Cette édition de "Pollen" du vendredi 13 décembre
1985 a
pour particularité de nous faire profiter d’une
des rares
interviews (pré enregistrée) de Laurent
Boutonnat, interrogé ici par Didier Varrod
sur le clip de Plus
grandir.
Mylène vient faire la promotion de son nouveau 45 tours Plus Grandir.
Son manager Betrand Le Page est à ses
côtés.
C'est aussi la toute première diffusion en
exclusivité de la chanson Greta plusieurs
mois avant la sortie de l'album Cendres
de lune.
Générique de début
d’émission. Jean-Louis Foulquier commence
à parler dessus.
Jean-Louis
Foulquier : Gilbert
Aumont, Didier Varrod, Jean-Louis Foulquier, c'est "Pollen",
salut ! (La musique du générique
continue) "Pollen"
en compagnie, ce soir, de Mylène Farmer !
La musique du générique cesse et laisse place
à la diffusion de Maman
a tort.
Jean-Louis
Foulquier : Mylène Farmer, Maman a tort... ça remonte
déjà à quelques années...
Mylène Farmer : Deux ans, ne me vieillissez
pas ! (Petit rire)
Jean-Louis
Foulquier : Oui mais quand même ! Par
rapport au dernier titre que tu as sorti, le temps passe, quand
même !
Mylène Farmer : Absolument oui !
Jean-Louis
Foulquier : On s'était
rencontrés dans un café, je crois que tu es une
spécialiste du genre ?
Mylène Farmer : Non mais ne dites pas
ça, on va se
méprendre ! (Rires) Non, non ! On
s'était
rencontrés à Chinon, je me rappelle, la
première
fois...
Jean-Louis
Foulquier : (qui la
coupe) Dans un bar, et à Chinon en plus !
(Mylène
rit) Et tu as rencontré Didier Varrod, également
dans un
café un peu plus chic... Didier Varrod :
Beaucoup plus chic !
Mylène Farmer : Mais je n'aime que le Coca-Cola,
rassurez-vous !
Didier Varrod :
Beaucoup plus chic le café ! Du Chinon !
(Mylène rit) Jean-Louis
Foulquier : Ben oui, moi je sors mon pauvre vieux ! Didier Varrod :
Jean-Louis Foulquier s'encanaille à Chinon, on aura tout
vu ! Jean-Louis
Foulquier : ben
c'était très bien mon vieux, cet
endroit ! Demande
à Mylène !
Mylène Farmer : Hmm, hmm...
Didier Varrod :
C'était...
Mylène Farmer : (qui le coupe) C'était
un petit cabaret, plus qu'un café, d'ailleurs !
Jean-Louis
Foulquier :
Voilà ! C'était un petit bistrot de
province comme
il n'en existe plus, quoi !
Mylène Farmer : (qui rit) Oui c'est vrai...
Jean-Louis
Foulquier : Et elle avait chanté pour la
première fois...
Mylène Farmer : Maman a tort !
Jean-Louis
Foulquier : Et en direct !
Mylène Farmer : Hmm, hmm... (Amusée) Ce
sont des choses qui se font de temps en temps, oui !
Didier Varrod :
Et ça fait quel effet de chanter pour la première
fois Maman a
tort en direct ?
Mylène Farmer : C'était très
éprouvant pour moi la première fois !
Jean-Louis
Foulquier : Je ne te raconte pas la tête quand
même ! Didier Varrod :
Pourquoi c'était éprouvant ? Le
trac ? Le sempiternel trac ?
Mylène Farmer : Ben le trac, la première
fois, et
puis le direct, il faut le dire... C'est pas quelque chose de
très facile tout le temps, surtout dans des conditions qui
ne
sont pas souvent... adéquates !
Jean-Louis
Foulquier : (qui
commence à parler pendant que Mylène finit sa
phrase) Ah
ce n'était pas l'Olympia ! Attention, on t'envoie
la
poursuite, c'était vraiment... (Mylène rit) Y'en
a qui
chantaient autre chose à
côté ! (Rires) Mais
au départ, et puis après, ça s'est
vraiment bien
passé quoi !
Mylène Farmer : Oui !
Jean-Louis
Foulquier : Et puis c'est toujours bruyant, ces
lieux-là !
Mylène Farmer : Oui oui ! Tout le monde
parle (Petit rire)
Jean-Louis
Foulquier : Mais c'est
un bon apprentissage finalement, tu vois ? On se rend compte
que
si ça passe là, ça peut passer
partout ! Didier Varrod :
Oui c'est la meilleure école, le direct. Jean-Louis
Foulquier : Bon on va
parler un petit peu de musique, de nouveauté aussi, de
chanson,
je ne sais pas... Parce que je n'étais pas là
pendant
quelques jours, moi ! Didier Varrod :
Oui ! Ça va mieux ? Jean-Louis
Foulquier : (amusé) Non ! (Rires) Didier Varrod :
Oui comme vous le voyez, il est effondré, en fait !
(Rires) Oui on va repasser Sarà
perché ti amo de
Richi et Poveri, parce que figure-toi que l'autre jour, nous l'avons
présenté comme une nouveauté, pour
faire un petit
peu de pub au film de Miller qui s'appelle L'effrontée...
(L'effrontéeest
un film de Claude Miller, sorti en 1985, avec Charlotte Gainsbourg. Le
titre Sarà
perché ti amo, chanté par Richi et
Poveri, date de 1981 et fait partie de la bande originale du film, ndlr) Jean-Louis
Foulquier : Oui mais ce n'était pas nouveau du
tout ! Didier Varrod :
Hein ? Le titre lui n'est pas nouveau ! Par contre,
c'est la bande originale du film L'effrontée
qui vient de recevoir le prix Louis Deluc. Alors comme on est tous un
peu fan, dans l'équipe, de Charlotte Gainsbourg, on est
très très contents. On vous dit qu'il f...
Mylène Farmer : (qui le coupe, sur un ton
amusé)
Vous voulez mon avis c'est ça ? (Rires) Je vois
votre
regard inquisiteur ! Je ne sais pas, j'aime bien ce qu'elle
chante
mais je ne l'ai jamais vue au cinéma donc sans commentaire...
Jean-Louis
Foulquier : Tu ne l'as pas vue encore ?
Mylène Farmer : Non ! (Petit rire)
Didier Varrod :
Ah bien c'est une
sacrée personnalité ! C'est son
père et sa
mère mélangés dans une seule personne,
un petit
bout de femme de 13 ans, très impressionnante
déjà ! Jean-Louis
Foulquier :
(amusé) Sois gentil, à 13 ans, c'est
plutôt sa
mère ! Parce que la pauvre... (Mylène
rit)
Diffusion de Sarà
perché ti amo de Richi et Poveri.
Jean-Louis
Foulquier : Ah je ne redirais pas le titre, moi... Didier
Varrod : Sarà
perché ti amo !
"C'est pour ça que je t'aime", en français. Ce
qu'il y a
de bien, avec les italiens, c'est que même quand c'est
ringard,
c'est bien ! Tandis que quand c'est Karen Cherryl qui le fait,
c'est définitivement ringard... Jean-Louis
Foulquier : Ah ne commence pas, enfin ! Moi j'aime
b...
Mylène Farmer : (qui le coupe, amusée)
En tous les
cas, si vous commencez sur ce trajet-là, on va en trouver
beaucoup...
Jean-Louis
Foulquier : Moi j'aime bien cette petit Karen en plus,
écoute... (Mylène rit) Didier Varrod :
Mais vous
êtes libre d'aimer qui vous voulez, cher Jean-Louis Foulquier
(Jean-Louis Foulquier a un petit râle d'agacement gentil)
Vous en
aimez beaucoup, vous
avez un cœur d'artichaut ! Jean-Louis
Foulquier :
Rooo ! Il a la dent dure ! (Il s'adresse à
Mylène) Parce que toi aussi, de temps en temps, tu...
Mylène Farmer : (qui le coupe) Ah je ne citerai pas
de nom, je ne me permettrai pas !
Didier Varrod :
Elle ne peut pas ! Jean-Louis
Foulquier : (avec un accent marseillais) Tu ne dis jamais de
mal des collègues !
Mylène Farmer : Ce ne sont pas mes
collègues ! (Rires)
Jean-Louis
Foulquier : (qui rit) Ah elle est pire !
T'écoute quand même les autres un petit
peu ?
Mylène Farmer : Bien sûr !
Beaucoup
d'américains, beaucoup d'anglo-saxons ! (Rires) Non
des
français aussi, bien sûr !
Didier Varrod :
(qui s'adresse
à Jean-Louis Foulquier) Tu sais que Mylène Farmer
a un
regard très critique sur la création en France.
(Il
s'adresse à Mylène Farmer) L'autre jour nous en
avons
discuté, donc, à cette table de café,
et tu es
quand même assez pessimiste sur le devenir de la
création
dans ce bas pays ?
Mylène Farmer : Oui mais ça faisait
allusion aussi
bien aux métiers du cinéma,
cinématographiques,
que de la chanson, que plein de choses oui. Je crois qu'en ce moment,
il ne se passe rien...
Didier Varrod :
Et alors toi ? Tu fais quelque chose quand
même ?
Mylène Farmer : (qui le coupe) Oui
voilà, c'est
toujours difficile parce qu'on se sent toujours impliqué
dans
ces propos, ce qui est un peu gênant. Oui je fais des choses,
j'ai l'impression de proposer des choses – je ne sais pas si
on
dit "intelligentes" - en tout cas...
Jean-Louis
Foulquier : Tu te proposes toi, déjà.
Mylène Farmer : Oui je me propose moi,
voilà et
j'aime ce que je fais. Mais je ne m'inclus pas dans ce que je disais
tout à l'heure, c'est toujours...
Didier Varrod :
Ce que l'on peut dire sur Mylène Farmer, c'est que
de Maman a tort
à Plus
grandir,
on aurait pu nous faire le coup de la petite babydoll
écervelée, bien gentille, bien excitante pour
tous et les
gros vilains machos. Alors qu'en fait, elle a peut-être des
regards de babydoll, mais elle a aussi des petites blessures, des
petites écorchures qu'elle livre comme ça...
C'est
toujours assez déchiré ce que tu chantes, ce
n'est pas si
insouciant ?
Mylène Farmer : Oui ! Je n'avais pas envie
de faire le plagiat de Maman
a tort et
de continuer dans ce registre. C'est ce dont on avait parlé,
c'est que je pense que ce que je propose depuis le début, je
pense qu'il y a un fil conducteur, sans pour cela faire à
chaque
fois la même chanson ni les mêmes textes !
Jean-Louis
Foulquier : Tu n'as
pas envie d'être fabriquée et tu ne te laisserais
pas
mener par le bout du nez ?
Mylène Farmer : Fabriquée non, il n'en
est pas
question ! Je travaille par contre d'arrache-pied et je suis
très proche de personnes qui travaillent avec moi et pour
moi...
Jean-Louis
Foulquier : (qui la coupe) Qui font
équipe ?
Mylène Farmer : Qui font équipe,
oui ! On va les nommer... (Rires)
Jean-Louis
Foulquier : Et qui servent tes idées ?
Mylène Farmer : Et qui servent mes
idées ! Il y
a Laurent Boutonnat, qui est mon compositeur et producteur, et puis
Bertrand Le Page, qui me suit partout et me conseille.
Didier Varrod :
C'est important d'avoir une équipe comme ça
soudée, serrée ?
Mylène Farmer : Pour moi oui, c'est
capital ! Capital
parce que, on en a beaucoup parlé, je pense que le regard de
soi
n'est pas toujours bon. Il faut avoir un peu le regard des autres,
enfin des personnes, en tout cas, qu'on a choisies !
Didier Varrod :
C'est un regard dur ?
Mylène Farmer : Ah oui ! C'est un regard
dur !
D'ailleurs, Bertrand est à côté de moi
et (rires)
ne me contredirait pas. Oui ce sont deux personnes qui ne laissent pas
échapper le moindre détail. C'est un regard
critique mais
moi j'aime ça, j'ai besoin de ça !
Jean-Louis
Foulquier : De Laurent, on en reparlera dans un instant... Didier Varrod :
Absolument ! Jean-Louis
Foulquier : Pour
l'instant, on va écouter Rachid Bahri, tout simplement parce
qu'il était avec toi...
Mylène Farmer : (qui le coupe) Il
était... oui il
était dans la même maison de disques
aussi ! (Petit
rire)
Jean-Louis
Foulquier : (amusé) Il était
à Chinon. C'est la petite carte souvenir là...
Diffusion de la chanson de Rachid Bahri
Didier Varrod :
Mon cher
Jean-Louis, nous parlions de Laurent Boutonnat tout à
l'heure
avec Mylène Farmer (Mylène rit). Eh bien Laurent
Boutonnat, je l'ai rencontré ! Jean-Louis
Foulquier : T'as bien de la chance !
(Mylène rit) Didier Varrod :
Moi j'en ai de la
chance ! Alors Laurent Boutonnat, c'est un être tout
à fait étrange, qui a oublié
d'être
bête, ça c'est quand même important... Jean-Louis
Foulquier : (qui le coupe) Il ne travaillerait pas avec
Mylène Farmer...
Mylène Farmer : Oh ! Ça va lui
faire plaisir en tous les cas !
Didier Varrod :
Et qui ne fait
pas que travailler sur les chansons de Mylène Farmer. Il
vient
en effet de réaliser un clip de Mylène...
Mylène Farmer : Hmm, hmm...
Didier Varrod :
... tout à fait étonnant, sur la chanson Plus Grandir.
Alors je suis allé lui demander un petit peu comment
ça
se passait, le travail avec Mylène Farmer,
derrière une
caméra...
Diffusion de l'interview de Laurent Boutonnat par Didier Varrod,
Enregistrée sans doute dans un café car nous
entendons
des bruits de portes grinçantes et un véritable
brouhaha
en fond.
Didier Varrod :
Laurent, tu viens de réaliser le clip de Mylène
Farmer, Plus Grandir.
Est-ce que tu peux me parler un petit peu de ton
interprétation
de cette chanson qui a choqué toutes les âmes
sensibles
lors de la projection, en avant-première, dans un grand
cinéma parisien ?
Laurent Boutonnat : L'interprétation ?
Mais c'est dur
ça comme question ! Il faut que j'analyse
la chanson,
alors ?
Didier Varrod :
Oui !
Laurent Boutonnat : En fait, c'est un peu, je pense, un
cauchemar
d'enfant. C'est un clip qui tourne un peu autour de la peur de
l'enfance, de tout ce qu'il y a de sordide dans l'enfance. Parce que je
pense que l'enfance, ce n'est pas un monde rose et totalement
sympathique mais quelque chose de cruel, de violent et de morbide. Et
c'est un peu ça, quoi, toutes ces peurs que l'on a quand on
est
la nuit, dans sa chambre, avec le vent, les petites vierges qui
brillent dans le noir, le crucifix au-dessus du lit, le pied qui sort
des draps, les fantômes, les apparitions du Christ, enfin
toutes
ces choses-là quoi...
Didier Varrod :
Le fait que le
sujet soit féminin et diablement féminin,
puisqu'il
s'agit de Mylène Farmer, a choqué aussi pas
mal ?
Laurent Boutonnat : Oui c'est-à-dire qu'il y a une
scène... Il y a eu une journaliste, notamment, qui
était
très choquée par la scène
où on voit
Mylène se faire, entre guillemets, violer, puisque c'est
elle
qui appelé ça un viol. Elle était
très
choquée de ça, et notamment du fait que
Mylène
était consentante. Non seulement consentante, mais avait
très envie d'être violée
quoi ! Ce qui
était un peu idiot parce que ce n'est pas
forcément
ça et que moi, je ne le vois pas du tout comme
ça. Mais
comme quelque chose de terrible mais qui est de l'ordre du fantasme...
Didier Varrod :
Alors comment Laurent Boutonnat juge Mylène Farmer, actrice,
comédienne ?
Laurent Boutonnat : Je trouve déjà
qu'elle a un
visage cinéphilique, cinématographique en tout
cas. Et
que c'est vrai qu'on a tourné ce clip comme un film quoi,
sans
du tout avoir la musique sur le plateau. Enfin je l'ai faite travailler
comme une actrice, quoi. Sur certaines scènes, il y avait
beaucoup de gros plans de son visage. Mais elle connait ça,
Mylène, parce que je crois qu'elle a fait de la
scène
dans sa jeunesse, un peu de cinéma et que tout ça
est
lié à la chanson. Mais d'ailleurs, on a toujours
lié... Même Maman
a tort,
quand on a commencé à lancer ce disque,
était
très liée au cinéma. Tout ce qu'on
avait fait
autour... Bon, on avait fait un petit clip avec très peu de
moyens mais toute l'imagerie qu'on a un peu fait autour de cette
chanson était un peu cinématographique. Et je
crois que
c'est très lié... enfin tout ce qu'elle fait,
avec une
ambiance cinématographique. Et c'est très
important
ça, je crois, de travailler sur une image comme
ça qui ne
soit pas qu'une chanteuse sur un plateau de
télévision
mais aussi une espèce... Essayer de faire quelque chose d'un
peu
(soudainement, Plus
Grandir est lancé en studio sur la fin de
l'interview de Laurent Boutonnat) mythique...
Diffusion de Plus
Grandir
Jean-Louis
Foulquier : Mylène Farmer, Plus Grandir !
Bon ben c'est trop tard, de toute façon, si on croit
Laurent,
dans ta jeunesse, tu as été actrice, alors...
(Rires)
Mylène Farmer : (amusée) Oui, je suis
une vieille femme, déjà !
Jean-Louis
Foulquier : (amusé) Dans ta jeunesse ?
C'était quand, ça ?
Mylène Farmer : Dans ma jeunesse ?
Jean-Louis
Foulquier : Que tu as fait l'actrice...
Mylène Farmer : C'était... j'ai envie de
dire que
c'était plus des spots publicitaires que des films, (rires)
c'est moins honorifique, mais c'est vrai que j'ai un petit peu appris
à me mouvoir devant une caméra. Bon, tout
ça est
relatif...
Jean-Louis
Foulquier : Quand tu étais petite ?
Mylène Farmer : (qui reprend sur un ton enfantin)
Quand j'étais petite...
Jean-Louis
Foulquier : Voilà ! Et c'est tes parents
qui t'ont entraîné vers ça ?
Mylène Farmer : Non, du tout ! Quand
j'étais
petite... en fait j'ai commencé à 16 ans, donc
j'étais déjà mature. Non
non ! Ce ne sont pas
mes parents. Je ne pense pas qu'ils m'auraient poussée du
tout
dans cette direction. Ils auraient voulu que je fasse des
études
mais hélas, je n'avais pas les dons pour ça.
Jean-Louis
Foulquier : Et alors
maintenant, avec le clip, tout ça, tu serais
tentée par
le cinéma ?
Mylène Farmer : Ah oui tout à
fait !
J'aimerais, mais pas dans l'immédiat, ça c'est
quelque
chose dont je suis consciente. Quelque fois c'est tentant, mais je
pense, si j'ai la chance d'avoir des propositions, j'aimerais bien, en
fait, m'y mettre d'ici deux ans, mais pas avant.
Jean-Louis
Foulquier : Ah il y a
quand même, comme ça, une ligne de conduite,
hein ?
Tu sais ce que tu veux ?
Mylène Farmer : Je sais ce que je veux...
j'espère
que j'aurai, que j'obtiendrai ces choses mais je vais essayer au moins
de travailler pour ça !
Jean-Louis
Foulquier : Et puis peut-être que tu veux
écrire le scénario ?
Mylène Farmer : Non, alors pas du tout,
une fois de
plus, non non non ! (Petit rire) Je pense que chacun son
métier et qu'il y a beaucoup trop de personnes qui
s'immiscent
dans des choses pour lesquelles elles n'ont pas de talent. Et je sais
que je n'ai aucun don de metteur en scène ni
d'écriture,
en tout cas pour l'instant. Metteur en scène, c'est
sûr,
jamais ! Donc non, je serai actrice, chanteuse, je dirais
"point
final", j'espère que non, mais pas de mise en
scène, rien
de tout ça...
Didier Varrod :
Et puis tu fais
ton petit bonhomme de chemin de manière très
rationnelle.
On a donc connu trois 45 tours et puis là, il faudrait
peut-être qu'on connaisse un petit peu plus ce dont
Mylène
Farmer est capable ?
Mylène Farmer : Eh oui, pour ça il faut
un budget ! Donc je l'ai eu pour faire l'album...
Didier Varreau :
(qui la coupe) C'est pas vrai ?!
Mylène Farmer : Oui et c'est très
très important pour moi...
Didier Varreau :
(qui la coupe) Cet album qu'on attend !
Mylène Farmer : Oui ! Moi aussi j'attends
sa sortie.
Mais là aussi, il faut bien cibler la chose. J'ai sorti
trois 45
tours. Là, je suis en promotion pour Plus Grandir,
et je vais peut-être en sortir un autre après, qui
sera
issu de l'album. Et on verra selon la bonne marche, le bon
fonctionnement, pour sortir l'album au moment propice...
Didier Varreau :
(qui la coupe) Tu as l'air très prudente ?
Mylène Farmer : Eh bien j'ai un peu peur, parce que
j'y
tiens énormément à cet album, et je
sais qu'on
peut faire un flop très facilement aussi...
Jean-Louis
Foulquier : (qui la
coupe) Mais elle parle comme une femme d'affaires, surtout !
(Mylène rit) C'est vrai, c'est...
Mylène Farmer : Voilà, ce sera
peut-être autre
chose. Plus tard, je serai femme d'affaires, pourquoi pas... (Petit
rire)
Jean-Louis
Foulquier : Non mais
c'est vrai que c'est assez surprenant, mais c'est de plus en plus
courant, maintenant. Avant, longtemps même, les artistes
faisaient leurs disques et puis tout le reste, c'était...
Mylène Farmer : (qui le coupe) Parce que
c'était peut-être aussi un peu plus facile et
qu'on
arrivait à arriver plus facilement aussi. Maintenant, je
crois
qu'on a très vite les pieds sur terre, enfin du moins,
certaines
personnes, et que, malheureusement, on a... on peut moins
rêver,
ça c'est évident !
Jean-Louis
Foulquier : Il faut se prendre en mains, je crois...
Mylène Farmer : Oui il faut se prendre en mains et
puis il
faut... Malheureusement oui, on rêve beaucoup moins. Je crois
que
les années 60/70 étaient tout à fait
propices,
justement, à ce métier de la chanson.
C'était
fabuleux de sortir un disque à cette époque.
Maintenant
c'est toute proportion gardée...
Didier Varrod :
Alors qu'on
dirait que les chances sont multipliées de nos jours,
puisqu'il
y a plus de médias, il y a plus de...
Mylène Farmer : (qui le coupe) Oui c'est vrai...
Didier Varrod :
Il y a plus de chances de passer normalement ! Jean-Louis
Foulquier : Et il va y en avoir encore plus !
Mylène Farmer : Ben oui et non !
Là c'est un
domaine que je... bon je ne pourrais pas expliquer le pourquoi du
comment, mais je n'ai pas l'impression que ça a
apporté
des choses mais j'ai l'impression qu'on régresse aussi.
Enfin
bon, c'est...
Didier Varrod :
Et puis dans les
années 60/70, quand on parlait des chanteuses,
c'était
souvent ce qu'on disait tout à l'heure, des marionnettes...
Mylène Farmer : (qui le coupe) Oui c'est
vrai !
Didier Varrod :
... qui finissent
pas tuer leur père spirituel un jour ou l'autre, mais enfin
c'était quand même la plupart... (la fin de sa
phrase est
incompréhensible car Mylène parle au-dessus)
Mylène Farmer : Oui, oui oui, c'est vrai !
Non mais
c'est bien d'être en 1985, je ne le nie pas. Mais il faut
reconnaitre aussi qu'en 60/70, c'était beaucoup plus
facile !
Jean-Louis
Foulquier : Et est-ce que vous ne pensez pas, chère
Mylène...
Mylène Farmer : Oui... ?
Jean-Louis
Foulquier : ... justement que, le public... Didier Varrod :
Et Dieu dans tout ça ?
Mylène Farmer : (amusée) Je vais le
laisser où il est...
Jean-Louis
Foulquier : ... que le
public, le public... (Didier Varreau et Mylène rient) Oui,
ben,
(en parlant de Dieu sur un ton amusé) Il va vendre
du
disque lui, tiens ! Si je pouvais lui faire faire un 45 tours ! Didier Varrod :
Ah Jean-Paul II est disque d'or toutes les années !
(Mylène rit) Jean-Louis
Foulquier : Oui tu ne
penses pas que le public aussi se désintéresse
aussi un
petit peu de la chanson ? Souvent quand il regarde les
émissions de variété ou quand il
écoute un
peu la radio ? Parce qu'il a l'impression, justement, qu'on
lui
balance automatiquement un produit en période de promotion,
et
qu'ils sont là, passifs et clients potentiels et qu'il a
l'impression que les artistes ne viennent pas pour eux, pour leur faire
la fête, pour leur donner du spectacle ?
Mylène Farmer : (qui le coupe) Ecoutez, moi je peux
vous
répondre quelque chose à cela ! Parce
que moi je
suis en train de faire la promotion de Plus Grandir
et là, j'avoue que c'est un sujet qui est tout à
fait
chaud pour moi. Pour l'instant, il y a des émissions dans
lesquelles je ne passe pas. Je ne veux pas faire le procès
de ce
métier parce que je n'en suis pas encore là. Mais
je ne
comprends pas le phénomène. Oui, je ne comprends
pas la
démarche de ces gens... ils matraquent toujours les
mêmes
personnes finalement, disent que la chanson va mal et font en sorte de
toujours présenter les mêmes personnes, celles qui
ont, la
plupart du temps, le moins de talent. Enfin, je ne sais pas, c'est
vraiment bizarre quoi, ce qu'il se passe en ce moment. Alors je ne sais
pas si c'est en ce moment, mais effectivement, il y a une carence
quelque part, les choses ne vont pas bien !
Didier Varrod :
Enfin ce qui est bien, c'est qu'il y a Jean-Louis Foulquier maintenant,
aussi, hein ? Jean-Louis
Foulquier : Oh je t'en prie !
Mylène Farmer : (très amusée)
Ben parlons-en
de Jean-Louis Foulquier, qui ne m'as pas invitée sur son
émission encore !
Jean-Louis
Foulquier : Ben tu es là ?
Mylène Farmer : Oui... non... pas cette
émission !
Jean-Louis
Foulquier : A la
télé ? (Mylène rit)
(L'émission
"Pollen" fut également diffusée à la
télévision à partir de 1985, sur FR3,
ndlr) Didier Varrod :
Voyez, ils sont tous pareils finalement !
Mylène Farmer : Eh oui !
Jean-Louis
Foulquier : Ecoute, c'est dommage parce que...
Mylène Farmer : C'est dommage ! (Rires)
Jean-Louis
Foulquier : Non non, mais tu as soulevé le
problème !
Mylène Farmer : (très amusée)
C'est vous qui l'avez soulevé...
Jean-Louis
Foulquier : Non non
non ! Je peux te l'annoncer !? Mais je t'ai
prévue,
déjà !
Mylène Farmer : Vous m'avez
programmée ?
Super ! (Rires) (Jean-Louis Foulquier a effectivement
reçu
Mylène quelques mois plus tard, le 4 juin 1986, dans
"Pollen"
sur FR3. Peut-être l'a-t-il reçue avant mais nous
n'en
avons malheureusement pas connaissance, ndlr)
Jean-Louis
Foulquier : Je t'ai
déjà prévue... (Rires) Mais je te le
dirai en
temps voulu. (Mylène approuve
régulièrement les
propos de Foulquier) Mais c'est prévu, parce que j'essaie au
maximum, quand je prépare une émission,
à la
télévision en tous les cas, d'associer des gens,
qui,
pour moi, vont bien ensemble, ou peut-être ont des choses
à se raconter, ou peut-être vont choquer,
justement, parce
qu'ils sont l'un à côté de l'autre,
voilà...
Mais je ne te dis pas avec qui tu seras ! (Mylène
rit)
Diffusion de Capitaine
abandonné de Gold puis de Babby-sitting blues
de Renaud
Jean-Louis
Foulquier : (qui parle avant que la chanson ne soit
terminée) Renaud ! Didier Varrod :
Laisse parler
Lolita ! Ah ben non, il n'y a pas Lolita ! Non parce
qu'à la fin de la chanson, il y a la fille de Renaud qui
fait un
petit happening ! (le chanteur Renaud a une fille, Lola, que
l'on
entend effectivement à la fin de Baby-sitting
blues,
ndlr) Moi je suis ravi qu'on passe Renaud. Moi cette fin
d'année, c'est très bien pour moi
(Mylène rit)
parce que l'album de Renaud est sublime, c'est un petit
génie ce
mec. Et alors j'ai quand même une nouvelle à vous
annoncer ! L'album est sorti il y a moins de dix jours et on
parlait tout à l'heure de la chanson française
qui est
malade. Et bien Renaud est déjà disque de
platine !
Ça veut dire qu'il y a déjà
400 000 personnes
qui se sont précipités chez les disquaires pour
acheter
le nouvel album de Renaud, sans avoir fait une
télévision, à part celle de Jean-Louis
Foulquier ! C'est quand même
extraordinaire ! Jean-Louis
Foulquier : Mais ça fait un moment que
ça dure là, pour Renaud !
Mylène Farmer : Oui je crois que ça
fait...
Didier Varrod :
Oui mais
là, ça s'accentue ! Là je me
dis que ceux qui
ont signé le contrat, là, il n'y a pas longtemps,
ils
doivent être contents, tu vois ! Jean-Louis
Foulquier : Il a la côte d'amour ! Didier Varrod :
Il a la côte d'amour, oui ! Et puis c'est
bien ! Jean-Louis
Foulquier : Oui ! (Il s'adresse à Didier
Varrod) Tu as vu les affiches ? Didier Varreau :
Oui j'ai vu les
affiches. Non mais moi, je suis ravi. C'est vraiment un bel album. Tout
est bon, rien à jeter ! Jean-Louis
Foulquier : Je le
voyais pas si musclé, moi. Je crois qu'il triche parce qu'il
raye les baignoires en réalité... Ou alors il est
allé faire un petit peu de gonflette avant ? (Rires
de
Jean-Louis Foulquier et de Mylène) Didier Varrod :
Non non ! Il a toujours une carrure de sandwich SNCF...
(Mylène et Jean-Louis Foulquier rient)
Diffusion de Solitude
enfin d'Alexandra Pandev
Didier
Varrod : Solitude enfin, d'Alexandra Pandev, c'est son
premier album ! Jean-Louis
Foulquier : C'est très bien ! (Il
s'adresse à Mylène) On a une surprise, parce
que...
Mylène Farmer : (amusée) Oui, c'est une
exclusivité, comme on dit dans le
métier ! C'est la
première fois que ce 45 tours - non, ce n'est pas un 45
tours -,
que cette chanson, donc, va passer en radio. Et c'est issu de l'album,
et cette chanson s'appelle Greta,
et c'est en hommage à Greta Garbo.
Jean-Louis
Foulquier : Alors
ça te démangeait de toute
façon ! C'est
dur, hein, de (Mylène rit) faire des chansons comme
ça
maintenant ? Et puis, on prépare l'album, les
chansons sont
enregistrées...
Mylène Farmer : (qui le le coupe) Oui, c'est
énervant ! (Rires) On a envie de montrer
un petit
peu...
Jean-Louis
Foulquier : (qui la
coupe) On sort un 45 tours et on te dit : "Non, on va
patienter,
on sortira le reste plus tard !" alors qu'on a envie de toutes les
faire écouter !
Mylène Farmer : Oui !
Didier Varrod :
Ce n'est pas fait pour dormir une chanson !
Mylène Farmer : Non non ! La maison de
disques a
écouté quelques-unes de ces chansons mais
finalement,
c'est tout...
Jean-Louis
Foulquier : L'album est presque complet,
là ?
Mylène Farmer : Oui, il manque encore une chanson,
donc je
vais rentrer en studio incessamment et ce sera la clôture...
Jean-Louis
Foulquier : Mais tu as la chanson ?
Mylène Farmer : J'ai la chanson, oui. Je pense que
ce
sera... je pense que je parlerai un peu russe dedans parce que j'ai
appris cette langue, donc je vais mettre un peu de mon savoir.
Jean-Louis
Foulquier : Tu as appris le russe ?
Mylène Farmer : J'ai appris le russe à
l'école, mais j'avoue que je n'ai retenu que quelques
phrases
(rires) parce que c'est une langue très très
dure !
Didier Varrod :
C'est dur ! Moi aussi j'avais appris au lycée.
Mylène Farmer : C'est vrai ?
Didier Varrod :
Mais j'ai tout oublié ! (Mylène rit) Jean-Louis
Foulquier : Bon, eh bien écoutez, moi je n'ai rien
appris du tout... Didier Varrod :
Tu n'as rien appris ? Jean-Louis
Foulquier : Je suis désolé !
Alors on va écouter Greta... Didier
Varrod : Greta !
Diffusion de Greta.
Mylène Farmer : Bip ! (Rires)
Didier Varrod :
Ah la la !
Moi je craque complètement là !
20/20 !
(Mylène rit) C'est tout à fait ce que
j'aime !
Mylène Farmer : Merci ! Il y a un truc qui
est magique
tout le temps, c'est d'associer une voix chantée puis les
voix
de Greta Garbo, c'est...
Didier Varrod :
Et puis il y a
toujours chez toi des arrangements très
travaillés, des
ambiances un petit peu fatales, comme ça ! Jean-Louis
Foulquier : C'est toujours l'équipe ?
Mylène Farmer : C'est toujours la même,
oui !
Jean-Louis
Foulquier : Vous avez regardé beaucoup de films de
Greta Garbo ?
Mylène Farmer : De Greta Garbo, oui, on a fait
toute sa filmographie.
Jean-Louis
Foulquier : Et une chanson sur Greta. C'est une
idée de toi aussi ?
Mylène Farmer : Je crois que c'est une
idée commune.
C'était, je ne dirais peut-être pas une passion,
mais
presque ça.
Jean-Louis
Foulquier : Tu es fascinée par Greta ?
Mylène Farmer : J'adore Greta Garbo, oui !
Je trouve
que c'est une actrice merveilleuse. Et puis j'aime bien sa vie, j'aime
bien le déroulement de sa vie. Contrairement à
beaucoup
de personnes, je trouve que c'est une très forte
personnalité. Enfin c'est une femme qui est une force de la
nature. Alors qu'on la décrit comme étant
plutôt
une pauvre fille qui n'a pas résisté à
l'emprise
d'Hollywood. Et... moi j'ai commencé à lire un
peu la vie
de cette femme et j'avoue que je n'ai pas encore trouvé des
ouvrages... comment dire... qui retracent bien sa vie. Donc je vais
continuer à prospecter et à rechercher des
livres !
Jean-Louis
Foulquier : Eh bien merci pour cette
exclusivité !
Mylène Farmer : Eh bien c'était un
plaisir ! (Petit rire)
Jean-Louis
Foulquier : Et puis on va se quitter avec une autre chanson de
toi... Didier Varrod :
Oui, Jean-Louis,
c'était notre hymne toute cette année
(Mylène
rit) ! "On est tous des imbéciles, mais ce qui nous
sauve,
c'est le style !" (nous entendons Mylène qui chante
"c'est
le style") Et ça, ça a été
notre hymne en
1985 ! (Mylène rit) Alors c'est pour ça
que je suis
très content que l'on passe cette chanson ! Jean-Louis
Foulquier : Merci Mylène !
Mylène Farmer : Mais c'est moi !
Jean-Louis
Foulquier : À bientôt ?
Mylène Farmer : À
bientôt !
Jean-Louis
Foulquier : Sur un plateau de
télé !
Mylène Farmer : Eh bien par exemple !
(Rires)