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Mylène Farmer - Interview - Le Parisien - 05 octobre 1994



  • Date
    05 octobre 1994
  • Média / Presse
    Le Parisien / Aujourd'hui en France
  • Interview par
    Alain Houstraete-Morel
  • Fichier
    Mylène Farmer Presse Le Parisien 05 octobre 1994
  • Catégories interviews



Interview également publiée dans l'hebdomadaire "Ciné Télé Revue" le 13 octobre 1994 (N°41) avec deux questions supplémentaires.


Le Parisien :  Le cinéma, vous y songiez depuis longtemps ?
Mylène Farmer : Je souhaitais en faire depuis que je suis sortie de mes cours de théâtre. Laurent, lui, avait signé son premier long métrage à dix-sept ans. Pourtant, quand on s'est connus, il m'a d'abord proposé une chanson et tout s'est enchaîné. Mais, en filigrane, avec les clips en guise d'"expressive" patience, on préparait déjà cette aventure.


Petite fille, quel genre de film vous attirait ?
Le fameux Bambi... incontournable ! Plus tard, M. le Maudit m'a fascinée.


Giorgino évoque l'univers psychiatrique. On dit que vous l'avez côtoyé ?
C'est un univers qui m'intéresse et m'attire. Il y a dans le personnage de Catherine une part d'irréalité qui m'a servi de prétexte à mon envie d'en savoir plus. J'ai pu être accueillie une matinée dans un service spécialisé et je me suis ensuite inspirée de ces personnes dites malades.


L'ambiguïté est-elle pour vous une sorte de besoin ?
Une inclination naturelle, vous voulez dire ?... Je ne sais pas ! Je la constate, mais je ne la cultive pas. Je m'en nourris. C'est sans doute une façon involontaire d'alimenter la chose. J'aime, en tout cas, ce qui touche au mystère... Et donc ce film !


Son côté conte cruel, ses atmosphères inquiétantes, chères aussi à vos clips, cela excite vos peurs ou votre plaisir ?
Je ne peux nier qu'il y ait une notion de plaisir. La peur, pour moi, c'est une façon de rester vivante. Dans un monde plus qu'anesthésiant, c'est donc assez jouissif.


Que vous reste-t-il de vos peurs de jeunesse ?
J'ai toujours du mal à me souvenir de mon enfance. Ce qui est sûr, c'est que le noir me fait peur. Il provoque d'ailleurs chez moi un réflexe totalement idiot : je ferme les yeux ! (rire) Je souffre aussi du fameux vertige du dessous de lit... Le "qu'y a-t-il dans ce grand trou vide" ?


Faire vos débuts d'actrice sous la direction de votre quasi-alter ego, Laurent Boutonnat, était-ce rassurant ?
Savoir que la caméra qui vous filme vous aime bien, qu'elle veut le meilleur pour vous, est forcément sécurisant, même si l'extrême connivence génère aussi quelques problèmes.


Dans ce film, on vous voit rire une fois... Vous en êtes donc capable ?
La preuve est faite ! (sourire) Bien sûr que le rire existe dans ma vie. J'ai même gardé en moi mon rire de petite fille. Les années l'ont juste saupoudré d'un brin de cynisme et transformé, peu à peu, en... ricanement.


Vous restez, par contre, très pudique... Est-il tout de même vrai que quand vous vous dénudez c'est "pour mieux vous aimer" ?
On peut, je le crois, s'aimer un peu plus à travers le regard positif des autres.


Sans être nue, mais avec une gouttelette sur les lèvres ou encore le pouce dans la bouche, vous avez l'art de provoquer... Est-ce que troubler vous trouble ?
Certainement. Mieux vaut être désirée que son contraire, non ? Mais cela reste un jeu. Sûrement pas une profession de foi.


A l'écran, vous campez parfaitement l'ivresse, celle de l'éther comme celle de l'alcool. L'excès est-il votre ami ? (question publiée uniquement dans "Ciné Télé Revue", ndlr)
J'aime l'excès comme j'aime la démesure. Ils sont indispensables à ma vie. J'aime la fêlure de ceux qui boivent ainsi qu'une certaine approche de l'état primitif, animal. Être éméché, c'est souvent se débarrasser d'une mauvais peau qui empèse. Bien sûr, je me méfie de la destruction, des limites à ne pas franchir et de l'irrespect de soi. Mais je revendique le droit à la frénésie.


Amie de Luc Besson, vous avez un singe qui s'appelle Léon. Y a-t-il un secret là-dessous ? (référence au film de Luc Besson, Léon sorti également en 1994, ndlr)
Non. C'est juste le hasard. J'ai aussi un singe qui se nomme E.T. et je ne connais pas Spielberg ! (rire)


Pourquoi vivez-vous la plupart du temps aux Etats-Unis ?
J'apprécie la sensation de surdimension qu'on éprouve là-bas. Et puis j'ai souvent besoin d'anonymat.


Habituellement, vous êtes silencieuse. Or, pour Giorgino, vous avez accepté quelques interviews. Vous êtes prête à vous faire violence quand les intérêts économiques sont lourds ?
Je ne suis pas très expansive, c'est vrai. La sérénité n'est pas vraiment mon point fort, c'est vrai aussi. Mais j'ai découvert que j'avais besoin des autres. J'essaie donc de me livrer un peu plus à ceux que cela intéresse réellement. Je sais pourtant que, la nuit venue, j'aurai l'impression d'avoir été un peu violée. De ne pas avoir su trouver les mots justes.


Pour vous qualifier "sans contrefaçon", pour reprendre le titre de l'une de vos chansons, faut-il parler de "libertine" ou de "désenchantée" ?
Désenchantée, sans l'ombre d'un doute. Mais surtout... pas désabusée.


On dit qu'une femme est mûre quand elle a envie d'un enfant. (question publiée uniquement dans "Ciné Télé Revue", ndlr)
On dit ça ? (elle hésite) J'y pense... souvent... très, très souvent !

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