai scope – et pendant qu'on regardait ce
clip, Mylène avait la tête penchée. On
a l'impression que c'est quelque part un peu comme le message de Prince
– Dieu sait s'il y a pas vraiment de corrélation
entre vous deux ! – que quelque part tu livres
quelque chose et que ça ne t'appartient plus et que c'est
aux autres de le recevoir. Je suis très, très
émue devant ce clip ! Mylène
Farmer : Je le suis aussi !
C'est-à-dire que moi, c'est toujours le
générique aussi, de prendre le parti de passer le
générique... Le générique
lui-même, c'est tellement une histoire ! C'est la
concentration de tout un tournage. Et je trouve très beau un
générique en cinémascope !
Mady Tran
: C'est magique, tout à fait. Il y a plein de
choses à souligner dans ce clip. La première
chose qui m'a frappée, hormis la beauté et hormis
la merveilleuse lumière, c'est la dédicace : "A
Papa". Elle vient de toi ou elle vient du réalisateur ? Mylène
Farmer : Non, je pense qu'elle ne peut venir
que de moi !
Mady Tran
: Bien sûr. Mylène
Farmer : Je préfère
taire les circonstances parce que là, j'ai beaucoup de
pudeur à cet égard. C'est vrai que de mettre
ça sur un écran, "A Papa", c'est un paradoxe mais
j'avais envie de le faire.
Mady Tran
: Mais le personnage est bourré de paradoxes. Il
suffisait simplement de souligner cette dédicace et
ça suffit, je crois. Alors le tournage : est-ce que c'est
toi qui parles en russe, d'abord ? Mylène
Farmer : C'est moi qui parle en russe. J'ai
appris le russe en seconde langue, donc, à
l'école. J'en ai oublié quasiment la
totalité, si ce n'est les bases : j'arrive à
relire le russe, donc l'alphabet. Et donc c'était un...
comment dire ?
Mady Tran
: Retour aux sources ? Mylène
Farmer : Un peu un retour aux sources.
J'adore cette langue, j'aime ce pays et c'était une
façon, comme ça, de rendre hommage à
ce pays et de retrouver des personnages qui sont réellement
russes dans ce clip.
Mady Tran
: Alors, vu le titre de la chanson, j'ai pensé bien
évidemment... Mylène
Farmer : A Buñuel ? (Le film Tristana avec
Catherine Deneuve sorti en 1970, NDLR) (rires)
Mady Tran : ... au
film de Buñuel. Mylène
Farmer : Que je n'ai pas vu, je rassure tout
le monde ! (rires)
Mady Tran
: Mais je suis sûre qu'il te plaira car il y a
vraiment tout, quoi, je veux dire, toute la palette des sentiments... Mylène
Farmer : C'est vrai que Tristana est plus un
nom espagnol et moi quand je pensais Tristana, je pensais russe, mais
en fait il faudrait dire "Tristania" ! Donc c'est un petit peu plus
complexe à retenir.
Mady Tran
: Alors je te rassure : Deneuve y est perverse à
souhait et vachement séduisante ! (rires) Donc, je pensais
à ce film et je découvre en regardant ce clip que
c'est davantage plus proche du conte de fées, avec tout ce
que ça peut avoir de cruel. Mylène
Farmer : C'est ça, c'est un doux
mélange. C'est Blanche-Neige
et les sept nains transposé en Russie, avec de
la violence, avec un romantisme poussé à
l'extrême. C'est tout ce que j'aime.
Mady Tran
: Et des paysages d'une région de France qui est le
Vercors... Mylène
Farmer : Que vous connaissez, je crois !
Mady Tran : Que je
connais bien ! Mylène
Farmer : Que moi je connaissais absolument
pas. C'est vrai que j'ai découvert des paysages magnifiques
! On a eu beaucoup de neige, alors que partout ailleurs la neige avait
fondu et ça, il y a de ça un mois, et
c'était prodigieux comme tournage.
Mady Tran
: Alors tu nous donnes beaucoup de joie avec cette chanson et
ce clip et ça, je crois qu'il faut le dire car c'est pas
toujours le cas, et je t'en donne en retour avec cette chanson de U2. (...) Diffusion du clip de
U2, With
or without you.
(...)
Mady Tran
: Je me tourne vers mon invitée d'aujourd'hui,
Mylène Farmer, qui est venue nous présenter son
45 tours Tristana, et j'ai envie de aire un petit
retour en arrière encore une fois avec Libertine. Alors, tous les clips de
Mylène Farmer sont très particuliers, il y a une
ambiance, il y a un climat. Ils sont même pour certains
osés, pour d'autres intéressants. Quelle a
été la réaction des gens par rapport
au fait que d'une part tu te dénudes dans tes clips, et toi
comment tu le vis, ça ? Est-ce qu'il y a une raison de se
dénuder dans un clip ? Mylène
Farmer : Il y a une raison à partir du
moment où c'est quelque chose que le réalisateur
et moi-même avons déterminé. En
l'occurrence, c'était dans une histoire avec des libertins,
un salon libertin, une histoire romantique, une rivale, un amoureux,
une amante donc...
Mady Tran : Un duel
! Mylène
Farmer : Un duel. C'était un
moment qu'on avait envie de privilégier. Que moi,
ça me dérange d'être nue à
l'écran, je l'ai fait dans ce clip parce que
c'était une volonté. Jamais je n'irai me mettre
nue ni dans un journal, ni ailleurs. C'est quelque chose qu'on
décide.
Mady Tran
: Et qu'on ressent. Mylène
Farmer : Certainement. C'est difficile,
c'est vrai, de se mettre nue à l'écran mais pas
plus difficile finalement que de venir faire un interview !
Mady Tran
: Est-ce que tu te sens à l'aise dans cette
époque-ci ? Mylène
Farmer : 87 ?
Mady Tran
: Oui, les années 80, l'an 2000 qui arrive... Mylène
Farmer : J'avoue que je ne sais pas si je
suis à l'aise ou mal à l'aise. Je crois qu'il y a
des hauts et qu'il y a des bas, mais dans n'importe quelle
époque.
Mady Tran
: Et ce métier d'artiste, est-ce que
c'était ça ou rien, ou est-ce qu'il y avait
d'autres tentations dans la vie, à savoir la
création dans le stylisme ou dans la mode ? Mylène
Farmer : Non. Je crois que ma vraie
naissance c'était le jour où j'ai
enregistré Maman
a tort. C'est le jour où j'ai
rencontré cette personne qui est Laurent Boutonnat, qui est
donc également le réalisateur de ces clips, qui
est également compositeur. C'est le jour où j'ai
pu naître, oui, c'était une naissance.
Mady Tran
: Alors, on parlera plus avant de ton équipe, parce
que je sais que tu es quelqu'un qui fonctionne en équipe,
malgré que tu aies l'air comme ça très
solitaire et très mystérieuse. (…)
Diffusion du
clip Demain
c'est toi de François Feldman.
(...)
Mady Tran
: Aujourd'hui sur le plateau de "Lazer", c'est
Mylène Farmer, énigmatique et très
mystérieuse. C'est difficile d'essayer de cerner un
personnage sans le déflorer, mais on va quand même
essayer de le faire parce que je crois que ce qui fait tout
l'intérêt du tien personnage, de ton personnage,
c'est justement ce côté mystérieux.
Alors, bon on en est resté au tournage de tes clips, qui
passent pas inaperçus, et je voudrais savoir comment tu vis
ton quotidien dans ce métier. Est-ce qu'il est difficile
d'évoluer dans la production française
aujourd'hui en ayant une telle personnalité et en
étant quelque part tellement typée que
ça t'isole probablement du système ? Mylène
Farmer : Oui, mais je crois que c'est un
isolement qu'on s'impose un peu. Je veux dire, je ne suis pas
réellement tout ça. C'est vrai que quelquefois je
ressens un divorce énorme d'avec cette famille soi-disant du
show-business, que quelquefois je suis profondément
déçue de l'attitude de ces personnes qui font le
show-business, que cette famille a essayé d'installer une
dite loi et que eux-mêmes ne respectent pas cette loi. Et
ça, c'est quelque chose, c'est un manque
d'intégrité, c'est peut-être la chose
qui me choque le plus. Maintenant, depuis Maman a tort, je
fais à peu près ce que je veux, je crois, avec le
plus de passion possible et de plaisir. Quelquefois, on se heurte
à des murs mais ça ne m'empêche pas moi
de continuer et d'aimer ça, et c'est le principal je crois.
Diffusion du
clip Carrie
de Europe.
Mady Tran
: Voilà. Mylène est avec moi sur le
plateau de "Lazer" sur M6, Mylène Farmer. On parlait tout
à l'heure de ce métier et je voudrais moi
développer cette notion d'équipe qui semble
t'être chère, quand même. Tu travailles
avec beaucoup de monde ? Mylène
Farmer : Non, très peu, avec
essentiellement Laurent Boutonnat. J'ai une personne qui est avec moi
depuis pratiquement le début, la fin de Maman a tort, qui
est Bertrand Le Page, qui fait office de manager, qui a un statut plus
important. Et puis une attachée de presse qui travaille avec
moi, qui est Danyèle Fouché.
Mady Tran
: Qui est là ! Mylène
Farmer : Et puis bien sûr la
maison de disques. Mais j'ai réellement trois personnes
à côté de moi.
Mady Tran
: Et ce sont des gens qui ont compris les
subtilités de ton personnage et qui t'ont aidée
à l'enrichir ou tu es complètement responsable de
tes choix ? Mylène
Farmer : Responsable, je sais pas ! Cette
rencontre avec Laurent, moi je la qualifie du domaine de
l'exceptionnel, c'est-à-dire les rencontres qu'on a
très peu dans sa vie, qu'on doit privilégier.
C'est vrai que cette rencontre avec Laurent, c'était
extraordinaire pour moi parce que c'est quelqu'un qui a
énormément de talent dans beaucoup de domaines,
qui a des choses qui l'attirent qui moi m'attirent, des choses qu'on a
en commun. Et c'est vrai que c'est fascinant de trouver un personnage
comme ça. Voilà, donc Mylène Farmer
c'est un peu de moi, c'est certainement un peu de Laurent Boutonnat,
c'est beaucoup de choses.
Mady Tran
: Tu penses que dans ce métier il est indispensable
qu'il y ait une osmose entre un auteur, une interprète, un
musicien ? Mylène
Farmer : Pour la
longévité, oui, je crois. C'est-à-dire
pour un léger équilibre qu'on peut avoir, parce
que c'est difficile de l'avoir, c'est fondamental, oui, pour moi.
Mady Tran
: Est-ce qu'on peut fonctionner longtemps avec la
même personne, toujours dans un cadre très
professionnel ? Mylène
Farmer : Ça, c'est des choses qu'on ne
peut pas dire. Je ne sais pas.
Diffusion du
clip Les
envahisseurs de Arnold Turboust.
(...)
Mady Tran
: Aujourd'hui j'ai une sorte de personnage magique sur le
plateau de "Lazer". J'aime bien appuyer sur cette notion... Mylène
Farmer : C'est gentil ! (rires)
Mady Tran : Car
c'est comme ça que je te reçois, et
peut-être que les autres te reçoivent
différemment, et donc, pour reprendre cette image de toi qui
est presque irréelle et venue d'une autre époque,
de par le look, de par les couleurs et la gestuelle aussi,
ça on oublie trop souvent d'en parler ! C'est vrai que quand
on te regarde à la télévision, y a des
gestes, y a une manière de bouger et de se mouvoir qui est
tout à fait particulière. Alors Mylène
Farmer, elle fait son marché comment le matin ? En jogging
baskets ou en queue de pie ? (rires) Mylène
Farmer : Elle fait rarement son
marché ! (rires)
Mady Tran
: Tu manges comment ? Mylène
Farmer : Je mange n'importe quoi, je n'aime
que le sucré ! J'ai très peu de goût
culinaire, malheureusement.
Mady Tran
: Tes goûts sont exotiques dans tous les domaines ? Mylène
Farmer : Je ne sais pas si on peut qualifier
ça d'exotique, mais ils sont certainement
étranges, oui ! (rires)
Mady Tran
: Tes références - on ne va pas citer le
mot de "culture" parce que c'est très souvent
galvaudé - tes références en
matière de cinéma, de littérature :
tout ce qui fait tes clichés à toi, c'est quoi ? Mylène
Farmer : Je cite toujours un auteur, mais
parce que je l'aime réellement, ce serait presque un livre
de chevet, c'est Edgar Poe. J'aime le fantastique, j'aime l'imaginaire,
j'aime l'étrange, le morbide. J'aime bien Maupassant... En
ce moment, je lis plutôt du Strindberg, que j'avais
effleuré, mais côté
théâtre. Là, je lis plutôt
les nouvelles. Mais il y a énormément
d'auteurs dont je ne connais pas d'ailleurs la totalité de
leur œuvre.
Mady Tran
: Et dans le cinéma ? Mylène
Farmer : Dans le cinéma, il y a
un film que j'ai vu récemment, mais j'ai surtout lu le
livre, qui est donc Dracula
et qui est un livre fantastique et qui n'a jamais
été porté à
l'écran de la même façon, avec autant
de talent que l'écriture elle-même. Sinon le
cinéma, j'aime beaucoup Roman Polanski,
spécifiquement Le
locataire, j'aime bien Tess. J'aime bien
Zulawski, Kubrick...
Mady Tran
: Des gens qui sont... Mylène
Farmer : J'aime beaucoup le
cinéma russe, également, Tarkovski. J'aime bien
Bergman...
Diffusion du
clip Nothing's
gonna stop us now de Starship.
(...)
Mady Tran : Sur les
plateaux de télévision, il y a des gens qui
travaillent, il y a des gens qui participent à
l'élaboration, à la réalisation d'une
émission et puis de temps en temps, on voit des visages
inconnus. C'est le cas aujourd'hui sur ce plateau de "Lazer" et sur M6
: il y a quelqu'un qui suit Mylène Farmer partout
où elle se déplace, et je crois que je ne
dévoile pas un secret en disant qu'il y a une jeune fille
qui te suit, qui t'aime... Mylène
Farmer : Oui, je viens de l'apercevoir ! Je
crois que chaque artiste a une ou deux personnes, c'est vrai, qui
suivent quotidiennement sa carrière, ses prestations de
télévision. Et c'est vrai que cette jeune fille
qui s'appelle donc Nathalie, pour lui donner une identité,
est une personne qui me suit depuis le début et qui est
très, très opiniâtre !
Mady Tran
: Au-delà de ça, au-delà de
l'affection et de l'admiration que peuvent porter des gens à
un artiste, est-ce que de n'avoir qu'une fan, qu'une admiratrice qui
vous suit partout, je trouve ça très,
très étrange mais est-ce que c'est une sorte de
miroir pour vous ? Est-ce que c'est réflecteur de quelque
chose ? Est-ce que vous en avez besoin ? Je dis "vous" parce que je
pense qu'il y a d'autres gens comme toi qui ont une admiratrice ou un
admirateur qui les suit. Mylène
Farmer : Besoin, je ne sais pas. C'est
quelque chose, moi, qui m'émeut, mais également
qui, je dirais pas qui m'étonne, mais c'est un peu une
interrogation que j'ai par rapport à ce genre de personnes.
C'est vrai que c'est assez étonnant cette
assiduité, cet amour comme ça que vous recevez,
mais c'est vrai qu'un artiste a besoin de ça, que ce soit
l'artiste de variété, que ce soit dans le
cinéma, tous les artistes.
Mady Tran
: A propos Mylène, tu te situes où dans
la musique, aujourd'hui ? On parle de rock, on parle de new-wave, on
parle de musique pop, on parle de... Mylène
Farmer : J'en sais rien. J'ai du mal
moi-même à mettre des étiquettes et des
références. Je ne sais pas. C'est de la chanson
française ! (sourire)
Mady Tran
: Est-ce que tu situes ton public ? Est-ce que tu sais qui
t'aime, qui achète tes disques et qui te suit ? Mylène
Farmer : Je crois que c'est probablement la
chose la plus difficile à définir. Quand on voit
ce fameux Top 50, qui est cette Bible et qui va vous donner un peu la
couleur du public, des envies du public, c'est quelque chose qui est
quasiment impossible, si ce n'est par le courrier : ça c'est
quelque chose que j'arrive un peu à déterminer,
et j'ai du courrier qui est assez fantastique, des personnes qui sont
très, très souvent un peu
désespérées, qui ont besoin de
communiquer, comme toutes les personnes qui écrivent, mais
qui disent des choses assez profondes et assez troublantes.
Une nouvelle pause
musicale avec le clip Coûte
que
coûte de Gangster d'amour.
(...)
Mady Tran
: On parlait de diversité dans la musique en
France, aujourd'hui. Alors c'est vrai qu'il y a un retour par exemple
aux années 60 avec des reprises, il y a aussi les artistes
qui se fabriquent un personnage à partir d'autres
personnages connus de la BD, comme Lio ou même Gangster
d'amour. Toi, on a l'impression que tu n'imites rien ! Je veux dire, tu
proposes quelque chose de tout à fait original. Mylène
Farmer : J'espère ! C'est vrai
que je n'aime pas l'imitation, que je préfère
être une personne à part entière, une
personnalité à part entière.
Mady Tran
: Tu disais aussi que tu savais pas mettre
d'étiquette sur la musique que tu proposes et ce que tu
crées... Mylène
Farmer : Non, parce que je pense que c'est
pas très intéressant. Une fois de plus, le
principal c'est de faire ce qu'on aime.
Mady Tran
: Et pourtant avec Maman a tort,
ça a été quand même un
démarrage bien évident. A quel moment on sent
qu'on touche les gens et que ça marche ? Mylène
Farmer : Je crois qu'on a besoin d'un... ce
qu'on appelle le succès commercial, pour avoir ce qu'on
appelle un peu le coup de pouce parce que c'est vrai que quand j'ai
eu Maman a tort, On est tous des
imbéciles ensuite Plus Grandir, que
j'ai eu ce gain de popularité sur Libertine et...
Mady Tran
: Mais si tu avais commencé par Libertine, est-ce que tu penses que les
choses auraient été aussi évidentes ? Mylène
Farmer : Je pense que c'est fatalement
différent puisqu'on ne vit pas les mêmes choses au
même moment. Maintenant, si je puis dire, dans la colonne
vertébrale c'est la même chose !
Mady Tran
: Et dans l'album que tu vas préparer cet
été, est-ce qu'il y aura des choses
très différentes et surprenantes ? Mylène
Farmer : J'espère
différentes, mais ça sera de la même
veine donc c'est forcément un peu le même univers.
Maintenant, c'est à moi et à Laurent de trouver
chaque fois des choses nouvelles et j'espère
étonnantes.
Diffusion du
clip Everything
I own de Boy George.
(...)
Mady Tran
: (elle évoque les problèmes de Boy
George avec la drogue, NDLR) Est-ce que tu es d'accord pour qu'on
étale comme ça les problèmes des gens
et que les gens viennent eux-mêmes témoigner sur
leurs problèmes en télévision ou en
radio ? Mylène
Farmer : Lui, en prenant son exemple, c'est
devenu un phénomène médiatique. Son
actualité, c'était ses faux-pas vers la drogue
donc je pense qu'il y a un moment donné où oui,
il faut être présent et puis parler, s'expliquer.
Mais d'ordinaire, je préfère c'est vrai qu'on se
taise et qu'on dise le moins de choses possibles sur soi, parce que je
pense que le silence est quelque chose de bien.
Mady Tran
: Parce que quand même, on est en 87, y a plus rien
qui ne soit inavouable et on a l'impression qu'il suffit d'un
problème de drogue autour d'une star, on a l'impression que
l'opinion publique est restée finalement très
puritaine, parce qu'aussi on se souvient des Who... Mylène
Farmer : Nous sommes dans un pays puritain,
mais je crois que l'Angleterre est un pays excessivement puritain
également.
Mady Tran
: Parce que le problème de drogue ou de sexe dans
le rock, c'est pas nouveau ! Et ça n'a jamais
empêché les gens d'êtres des stars et
d'être des... Mylène
Farmer : C'est parce que la drogue c'est
quelque chose qui fait très, très peur et qui est
aussi assez terrifiant. Je crois qu'il ne faut pas occulter ces
sujets-là. Ce ne sont pas des sujets tabous mais ce sont des
sujets qui effraient, je crois, la masse populaire.
Diffusion du clip Duel
au soleil d'Etienne Daho.
(...)
Mady Tran
: Mylène, je suis très, très
contente de t'avoir reçue sur ce plateau de "Lazer".
J'espère simplement qu'on a amené quelque chose
de supplémentaire au personnage sans l'avoir
défloré, sans avoir touché
à son secret, à son mystère. Mylène
Farmer : Non, aucun problème !
C'était un réel plaisir aussi !
Mady Tran
: Tu fais beaucoup de promotion, beaucoup d'interviews de
radio, de télévision... Mylène
Farmer : Non, peu d'interviews ! Et le
maximum, oui, de promotion, des prestations
télévisées. Pratiquement pas de galas,
parce que j'en ai fait sur Libertine
et puis chaque chose en son temps !
Mady Tran
: Et peut-être un projet de scène
à Paris un jour ? Mylène
Farmer : Nous en aurons un.
Mady Tran
: Et je suis sûre qu'on aura un climat et un
décor très particuliers ! Mylène
Farmer : Si Laurent Boutonnat reste avec
moi, certainement ! (sourire)
Mady Tran
: Je crois qu'il en meurt d'envie, entre nous ! Merci,
Mylène ! Mylène
Farmer : Merci à vous.
Source
retranscription : Inside Of - Référentiel des
télés - Editions Why Not.