Michel Denisot :
Bienvenue à
toutes et à tous ! Après Jean-Jacques Beineix et
ses
fauves, c'est Mylène Farmer et sa chimpanzé qui
font leur
"Zénith" ce soir ! Mylène nous expliquera dans
quelques
instants pourquoi cette passion pour les chimpanzés.
D'abord, je
voudrais rappeler que vous êtes installée dans le
show-biz
et dans le Top 50 depuis déjà trois ans, avec
trois
titres, trois succès, qu'on a une image peut-être
encore
un peu trouble de vous, en tout cas troublante ne serait-ce
qu'à
cause tous les clips que vous faits, une image assez troublante de
Mylène Farmer. (...) Il y a eu Libertine, il y a
eu Tristana et puis vous aviez
commencé avec une chanson qui s'appelle Maman a tort où vous
étiez amoureuse d'une infirmière.
Mylène Farmer : Absolument.
Michel Denisot
: Vous entretenez une espèce
d'ambiguïté autour de vous ?
Mylène Farmer : Je ne sais pas si je l'entretiens.
Je crois
que ça fait partie de ma vie, cette
ambiguïté, ce
paradoxe.
Michel Denisot
: Alors, on commence par vos fantasmes. Votre fantasme c'est
quoi ?
Mylène Farmer : C'est tout ce qui est paroissial.
C'est vrai que c'est le prêtre !
Michel Denisot
: Le prêtre, c'est un fantasme qui va jusqu'au
fantasme sexuel ?
Mylène Farmer : Oui, ça pourrait aller
jusqu'au
fantasme sexuel. J'ai eu une éducation religieuse tout
à
fait normale, mais je n'avais de cesse que de séduire le
prêtre qui enseignait le catéchisme !
Michel Denisot
: C'est déjà arrivé ?
Mylène Farmer : Ce n'est jamais arrivé,
je vous rassure tout de suite ! (rires)
Michel Denisot
: Ça peut
arriver ! Ça arrive au cinéma puisqu'il y a une
référence cinématographique qu'on va
faire
d'entrée...
Mylène Farmer : Absolument oui, on a pris Les diables de Ken
Russel.
Michel Denisot : Les diables, où c'est l'histoire
d'un prêtre qui a une vie sexuelle assez intense.
Mylène Farmer : Voilà. Ca se passe sous
l'Inquisition et c'est un film merveilleux.
Michel Denisot
: Alors on voit un extrait des Diables et
puis on est allé mener une enquête, on a
demandé
à deux prêtres, on leur a dit "Voilà,
Mylène
Farmer rêve de vous !". Alors d'abord l'extrait des Diables et puis la réaction
au fantasme de Mylène Farmer.
Diffusion d'un extrait du film Les
Diables puis des deux témoignages des
prêtres.
Michel Denisot
: Le
deuxième vous donne rendez-vous, mais quand même
c'est
pour vous ramener dans le droit chemin, si je puis dire !
Mylène Farmer : Dans le droit chemin, oui !
Michel Denisot
: Vous pensez quoi de ces réactions ?
Mylène Farmer : Moi je trouve ça
plutôt
séduisant ! C'est bien de se prêter à
ce
jeu-là, déjà, à cette
interview.
Maintenant, ça ne m'empêche de garder, de
conserver ce
fantasme !
Michel Denisot
: Et c'est un fantasme de petite fille que vous gardez ?
Mylène Farmer : Pas réellement de petite
fille. Je
crois que j'ai cultivé ça, et c'est vrai que
c'est plus
maintenant que ça ressurgit. Mais quand il dit (le premier
prêtre, NDLR) qu'on est très
éloigné de
l'Eglise, au contraire : lors du confessionnal on est très,
très approché, c'est très intimiste et
c'est un
moment qui est très proche pour les deux personnes.
Michel Denisot
: C'est très émouvant une confession ?
Vous y allez pour le plaisir ?
Mylène Farmer : Moi je vous avoue que je ne me suis
confessée qu'une seule fois, et là
c'était quand
j'étais petite et c'est vrai que j'ai eu un trouble.
Michel Denisot
: Vous n'avez pas envie d'y regoûter ?
Mylène Farmer : Non, pas dans
l'immédiat, je vais
attendre ! Je vais peut-être aller voir ce monsieur, alors !
(le
second prêtre interviewé, NDLR)
Michel Denisot
: En plus, enfin j'y connais pas grand-chose, ils ont l'air
bien !
Mylène Farmer : Absolument ! (rires) Mais moi
j'aime bien
le prêtre version avec l'habit de ville, comme dans L'Exorciste, avec
cet habit comme ça, avec le col roulé !
Michel Denisot
: A plastron, costume de clergyman, quoi !
Mylène Farmer : Oui. Davantage, oui ! Parce que la
robe, ça, non ça me gêne un petit peu !
Michel Denisot
: Bien ! Alors, l'histoire du singe : vous vivez avec un singe
?
Mylène Farmer : Oui, j'ai un petit singe. C'est un
capucin,
qui est beaucoup plus petit que celui-ci
(référence au
chimpanzé assis aux côtés de
Mylène pendant
l'émission, NDLR) et que j'ai depuis deux ans.
Michel Denisot
: Pourquoi ?
Mylène Farmer : Parce que j'ai une fascination pour
cet
animal parce que c'est du mimétisme avec nous, c'est
fascinant.
Michel Denisot
: Vous avez filmé le singe chez vous. Il est
beaucoup plus petit que celui-là, hein !
Mylène Farmer : Oui, beaucoup plus petit.
Michel Denisot
: Vous lui faites faire tout ce que vous voulez ?
Mylène Farmer : Tout ce que je veux ? Tout ce qu'il
veut bien faire !
Michel Denisot
: Oui ?
Mylène Farmer : Oui c'est différent !
Diffusion da la séquence filmée par
Mylène.
Michel Denisot
: Vous préférez la compagnie des singes
à celle des hommes ?
Mylène Farmer : Non, ce serait idiot de dire
ça.
Mais c'est vrai que je me sens vraiment, j'allais dire, très
proche d'eux, vraiment très, très bien avec eux.
J'ai une
communication qui est très facile avec eux. J'ai le souhait
un
jour d'élever beaucoup de singes.
Michel Denisot
: Et pourquoi ? Parce que c'est plus facile à
manipuler qu'un être humain ?
Mylène Farmer : Non, je crois qu'il faut pas
essayer de
faire de comparaisons. Simplement parce que j'aime cet animal, que j'ai
une fascination vraiment pour cet animal.
Michel Denisot
: Alors vous avez
choisi pour la partie musicale... c'est une émission
où
il y a beaucoup de femmes ! (rires de Mylène) Il n'y a qu'un
homme qu'on va voir sur un clip, c'est Peter Gabriel tout à
l'heure sinon j'ai remarqué, c'est quasiment que des femmes !
Mylène Farmer : C'est contre ma volonté,
alors ! J'avoue que j'ai pas du tout...
Michel Denisot
: Ben c'est vous qui avez tout choisi, c'est pas moi !
Mylène Farmer : Oui, absolument mais j'ai pas du
tout pensé à ça !
Michel Denisot
: Faut pas que je cherche d'explications à
ça !
Mylène Farmer : Non, réellement pas !
Michel Denisot
: Alors les
premières à chanter ce sont les Mint Juleps,
qu'on
commence à bien connaître en France, qu'on a
découvert sur Canal déjà
l'année
dernière dans "Zénith". Ce sont quatre
sœurs et
deux copines en fait qui chantent quasiment sans orchestre, et
ça c'est assez fascinant. Pour vous, c'est ça la
vraie
chanson ?
Mylène Farmer : Non, j'ai pas envie de qualifier
ça.
Moi j'ai découvert cette chanson au travers d'un film
publicitaire et j'avoue qu'après je les ai
découvertes
elles et que je les trouve très, très bien, oui.
Les Mint Juleps chantent Every
Kinda People sur le plateau de l'émission.
Michel Denisot
: (...) Vous avez commencé à chanter
à quel âge ?
Mylène Farmer : Je vais répondre comme
presque tout
le monde : sous ma douche certainement très jeune ! Mais
réellement, à vingt-deux ans.
Michel Denisot
: Vous avez décidé d'être
chanteuse à ce moment-là seulement ?
Mylène Farmer : C'est-à-dire que j'ai eu
beaucoup de
chance. J'ai rencontré une personne qui m'a
proposé cette
chanson qui était la première, Maman a tort, et
puis après ma foi, c'est beaucoup de travail et puis...
Michel Denisot
: Sinon vous étiez partie pour faire quoi ?
Mylène Farmer : J'avais très envie, je
suivais, moi,
des cours de théâtre, donc j'avais très
envie de
m'orienter vers le cinéma ou le théâtre
et
parallèlement je suivais beaucoup de cours
d'équitation.
Donc j'avais cette dualité, je savais pas :
peut-être
l'équitation, peut-être le
théâtre ou le
cinéma.
Michel Denisot
: C'est vrai que jusqu'à l'âge de 14 ans
on vous prenait souvent pour un garçon ?
Mylène Farmer : Absolument, oui ! Moi j'ai cette
réflexion qui est gravée dans ma
mémoire,
c'était un gardien de l'immeuble et j'étais
allée
chercher le courrier et il me demandait comme je m'appelais et j'ai
répondu : "Mylène". Et il m'a dit : "C'est
très
joli Mylène pour un petit garçon".
Très
sérieusement.
Michel Denisot
: D'où le titre peut-être de la prochaine
chanson qui va sortir bientôt !
Mylène Farmer : Vous êtes bien
renseigné ! (rires)
Michel Denisot
: Qui s'appelle ?
Mylène Farmer : Ce sera Sans contrefaçon.
Michel Denisot
: Sans contrefaçon, je suis un garçon !
Mylène Farmer : Je suis un garçon
(sourire)
Pause publicitaire.
Michel Denisot
: (...) On va
commencer avec les images d'actualité que vous avez
choisies. Ce
sont des images, je préviens tout de suite tout le monde,
qui
sont très, très dures. Pourquoi ces images
très
dures ?
Mylène Farmer : Parce que j'aime la violence.
Michel Denisot
: Vous aimez la dénoncer ou vous aimez la regarder ?
Mylène Farmer : J'aime la regarder.
Michel Denisot
: Vraiment ?
Mylène Farmer : J'ai, je dirais pas un plaisir
sadique,
mais c'est presque ça. J'ai une complaisance dans la
violence,
dans les images de mort presque, oui.
Michel Denisot
: Alors, là
ce sont des images extraites d'un document d'Amnesty International, je
crois. Ce sont des exécutions : on va voir des corps
coupés. C'est troublant, ce que vous nous dites ! (des
images
où l'on voit des hommes sur une potence cagoulés
puis
pendus sont diffusées, NDLR) C'est un plaisir que vous avez
à regarder ça ?
Mylène Farmer : C'est-à-dire qu'il faut
faire
attention à dire des choses comme ça mais c'est
vrai que
je dis que ce sont, moi, des images qui m'attirent. C'est des choses
bouleversantes, oui. Là on a vu des pendus, par exemple,
j'ai
toujours pensé qu'un jour je mourrai pendue. Ça,
depuis
très longtemps la pendaison me fascine aussi.
Michel Denisot
: Et là,
celui-là c'est une exécution... (diffusion
d'images
d'exécution d'un homme au revolver, NDLR)
Mylène Farmer : Ça c'est une image, c'est dommage
qu'elle
soit statique parce que j'aurais bien aimé avoir le
reportage
parce que c'est l'appréhension de la mort, il y a toute
cette
approche, il y a cette personne qui va tirer... Enfin ça
suscite
plein de réflexions, c'est assez étonnant. J'aime
bien
voir ça.
Michel Denisot
: Mais vous êtes attirée par
ça ? La mort vous attire, vous excite ?
Mylène Farmer : Je suis attirée... Je
crois qu'il y
a une forme d'excitation, certainement. Moi j'ai très,
très peur de la maladie mais de la mort, beaucoup moins. Et
pendant ce temps-là Cheeta est en train de me mordre
très
fort les doigts !
Michel Denisot
: Ouh lala ! Bon,
on va la garder encore quelques instants et puis on va la
libérer à son tour parce que pour elle c'est pas
marrant...
Mylène Farmer : Oui...
Michel Denisot
: Alors les photos
personnelles que vous avez apporté : on va vous voir enfant.
Votre enfance, vous l'avez passée où ?
Mylène Farmer : Je l'ai passée
essentiellement
à Montréal, au Canada. Et puis après,
une vie...
Michel Denisot
: (diffusion d'une
photo de Mylène bébé
allongée sur le
ventre, NDLR) Alors ça, voilà ! On vous voit
enfin nue !
(rires de Mylène) (diffusion d'autres photos de
Mylène
bébé, NDLR) C'était la
première fois, parce
qu'on vous a vue nue dans les clips, aussi, ensuite ! Vous aimez vous
montrer ?
Mylène Farmer : Ben ça encore, c'est un
paradoxe.
J'aime me montrer... (diffusion d'une photo de vacances montrant
Mylène et Laurent Boutonnat puis d'une photo blanche)
Michel Denisot
: (il l'interrompt) (...) Une photo toute blanche, pourquoi ?
Mylène Farmer : Toute blanche parce que je voulais
faire
une trilogie, c'est-à-dire que c'était moi
enfant, moi la
rencontre de Laurent Boutonnat, qui est mon producteur et compositeur,
et puis l'avenir...
Michel Denisot
: L'avenir est en blanc ?
Mylène Farmer : L'avenir est en blanc pour
l'instant.
Michel Denisot
: Vous aimez vivre
comme ça dans l'incertitude ? Vous n'aimez pas par exemple
dire
"Ma vie, ma voie est tracée, ma vie personnelle je sais
comment
ce sera" ?
Mylène Farmer : Oui, je crois que je
préfère cette incertitude.
Michel Denisot
: Vous avez envie de vous mettre en danger ?
Mylène Farmer : Je suis quelqu'un du danger. Je
n'aime pas
les choses faciles. J'aime les rencontres difficiles, les
personnalités difficiles. C'est vrai que la
facilité ne
m'intéresse pas, ne m'attire pas du tout.
Michel Denisot
: Qui est un bon choix aussi !
Mylène Farmer : J'aime beaucoup cette femme.
Michel Denisot
: Une autre femme,
et j'allais dire une étrangère : c'est vrai que
vous
n'avez pas fait de choix français ! Vous n'aimez pas la
chanson
française?
Mylène Farmer : Pas du tout,
c'est-à-dire que moi
j'avais demandé deux, trois personnes et ces
personnes-là
maintenant il y a beaucoup de décisions promotionnelles...
Michel Denisot
: Et ça collait pas ?
Mylène Farmer : Et ça collait pas.
Michel Denisot
: C'était qui ? On peut le dire !
Mylène Farmer : Oui, bien sûr ! Moi
j'aime beaucoup,
et je l'ai toujours dit, Jacques Dutronc. J'adore son univers.
Michel Denisot
: Un album qui sort bientôt !
Mylène Farmer : Voilà, et il n'a pas pu
venir. J'ai
demandé également Taxi Girl, qui sort un 45
tours. C'est
quelqu'un que j'aime bien. Et la troisième personne, j'avoue
que
j'oublie !
Michel Denisot
: Et donc on va écouter Basia que vous aimez bien.
Mylène Farmer : Que j'aime beaucoup, oui. C'est
quelqu'un
qui a beaucoup de classe. Une femme qui est très belle et
puis
qui chante très, très bien.
Michel Denisot
: Vous aimez le style un petit peu jazzy ?
Mylène Farmer : Avec elle, oui !
Michel Denisot
: Votre nouvel album, puisque vous préparez un
album, y a un simple qui va sortir donc...
Mylène Farmer : Fin octobre, début
novembre.
Michel Denisot
: Et l'album sortira en janvier.
Mylène Farmer : Et puis l'album, janvier.
(l'album Ainsi
soit je... sortira finalement le 14 mars 1988, NDLR)
Michel Denisot
: Avec une autre couleur ? Vous aimez cassez les images ?
Mylène Farmer : Je pense que oui, c'est
très bien pour un artiste. Et puis moi, j'ai besoin de
ça.
Michel Denisot
: Alors on écoute Basia, qui est
l'invitée de Mylène Farmer : New day for you.
Basia interprète son titre New day for you.
Michel Denisot
: Alors, la mode
c'est quelque chose qui vous touche mais je sais que là
aussi,
vous n'aimez pas la facilité, vous ne vous habillez pas
systématiquement chez quelqu'un de la tête aux
pieds. On
vous identifie quasiment, même dans certaines
émissions si
vous commencez une chanson de dos, ce qui était le cas
récemment, on vous reconnaît tout de suite, je
sais pas
à quoi ça tient ! Au début, je crois,
vous vous
habilliez un petit peu avec Kate Barry, c'est ça ?
Mylène Farmer : Absolument, oui.
Michel Denisot
: Qui est la fille
de Jane Birkin, que vous aviez rencontrée et puis vous
étiez habillée par elle et puis maintenant vous
avez un
autre...
Mylène Farmer : Je dois être
très
infidèle mais là j'ai rencontré donc
Faycal Amor...
Michel Denisot
: Qui est un nouveau styliste marocain, qui est né
à Tanger...
Mylène Farmer : Oui et qui est quelqu'un qui
occulte un peu le star-system pour l'instant.
Michel Denisot
: C'est la première fois qu'on parle de lui
peut-être dans une émission.
Mylène Farmer : Oui peut-être, oui !
J'aime beaucoup.
Sa collection, c'est intitulé "Les enfants terribles" donc
ce
n'est pas pour me déplaire, et que dire d'autre ?
Michel Denisot
: Alors vous avez
conçu, parce que vous avez beaucoup travaillé sur
cette
émission, vous avez conçu la mise en
scène de la
mode qu'on va voir maintenant de Faycal Amor.
Mylène Farmer : Oui.
Michel Denisot
: Et on vous
retrouve en train de feuilleter un bouquin. Tournage qui a
été fait sur ce plateau immense.
Mylène Farmer : Absolument, oui. On a repris les
pneus des photos. (rires)
Michel Denisot
: Et les modèles sont sur le livre et sur le
plateau. Les voici.
Diffusion d'une séquence dans laquelle on voit
Mylène
assise sur une pile de pneus en train de feuilleter un livre de mode,
puis présentation des modèles.
Mylène Farmer
: Je sais pas si vous reconnaissez la musique, c'est Pinocchio ! (rires)
(chanson When you wish
upon a star du
film de Walt Disney, NDLR) Je crois qu'on pourrait résumer
sa
collection par la sobriété raffinée,
voilà !
Michel Denisot
: C'est tout ce que vous aimez aujourd'hui ?
Mylène Farmer : C'est tout ce que j'aime oui.
J'aime la sobriété, j'aime le raffinement.
Michel Denisot
: Voilà les
modèles de Faycal Amor, donc qui est un couturier qui
démarre. Il est installé à Paris ?
Mylène Farmer : Oui ! Il a une autre marque qui
s'appelle
"Plein Sud" qui est peut-être plus connue des gens,
probablement
oui. Et puis donc "Faycal Amor" qui est une signature plus haute
couture.
Michel Denisot
: Vous aimez,
parce que pour l'instant on peut dire que c'est un couturier un petit
peu marginal il a pas une grande notoriété et
puis vous
disiez qu'il fuyait un petit peu le star-system...
Mylène Farmer : Absolument, oui.
Michel Denisot : Sauf
aujourd'hui avec
vous ! Mais vous aimez tout ça, vous aimez aller fouiner,
découvrir des choses qui ne sont pas évidentes ?
Mylène Farmer : J'aime bien quelquefois aller vers
les
gens, oui, même si je suis plus fascinée comme
vous disiez
par les singes ! Quelquefois j'aime bien découvrir l'univers
des
gens !
Michel Denisot
: Et à Paris quand vous sortez, vous allez dans des
lieux où tout le monde va ?
Mylène Farmer : Jamais ! Je sors très,
très
peu. Je suis plutôt casanière, j'aime bien me
protéger et rester dans un milieu clos.
Michel Denisot
: C'est comment chez vous ? C'est noir ? C'est blanc ?
Mylène Farmer : J'ai une chambre qui est, c'est une
révélation, une chambre qui est noire. On dirait
presque
un tombeau parce que c'est très bas de plafond, et tous les
murs
et le plafond sont noirs.
Michel Denisot
: Comme Dutronc et Françoise Hardy ! Chez eux tout
est noir.
Mylène Farmer : C'est ça, oui !
Michel Denisot
: Et vous vivez bouclée chez vous ? Vous mettez le
verrou ?
Mylène Farmer : Oui !
Michel Denisot
: Vous avez envie de vivre comme ça, j'allais dire
quasiment dans une prison ?
Mylène Farmer : C'est-à-dire c'est pas
une envie,
c'est une défense parce que je me sens assez mal quand
j'évolue dans la rue.
Michel Denisot
: Vous faites quand même du spectacle !
Mylène Farmer : Et pourtant je fais un
métier public. Mais c'est le paradoxe. Je l'accepte !
Pause publicitaire.
Michel Denisot
: Dans "Mon
zénith à moi", vous le savez, on donne chaque
semaine
à l'invité une caméra et
l'invité filme ce
qu'il veut. Souvent les artistes se filment eux-mêmes, je ne
sais
pas pourquoi, et vous Mylène Farmer vous avez fait un autre
choix : vous êtes allée à Garches,
à
l'hôpital où sont les enfants
accidentés de la
route, et...
Mylène Farmer : Pas essentiellement. Il y a des
maladies
génétiques, il y a de tout mais c'est vrai que ce
sont
essentiellement des enfants, par contre.
Michel Denisot
: Vous y
êtes allé parce que je crois, quand vous aviez
dix, onze
ans vous faisiez des visites comme ça.
Mylène Farmer : C'est vrai. Tous les dimanches, moi
pour
essayer d'échapper à ce dimanche, parce que je
hais les
dimanches, j'allais fréquemment à
l'hôpital de
Garches pour rencontrer ces enfants parce que je me sentais bien.
Michel Denisot
: Alors on va
retrouver dans ce film qui a été fait par
Mylène
Farmer une petite fille de 11 ans qui ressemble un peu à
Mylène. C'était elle quand elle avait onze ans,
voilà ce qu'elle faisait le dimanche. C'est un
très beau
document.
Diffusion du document réalisé par
Mylène.
Michel Denisot
: Qu'avez-vous ressenti en retournant comme ça,
quelques années après ?
Mylène Farmer : C'est très
émouvant. Je crois
que je n'ai pas du tout trahi mon souvenir. J'ai eu le même
plaisir de retrouver ces enfants, la même pudeur aussi parce
que
rentrer dans leurs univers, c'est assez difficile, il faut pas les
brusquer. Et puis j'ai surtout rencontré une petite fille
formidable, qui est la petite fille brune (présente dans le
petit film,NDLRui est Eléonore et qui a une maladie qui a un
nom
paradoxalement aussi beau pour la maladie, qui s'appelle la maladie des
os de verre et donc qui est extrêmement fragilisée
: elle
peut se fracturer quotidiennement les os.
Michel Denisot
: Pour la partie
humour de cette émission, et là c'est pas facile
d'enchaîner, vous avez choisi Zouc. C'est un thème
de
l'enfance, aussi, du prochain spectacle de Zouc.
Mylène Farmer : Ce n'est pas que l'humour, Zouc.
C'est
proche de tout ce que j'ai essayé moi de montrer au travers
de
ce début d'émission. C'est quelqu'un que j'aime
vraiment
beaucoup, oui.
Diffusion d'un extrait d'un sketch de Zouc. Au retour plateau, Zouc est
assise aux côtés de Mylène.
Michel Denisot
: L'autre jour, je
vous ai vue dans une émission où vous ne parliez
pas au
présentateur ! Vous aviez un problème de voix ?
(il
s'adresse à Zouc, NDLR)
Zouc : Moi j'ai fait ça ? (rires de Zouc et de
Mylène)
Michel Denisot
: On va pas y revenir ! Vous n'aimez pas trop les interviews ?
Zouc : Si ! Si, si... C'est des fois difficile, hein.
Mylène Farmer : Très difficile !
Zouc : On est très sœurs, à un
endroit...
Mylène Farmer : J'ai l'impression, oui. J'aime,
j'adore
l'univers de Zouc. Moi si j'avais une définition, c'est
quelqu'un qui a le geste, la voix et surtout le silence. C'est pour moi
un personnage de Bergman, et Dieu sait si j'aime le cinéma
de
Bergman. Voilà, je ne sais pas si c'est un compliment pour
vous,
mais... J'aime vraiment beaucoup cette femme.
Michel Denisot
: (…)
Est-ce que vous êtes proche de l'univers de Mylène
Farmer
? Parce qu'on a découvert plein de choses, enfin je pense
que
peu de gens s'imaginaient tout ça !
Zouc : La fascination (...), cette attirance pour une chose qui fait
peur et en même temps on peut pas s'empêcher... Moi
j'ai
fait la même chose à mon arrivée
à Paris :
je voyais toujours les ambulances (...) qui passaient comme
ça,
je trouvais terrible de voir une action mais de pas voir l'autre
côté.
Michel Denisot
: Vous vouliez voir ce qu'il y avait dans l'ambulance ?
Zouc : Oui et moi je suis allée au Samu et je les ai suivis
pendant très longtemps et un jour, j'ai plus pu.
Mylène Farmer : Moi il y a quelque chose, j'ai lu
le livre
de Zouc – que Cheeta m'a complètement
déchiré (rires) –
et qui est vraiment formidable, je l'ai lu en une heure de temps. J'ai
pris en exergue une petite phrase qui relate de son enfance, et elle
dit : "Je ne voulais pas être un chou, je ne voulais pas
être ici. Est-ce qu'il y a quelque chose pour moi ?", c'est
à peu près ça. Et moi j'ai eu aussi ce
sentiment
durant mon enfance, c'est-à-dire je cherchais vainement un
lieu
où je pouvais me blottir. Michel Denisot
: Un lieu ou une identité ? Mylène
Farmer : Plutôt un lieu, et
peut-être l'identité qui vient après. Zouc : Un
endroit où on vous laisse tranquille ? Mylène
Farmer : Oui, c'est ça. Un cocon,
quelque chose où on peut se recueillir. Michel Denisot
: (...) Vous avez fait un autre choix qui concerne l'univers
des enfants, c'est Bambi.
Mais vous n'avez pas choisi un extrait gai, non plus ! Mylène
Farmer : Non, c'est vrai. Là, ce
qui
m'étonnait, d'abord je pense et je trouve personnellement
que
c'est le plus beau film de Walt Disney, que c'est certainement le film
que je verrai le plus de fois dans ma vie, que là c'est vrai
c'est un extrait qui est très douloureux. Et ce qui
était
intéressant, c'est de voir que c'est très rare de
montrer
la mort de quelqu'un dans un dessin animé qui est
adressé
aux enfants, enfin plus spécialement aux enfants, et qu'en
plus
c'est la mort d'un parent. Ça c'est quelque chose qui est
assez
étonnant dans un dessin animé. Et donc
là, c'est
l'extrait de Bambi qui perd sa maman et qui retourne sous le bois,
c'est la protection et c'est son père, toute l'image du
père. Diffusion
d'un extrait de Bambi
puis pause publicitaire. Michel Denisot
: Dernière
partie du "Zénith" de Mylène Farmer avec un
dernier
extrait de film, c'est un film qui s'appelle Requiem pour
un massacre
d'Elem Klimov, qui vient de sortir. Mylène
Farmer : Qui n'est pas une très
jolie
traduction. En russe, je crois, ça veut dire "Va et regarde"
et
je n'aime pas beaucoup la traduction française. Michel Denisot
: Alors, en deux
mots l'histoire du film donc, c'est pendant l'occupation nazie en URSS,
il y a un village où tout le monde a
été
massacré... Mylène
Farmer : Complètement
décimé, oui. Michel Denisot : Il y a
un petit garçon qui revient dans le village... Mylène
Farmer : Qui est le héros, qui
est un jeune
paysan qui rencontre une jeune paysanne et qui va être
projeté dans ce monde de guerre. C'est prodigieux, ce film.
J'avoue que ça fait longtemps que je suis pas
allée au
cinéma. J'ai vu ce film, pour moi je le qualifierais presque
de
chef-d'œuvre. Michel Denisot : Il y a
encore beaucoup de cadavres ! Mylène
Farmer : Par hasard, certainement !
Là c'est
autre chose, c'est certainement l'histoire mais c'est aussi la
façon de filmer, c'est les lumières qui sont
magnifiques.
Et puis le cinéma russe, pour moi, c'est un des plus beaux
cinémas, c'est un cinéma de symboles et j'aime le
symbole. Diffusion
d'un extrait du film Requiem
pour un massacre
d'Ellem Klimov. Michel Denisot
: (...) On va voir
maintenant le clip que vous préférez aujourd'hui,
qui est
le clip de Peter Gabriel et de Kate Bush. C'est du haut de gamme, c'est
sobre, exceptionnel. Mylène
Farmer : C'est les deux artistes que je
préfère. Michel Denisot
: C'est une chanson qui a marché dans le monde
entier sauf en France ! Mylène
Farmer : C'est vrai, paradoxalement.
Pourquoi ? Je ne sais pas... Diffusion
du clip Don't
give up de
Peter Gabriel & Kate Bush. Au retour plateau, Michel Denisot
est
filmé en gros plan par Mylène, qui a une
caméra
sur son épaule. Mylène
Farmer : Michel, vous me faites la "Maxi
tête"
? (référence au jeu animé par Sophie
Favier
à l'époque sur Canal +, NDLR) Michel Denisot :
"La Maxi
tête" ? Pourquoi ? Vous voulez renverser les rôles
pour la
fin de votre émission, prendre la caméra et me
poser des
questions comme je le fais de temps en temps, ce qui est
très
désagréable d'ailleurs ! Mylène
Farmer : Je voudrais la "Maxi
tête", vous savez le jingle qu'on fait sur Canal + ! Michel Denisot
: Quoi ? "Canal +, c'est plus" ? Mylène
Farmer : Voilà, oui mais attendez
: vous vous
calez bien dans votre fauteuil et vous chantez ! (il
s'exécute
!) C'est très bien ! Michel Denisot : oui, mais pourquoi ?
(rires) Michel Denisot
: Y a pas longtemps ! (rires) Mylène
Farmer : Michel, est-ce que votre maman
regarde toutes vos émissions ? Michel Denisot
: Globalement, oui. De temps en temps, je lui dis que c'est
pas la peine qu'elle regarde. Mylène
Farmer : Dites-moi le premier mot qui vous
passe par la tête. Michel Denisot
: Maintenant ? Mylène
Farmer : Oui... Michel Denisot
: Tout va bien !
Ça va, finalement, c'est pas aussi
désagréable que
ça ! Ca dépend qui filme ! Mylène
Farmer : Vous avez des fantasmes, ou un
fantasme en particulier ? Michel Denisot
: J'en ai un qui
se rapproche un peu du vôtre, sauf que c'est pas les
curés
évidemment. J'ai été
élevé dans
l'enseignement libre comme vous et je dois dire que les bonnes
sœurs me tapent dans l'œil, comme vous ! (rires)
(...) Mylène
Farmer : Snoopy a dit : "Un ventre plein est
un
ventre heureux". Est-ce que vous êtes d'accord avec lui ? Michel Denisot
: Pas vraiment, non. (...)Le ventre plein, c'est pas tellement
mon truc, non. Mylène
Farmer : Vous avez des
velléités d'acteur, je crois. Michel Denisot
: Non, y a eu une
histoire comme ça, c'est quelqu'un qui voulait me faire
tourner
dans un film, ça na pas eu de suite. Mylène
Farmer : Vous n'auriez pas aimé
remplacer Michel Blanc dans Tenue de soirée ? Michel Denisot
: (il éclate de rire) Non, non ! C'était
un numéro d'acteur très difficile. Mylène
Farmer : Michel, faites-moi rire. Michel Denisot
: Qu'est-ce que je
peux faire ? Il faut que ça soit macabre, il faut que je me
coupe la tête, il faut que je m'arrache un bras, il faut que
je
fasse quelque chose d'épouvantable ! Qu'est-ce qui est plus
épouvantable que les images que vous nous avez
montrées ?
Je sais pas, je peux pas faire ! J'ai pas envie de me suicider devant
vous pour vous faire plaisir ! C'est ça qui vous ferait
plaisir ? Mylène
Farmer : Peut-être ! Si je vous
demandais de m'embrasser maintenant, vous le feriez ? Michel Denisot
: C'est pas facile, équipée comme vous
êtes ! Je veux bien essayer... Mylène
Farmer : (rires) Très bonne
réponse ! Zouc :
C'est des excuses, Mylène ! Michel Denisot
: Je biaise ! Mylène
Farmer : Essayez quand même ! Michel Denisot
: C'est marrant à faire ? (tenir la
caméra, NDLR) Mylène
Farmer : C'est formidable ! Michel Denisot
: Vous pouvez continuer, si vous voulez. Mylène
Farmer : C'était ma
dernière question. Michel Denisot
: Merci beaucoup. Merci Mylène d'avoir fait
ce "Zénith". (...) Vous avez consacré
beaucoup de temps, vus avez beaucoup travaillé sur cette
émission et le résultat a
été je
crois... Vous pouvez dire le mot de la fin, Zouc ? Comment a
été cette émission ? (Zouc
fait «un smack avec ses lèvres). Mylène
Farmer : Formidable ! Merci ! Source
retranscription : Inside Of - Référentiel des
télés - Editions Why Not