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Mylène Farmer - Interview - Le Havre Presse - 18 octobre 1994



  • Date
    18 octobre 1994
  • Média / Presse
    Le Havre Presse
  • Interview par
    Gilles Glevarec
  • Fichier
    Mylène Farmer Presse - Le Havre Presse - 18 octobre 1994
  • Catégories interviews



Le Havre Presse : Qu'est-ce qui vous a séduit dans le scénario de Laurent, et tout particulièrement dans le rôle de Catherine que vous interprétez ?
Mylène Farmer : L'histoire de ce jeune médecin démobilisé un mois avant l'armistice de 1918 qui, enquêtant sur la mort suspecte d'enfants dits "retardés", va rencontrer l'amour en la personne de cette jeune fille solitaire, réfugiée dans l'enfance et d'une fragilité psychique que certains n'hésitent pas à qualifier de folie, est un sujet qui m'a immédiatement attirée par son étrangeté et son originalité. Quant au personnage lui-même, j'ai tout de suite senti qu'il pourrait me permettre de faire passer beaucoup d'émotions, car Laurent y avait indiscutablement intégré plusieurs facettes de ma personnalité.


Qui est-elle vraiment, cette femme-enfant mystérieuse que les gens disent folle ?
Catherine est assurément différente des autres et elle paiera cette différence, surtout en raison du conformisme du microcosme que constitue ce petit village de montagne où elle vit.
Je crois que c'est avant tout sa fragilité qui m'a émue. Par ailleurs, j'aime beaucoup les aspects enfantins de son comportement que sont l'innocence et la violence intérieure. Les enfants ont ça en eux : naïveté, pureté et colère. En fait, je suis très sensible à son incapacité, malgré son âge, à s'intégrer au monde des adultes.


Vous interprétez ce personnage, que l'on perçoit errer parfois aux limites de la folie d'une façon très mesurée. Vos gestes et vos regards sont certes intenses mais ne versent jamais dans le registre expressionniste. Est-ce une volonté imposée par Laurent Boutonnat, ou la façon dont vous teniez absolument à incarner Catherine ?
Me connaissant très intimement (sourire), Laurent savait que c'était de cette façon que j'aurais les meilleures chances de m'investir totalement dans le personnage. Donc, quand je lui ai suggéré cette approche, il a immédiatement accepté. En fait, je préfère les paroles murmurées aux mots criés, je n'aime pas imposer, je préfère proposer. Cela vient d'une pudeur et d'une timidité qui font partie de moi. C'est ma personnalité profonde et sans doute que mon jeu s'en ressent.
Par ailleurs, dans cet univers qui un peu celui du conte, où il y a un constant va-et-vient entre le réel et l'irréel, la compréhension du personnage ne devait bien sûr pas, pour ménager un maximum d'ambiguïté, être trop évidente.


Vous venez d'insister sur votre timidité et votre pudeur. Ne pensez vous pas que cette confidence peut paraître pour le moins sujette à caution, quand on sait que vous montez des spectacles durant lesquels vous devez nécessairement éprouver un immense plaisir à vous exposer aux regards de milliers de spectateurs ?
C'est vrai que cela peut paraître paradoxal. Mais, en ce qui me concerne, il s'agit sans doute d'un plaisir masochiste, car j'éprouve tout à la fois un désir névrotique à m'exhiber sous les sunlights et une folle envie de me cacher. Je bascule constamment entre ce désir et ce refus et, quand je fais de la scène, il est vrai que je suis angoissée par la perspective du rendez-vous avec le public. Mais, d'un autre côté j'en ai besoin pour vivre car je préfère les choses brûlantes, même dangereuses, aux choses tièdes.


On le sait, vous manifestez depuis longtemps de l'intérêt pour le cinéma. Mais, quels sont les films et les cinéastes qui ont le plus fortement marqué votre imaginaire ?
Côté films, le premier est indiscutablement M. le Maudit de Fritz Lang. Plus récemment, je citerais Witness de Peter Weir que je trouve en tous points parfait, et La leçon de piano de Jane Campion que je n'hésite pas à qualifier de chef-d'œuvre. Pour ce qui est des réalisateurs, il y en a beaucoup, mais ceux qui me viennent spontanément à l'esprit sont David Lean, notamment pour La fille de Ryan, Ingmar Bergman, David Lynch, Steven Spielberg et Oliver Stone.
En fait, j'aime les projets ambitieux, les metteurs en scène qui ont une démesure, une folie, comme celui que j'ai gardé pour la bonne bouche, c'est-à-dire Stanley Kubrick.


Pour conclure, pouvez-vous nous parler de votre prochain projet ?
Sans doute un album. Ou alors un nouveau film. Mais franchement, après ces longs mois de préparation et de tournage, au demeurant totalement passionnants, j'aimerais chanter de nouveau et refaire de la scène. Mais, pour cela, il faut attendre que le réalisateur veuille bien délaisser sa caméra pour que le compositeur puisse retourner à son piano !

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