Le Guide Méridional :
Le cinéma, Mylène y pensait bien avant la chanson
: Mylène
Farmer : Notre rencontre avec Laurent est née d'un
même désir : faire du cinéma. Pourtant,
nous avons existé tous les deux grâce à
la chanson : un cadeau que l'a vie m'a fait, même si cela n'a
pas toujours été facile. Aujourd'hui,
le cinéma est une expérience que je souhaite
renouveler, même s'il est difficile de rencontrer une
émotion plus forte que celle que l'on ressent sur
scène. Sans prétention aucune, je suis venue
très naturellement du clip au cinéma. Il y a une
"frustration d'actrice" lorsque l'on tourne un clip, car on n'y parle
pas. Aussi, interpréter à l'écran
quelqu'un d'autre, quelqu'un qui n'est pas moi, était
très intéressant. Ses premières
impressions à la lecture du scénario : Le
sujet de Giorgino
m'a séduit par son étrangeté et son
originalité. Quant au personnage de Catherine, j'ai senti
que je pouvais y mettre beaucoup d'émotions. Si Laurent a
puisé certaines choses de ma personnalité pour
l'écriture du personnage, je ne suis pas Catherine qui est
une femme enfant mystérieuse, différente des
autres, et qui paiera cette différence. Moi,
ce qui m'a émue avant tout, c'est sa fragilité en
même temps que son innocence et sa violence
intérieure. J'aime son côté
émotionnel et déchirant. C'est l'enfant qui est
en Catherine, avec sa naïveté, sa pureté
et sa colère, que je retrouve en moi. Une colère
rentrée, assez violente, contre l'injustice et surtout la
difficulté de vivre. Pour lutter contre cette
colère, l'amour est un pansement : le pansement
idéal à la colère. Sa préparation pour le
rôle de Catherine : J'ai
pu assister ainsi à quelques entretiens entre ce que l'on
appelle des "malades" et leurs docteurs. J'ai
écouté, puis regardé la gestuelle
"particulière" de ces personnes très
habitées, angoissées et, pour la plupart, sous
médicaments. Vous
dire que je m'en suis servie pour Catherine, je ne sais pas vraiment.
Auparavant, je m'étais intéressée aux
enfants autistes. Pour essayer de comprendre, de percer les
mystères de ce silence et de ce repliement sur soi. J'ai la
sensation d'être proche de ces enfants autistes, au
comportement tellement intrigant et dont leur retrait du monde est
inexplicable. Une communion dans le silence avec ces gens-là
me semble plus enrichissante parfois qu'une conversation ! Avant Giorgino, d'autres propositions de films : J'aurais
pu, c'est vrai, débuter au cinéma avec quelqu'un
d'autre que Laurent Boutonnat. J'aime d'ailleurs beaucoup de
réalisateurs. David Lean est mon
préféré. Si La leçon de piano
est un chef-d'œuvre, les premiers films de Jane Campion sont
eux aussi magnifiques. J'adore
également Bergman, Oliver Stone et Spielberg bien
sûr, à l'exception de Jurassic Park qui
ne m'a pas beaucoup touchée. Tous leurs films, je vais les
voir en salle, car la télévision
dénature le cinéma. Son implication dans le film : (Je
l'ai plutôt mal vécue), uniquement à
cause de cette sensation d'abandon en ce qui concerne la chanson - un
abandon qui dure depuis deux ans - mais à cause aussi de la
peur des retrouvailles. Cela dit, les retrouvailles,
j'espère que ce sera pour bientôt.
Jusqu'à ce que le réalisateur Boutonnat
délaisse ses caméras pour se remettre
à son piano ! Sa conception du
métier de chanteur : J'ai
fait peu de disques, peu de scène, et je continuerai dans ce
sens-là. Parce que c'est fondamental pour moi.
L'émotion que j'ai rencontrée au travers de la
scène est une émotion que je ne pourrai
rencontrer éternellement. Aussi, je ferai
peut-être encore une scène, et puis
j'arrêterai. Au
cinéma, c'est la même chose : je ne ferai jamais
trop de films. Tout cela est conflictuel. Ou peut-être est-ce
simplement parce que j'ai envie de me préserver.
Préserver un sentiment, et ne jamais avoir l'impression de
tricher. Si j'avais un jour le sentiment de tricher, cela tuerait ma
vie d'artiste. Les interviews : Ce
n'est pas un plaisir pour moi. Plutôt
agréable, en effet. (le journaliste lui ayant fait remarquer
que l'entretien se déroule plutôt bien, ndlr) Mais
dire que je fais cela spontanément,
détrompez-vous ! Les photos : La
photographie n'est pas non plus un moyen d'expression facile pour moi.
Ainsi, lorsque le contrôle de certaines choses
m'échappe, je les refuse ! Si des photos sont faites,
j'estime avoir le droit de les choisir. Je peux aussi choisir mes
photographes. Malgré tout, il y a aussi beaucoup de choses
qui se disent sur moi, et qui n'existent pas. Laurent Boutonnat : (Son
univers est) un monde troublé, troublant, et plein de
poésie. Si je suis attirée par les relations et
les sentiments difficiles, et si j'aime tout ce qui porte au
rêve, Laurent et moi sommes instinctivement
attirés par les contes cruels, par l'irrationnel, et tous
deux, nous refusons le monde des adultes. Les principales
qualités de Laurent Boutonnat : Sa
démesure, sa maîtrise, sa perception du sentiment,
et sa facilité à exprimer les troubles que l'on a
en soi. Ce qu'elle attend du film : J'espère
sincèrement que le film rencontrera un public, et que dans
un deuxième temps il m'apportera d'autres rôles.
Si le film ne marche pas, je le ressentirai comme un échec
personnel, même si je n'en suis pas entièrement
responsable.