Télé 7
Jours : Son ressenti actuel
Mylène Farmer : Une expérience comme celle que je
viens de vivre m'a
forcément changée. Je ne suis toujours pas
capable
d'exploser de joie, mais j'ai appris à sourire. Disons que
ma
confiance en moi a remonté de deux points.
Confiance en elle sur le
plan professionnel au moins :
Depuis que j'ai commencé à chanter, j'ai toujours
su
que je parviendrais à ce à quoi je suis parvenue
: me
faire accepter par le public telle que je suis, sans concession sur ce
qui fait ma différence.
Sa rencontre et son
influence sur son public :
Jusqu'à ce que je monte sur scène, je n'avais pas
compris le retentissement que mes paroles pouvaient trouver
auprès du public. Je chantais mes peurs, j'exorcisais mes
fantasmes avec le sentiment de crier. Là, dans la communion
avec
le public, dans la ferveur, j'ai mesuré l'énorme
attente
que ces jeunes avaient de moi.
Ce constat la bouleverse :
Je n’étais plus seule.
L'écriture de
la chanson A
quoi je sers... :
J'ai écrit A
quoi je sers... un peu
après le début du Palais des Sports. Parce que
c'est la
question que je me suis posée. [...]
Justement à cela : à crier ce que les autres
n'osent pas
crier.
Sa réticence
lors des premiers concerts :
Je crevais de trac. Mais je me suis dit que si je ne parvenais pas
à chanter, j'en mourrais. [...] Je voulais maintenir une
certaine distance avec le public. Parce que le
racolage n'est ni dans mes principes ni dans ma nature. Mais en
chantant Je
voudrais tant que tu comprennes,
que j'ai
emprunté à Marie Laforêt, j'ai senti
les larmes me
monter aux yeux. Les premiers soirs, j'ai refusé de les
laisser
couler. Puis, j'ai fini par admettre que cette fausse pudeur
n'était que lâcheté, devant un public
qui demandait
des émotions vraies.
Ceux qui la
soupçonnent de cultiver un genre morbide et pervers pour
flatter les fantasmes les plus tordus ou les plus noirs du public :
Cultiver, cultiver, comme si on cultivait autre chose que ce
que l'on est. Je ne pense pas que le public soit idiot. Il ne marche
pas longtemps derrière des mirages. Mais c'est vrai que
lorsqu'on commence, on a tendance à s'exagérer un
peu
pour mieux s'affirmer.
Son équilibre :
J'ai heureusement en moi une force qui me dit que je n'irai pas
jusqu'au bout ; pas vraiment un bonheur à vivre qui me
retienne,
plutôt une volonté. Mais si je ne veux pas
d'enfants,
c'est justement pour avoir la possibilité, si cette
volonté venait à me faire défaut, de
tirer un jour
ma révérence.
Son passé :
Je suis un peu plus en paix avec mon passé. J'ai
détesté mon enfance et mon adolescence. Mais
aujourd'hui,
je pense que ce que j'ai vécu a fait de moi celle que je
suis.
Je n'ai rien oublié, mais j'en veux moins à ceux
qui
m'ont fait souffrir. Eux aussi étaient prisonniers de leurs
problèmes. [...] Si je n'avais pas eu l'occasion de
voir un être très
cher se laisser détruire par la drogue, j'aurais
peut-être
été tentée d'y plonger. Si je peux
prendre des
risques pour mon équilibre mental, je n'accepterai jamais
cette
déchéance physique à laquelle condamne
la drogue.
Son doute permanent :
Je sais qu'il me sera toujours difficile de me sentir sereine et que je
devrai toujours me battre.
Son exigence maladive :
Je n'accepterai jamais d'offrir au public un produit
bâclé. Ou alors je préfère
annuler. [...] Un
spectacle doit être une chose unique. A tel point que je
me demande si j'aurai envie de remonter sur scène de nouveau
après Bercy. La rencontre avec la scène a
été pour moi la révélation
la plus forte de
ma vie. Comme un premier amour . Ça ne se refait pas.
Elle a
décidé de s'offrir une pause en tournant ses
regards vers le cinéma :
Je n'ai pas le droit de me tromper et pas non plus le droit de ne pas
oser.
Elle rêve de
réalisateurs de la trempe de David Lean ou Tarkovsky :
S'il le faut, je m'expatrierai. D'ailleurs, je travaille
déjà mon anglais. Au cinéma aussi j'ai
le
sentiment que j'ai des choses à donner. [...] J'ai encore
besoin de
beaucoup d'affection. [...] J'ai peut-être aussi un petit peu
moins
peur de grandir.