Mylène Farmer - Interview - Madame Figaro - 01er novembre 1991
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Date01er novembre 1991
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Média / PresseMadame Figaro
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Interview parDanièle Thompson
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Fichiers
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Catégories interviews
"Pour qui elle se prend celle-là ?" Je l'ai souvent entendu ! C'est encore plus facile de le refuser maintenant qu'ils ont besoin de moi.
Je m'ouvre doucement, instinctivement à l'art moderne et contemporain. J'aime la peinture abstraite parce que j'y lis ce que je veux ; on ne m'impose rien. C'est comme tomber amoureux de quelqu'un : on ne sait pas qui est vraiment "l'Autre" mais on a soudain envie de le connaître, de percer son mystère tout en sachant qu'on n'y arrivera jamais complètement.
J'ai une fascination pour les abstractions de Michaux et les toiles surréalistes de Marx Ernst. Je retrouve l'enfance, la magie du secret et de l'indéfini à travers leurs oeuvres. La peinture est un viol ; on s'y ouvre ou pas ; lorsque le viol se transforme en amour, c'est magnifique. J'aime aussi passionnément la peinture d'Egon Schiele. J'aurais pu être son modèle. Lorsque je me regarde dans un miroir, j'ai l'impression d'être une de ses rousses écorchées. Il a tout compris, jusque dans la manière de signer ses toiles. Il y a sans cesse en lui un mélange de vie et de mort, comme s'il avait été conscient qu'il disparaîtrait à vingt-huit ans. La peinture synthétise la vraie folie, l'exaltation la plus intime. Curieusement, j'ai connu quelque chose qui se rapproche dans mon esprit de cette exaltation créatrice lorsqu'il y a deux ans je suis montée pour la première fois sur une scène. C'est la plus belle expérience de ma vie. La plus déstabilisante aussi. Mais les mots restent l'essentiel pour moi. Ecrire mes chansons, c'est ma raison de vivre. Peut-être parce que dans mes textes je ne parle que de moi ! C'est de l'égocentrisme artistique...