Cécile
Tesseyre : De Libertine à Pourvu
qu'elles soient douces,
vos chansons ont toujours été un peu
osées. Jusqu'où irez-vous ?
Mylène Farmer : Je ne m'autorise pas de limites. En ce
moment, je n'écris pas, la question ne se pose donc pas...
Certains trouvent
vos paroles choquantes...
Dans Sans
contrefaçon, je dis : "Je me fous du qu'en
dira-t-on". C'est vrai. Malgré tout, je pense avoir beaucoup
d'interlocuteurs favorables puisque le 33 tours, Ainsi soit je...
approche déjà les 600.000 exemplaires vendus.
Et vos parents,
votre famille...
Nous n'avons aucun dialogue sur ce sujet. Nous sommes une famille de
longs silences, mais qui ne sont pas pour autant de longs creux...
L'amour, le couple
sont-ils importants pour vous ?
Pour moi, l'amour est fondamental pour la
créativité. J'aime beaucoup cette phrase du
romancier Luc Dietrich, qui dit que "L'amour est un grand courage
inutile". Je suis comme mes chansons, libertine, douce et
fidèle. Très fidèle.
Êtes-vous
heureuse ?
Je suis incapable de répondre. Une fois de plus, c'est un
paradoxe. Pour moi, l'amour doit être grandeur et
décadence.
Lio vient de poser
nue pour "Lui". Vous apparaissez dénudée dans
certains de vos clips. Vous imiteriez Lio pour des photos ?
Non. On me l'a déjà proposé, pour une
somme d'ailleurs très rondelette. Je ne le ferai jamais car
je n'éprouve aucun plaisir à cela. La seule
motivation de ceux qui acceptent est l'argent. Quant à Lio,
je me garderai bien de la juger, car c'est une artiste que je respecte
beaucoup.
Que dit votre
courrier ?
Je reçois de plus en plus de lettres, et j'ai de moins en
moins le temps d'y répondre, car je ne veux
déléguer ce bonheur à personne. Je
reçois de longues lettres de gens qui ont le mal de vivre et
qui cherchent un dialogue ou une consolation. Ma meilleure
façon de leur répondre, c'est à
travers les chansons. Je n'ai jamais reçu de lettre
d'insultes !
En allant chercher
votre trophée aux "Victoires de la musique", vous avez dit
être à la fois très heureuse et
très triste.
C'était un grand moment d'émotion. J'ai toujours
eu du mal à distinguer le bonheur de la tristesse. Chez moi,
ils se conjuguent parfaitement. En prenant ma récompense,
j'ai vu défiler les plus belles images de ma vie et les plus
cruelles aussi. On dit bien que la jouissance est une petite mort. Je
n'ai pas voulu chasser le naturel, je n'avais
préparé aucun texte, j'ai tout dit
spontanément. D'autres choses sont également
intervenues, mais je tiens à les garder secrètes.
Comment avez-vous
célébré cette Victoire ?
Dans le silence. Dans la voiture, en quittant le Zénith,
avec mon manager Bertrand LePage, nous n'avons
échangé aucun mot. J'étais assise
à serrer très fort entre mes mains cet objet
très lourd. C'est ma manière de vivre les choses.
Mon sens de la fête est le repli sur soi sans occulter le
bonheur. Chez moi, j'ai placé la Victoire dans mon salon,
sur un haut-parleur. Comme beaucoup d'artistes, j'ai
été étonnée. Je ne vois
aucune inscription sur le trophée, pas même la
catégorie. Tout juste "Victoires de la Musique 1988". Je
regrette cet anonymat.
Et le lendemain ?
Je suis redescendue sur terre en me plongeant dans le travail, qui est
surtout une préparation physique en vue du Palais des
Sports, en mai 89.
En quoi consiste
cette préparation ?
Du sport. Pour l'instant, je le pratique à la dose minimale
de quatre fois par semaine pendant environ quatre heures et demie.
Ensuite, je m'entraînerai tous les jours. Par exemple, je
commence le matin, à 10h00, par une séance de
jogging. Le mot a été un peu galvaudé,
mais disons qu'il s'agit de courir en ayant de belles
foulées et en obtenant un rythme cardiaque en harmonie avec
la course. Le résultat doit être de pouvoir courir
une heure sans s'arrêter, sans fatigue, et en
récupérant son souffle rapidement. C'est un
travail de haute précision, dirigé par mon
entraîneur, Hervé Lewis.
(Après
le footing, elle rencontre un pêcheur à la ligne) :
Sans avoir la passion de Dominik du groupe Indochine, j'aime
à regarder ces gestes silencieux. Ce doit être
très reposant.
Et ensuite ?
Nous retournons à son appartement, où Rambo a
installé une salle de sport. Un travail comparable
à celui d'une danseuse. Après vient le moment du
repas. Une bonne alimentation est indissociable d'un bon
entraînement physique. Mes repas sont établis par
un cuisinier diététicien
(Emmanuel Engrand,
le chef cuisinier du restaurant "Distrimo") :
Il m'a enseigné des menus variés et
équilibrés (du poisson et des
légumes-crudités) et surtout à manger
lentement et à boire peu pendant les repas. Le plus dur a
été d'arrêter la cigarette,
même si je ne fumais pas vraiment.
Cet
entraînement vous a-t-il changée ?
Mon corps a changé. Pendant vingt-quatre ans, je n'ai pas
fait de sport, hormis l'équitation et les cours de gym
à l'école. Avant, j'avais l'impression
qu'après trois ou quatre séances, je serais
épuisée. Or, mon énergie est
décuplée. Dès le début, mon
entraîneur a fait en sorte que je ne souffre pas de
courbatures. Quant à ma manière de travailler,
elle a gagné en rigueur...