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Mylène Farmer - Interview - Télé Moustique - 12 octobre 1989



  • Date
    12 octobre 1989
  • Média / Presse
    Télé Moustique (Belgique)
  • Interview par
    Rudy Leonet
  • Fichiers
    Mylène Farmer Presse Télé Moustique 12 octobre 1989 Mylène Farmer Presse Télé Moustique 12 octobre 1989  Mylène Farmer Presse Télé Moustique 12 octobre 1989
  • Catégories interviews



Télé Moustique : Pourquoi êtes-vous si avare d'interviews ? Pourquoi est-ce si difficile de vous rencontrer ?
Mylène Farmer : Je n'aime pas banaliser les interviews, ni répéter toujours les mêmes choses... Et puis encore et encore parler de moi, ça devient aliénant. Je n'ai pas envie non plus de prolonger les chansons, de m'expliquer, de me justifier...


Télé Moustique : Je pensais que ça vous était vraiment trop pénible de devoir aborder des sujets intimes face à face avec un étranger dans un système de questions / réponses contre nature...
Mylène Farmer : ... (Son nez se pince et elle secoue la tête pour acquiescer, comme embarrassée d'être prise sur le fait.)


Télé Moustique : Choisir le silence, c'est aussi parfois donner le champ libre aux rumeurs...
Mylène Farmer : J'y suis vraiment indifférente. Elles sont souvent basées sur du ressentiment et de la mauvaise foi.


Télé Moustique : Comme la rumeur du play-back pendant les concerts ?
Mylène Farmer : Bien sûr. Je n'ai jamais accepté de faire une seule émission de télévision en chantant en direct. Sur un plateau de télé, je n'ai aucun contrôle sur le son. Je ne veux pas jouer à la roulette russe avec mes chansons. Elles me sont trop importantes. Donc, on a immédiatement conclu que je ne savais pas chanter et que mes concerts seraient en play-back. Ca m'est égal. Je sais d'où vient la rumeur, je sais où je vais et ce qu'en pensent ceux qui viennent me voir. Tant pis pour les autres.


Télé Moustique : Si la critique ne vous touche pas, êtes-vous émue par les récompenses ? Je me souviens de cette soirée des "Victoires de la Musique" où vous avez reçu votre trophée en déclarant : "Je suis contente et triste"... Mais qu'est-ce qui vous a poussée à dire que vous étiez triste alors qu'on vous récompensait ?
Mylène Farmer : J'ai passé des heures en coulisses pour les répétitions de cette soirée télévisée. Tout le gratin du show-business était là et ces gens m'ont écoeurée. Ils se détestent tous. J'étais triste d'avoir été récompensée et reconnue par ces gens-là. Ce sont les Victoire de l'Hypocrisie. J'ai failli m'enfuir, mais je suis restée pour faire plaisir aux gens qui regardaient l'émission. Ils n'auraient pas compris...


Télé Moustique : Vous n'avez pas d'amis dans ce métier ?
Mylène Farmer : J'aime bien Lio et Jean-Jacques Goldman. Mais je les connais assez peu...


Télé Moustique : C'est si important, pour vous, d'être rousse ?
Mylène Farmer : ... (Silence) ... Cela a été important à une époque... Maintenant, ça l'est moins puisque ça fait partie intégrante de moi... Je ne me défie plus en me regardant dans un miroir...


Télé Moustique : Votre date de naissance imaginaire (1985, dans sa biographie officielle) correspond très exactement au moment où vous avez choisi de vous teindre les cheveux... (ce qui est faux, Mylène s'est teint les cheveux en roux en 1986, ndlr)
Mylène Farmer : ... C'est vrai... C'est quelque chose que je devais vomir. J'ai toujours eu ça en moi sans oser l'afficher. Cette façon d'être différente... Et en l'incarnant physiquement, je ne pouvais plus reculer. J'ai détruit quelqu'un pour en devenir un autre... C'était difficile, comme un défi aux autres...


Télé Moustique : "Ainsi soit je, ainsi va ma vie, tant pis..." ? (erreur dans les paroles, ndlr)
Mylène Farmer : ... Oui... (Elle sourit, regarde le sol.)


Télé Moustique : Vous vous souvenez de votre première rencontre avec Laurent Boutonnat ?
Laurent Boutonnat : Non.


Télé Moustique : Vous semblez si catégorique sur l'absence de souvenirs...
Mylène Farmer : En fait, j'y repense très souvent et je n'arrive pas à me rappeler... Même pas son visage... Je me souviens que quelqu'un était là, mais rien de plus... Ça m'ennuie…


Télé Moustique : Jusqu'au deuxième single, On est tous des imbéciles, Laurent écrivait les chansons avec Jérôme Dahan, qui a disparu ensuite...
Mylène Farmer : C'est lui qui est parti... Je pense qu'il s'est senti comme un intrus dans la relation exceptionnelle qui se dessinait entre Laurent et moi...


Télé Moustique : Relation exceptionnelle ?
Mylène Farmer : C'est mon jumeau, mon double, mon complément vital. Il comble mes vides... On ne peut pas être doué pour tout. Ensemble, nous complétons deux personnalités pour faire un tout.


Télé Moustique : On est tous des imbéciles est un disque hybride. Il n'est repris sur aucun album, n'a pas eu droit a une vidéo. Il a été écarté comme une bavure.
Mylène Farmer : J'aime beaucoup cette chanson, mais elle marquait la fin d'une époque, la fin d'un cycle... Un peu comme aujourd'hui, on est à la fin d'un cycle... Il va y avoir des choix à faire... Je ne sais pas encore lesquels. Les choses s'imposeront d'elles-mêmes.


Télé Moustique : C'est la phrase de A quoi je sers... : "A présent, je peux me taire si tout devient dégoût" ?
Mylène Farmer : Non, non. C'est un peu léger, comme le clip avec les fantômes qui m'emmènent. C'est une image un peu facile, même si elle contient une partie de vérité.


Télé Moustique : Et la pochette en noir et blanc comme un faire-part mortuaire, comme des adieux...
Mylène Farmer : Non, il y aura d'autres disques...Plus tard...Vous aimez cette photo ? C'est Marianne (Marianne Rosenstiehl, ndlr) qui l'a prise dans ma loge au Palais des Sports... Je l'adore.


Télé Moustique : Y a-t-il un but secret que vous vous êtes fixée depuis le premier jour ?
Mylène Farmer : Oui, j'ai un but à atteindre...


Télé Moustique : Très précis ?
Mylène Farmer :  Oui, très précis... (Catégorique.)


Télé Moustique : Quand vous vous déshabillez dans un clip, c'est pour répondre à l'attente de qui ?
Mylène Farmer : Du scénariste, donc de Laurent. S'il pense que c'est utile pour son film... J'ai confiance en lui. Mais aujourd'hui, je sais que c'est fini et qu'on ne le refera plus.


Télé Moustique : Quand vous parlez de Laurent Boutonnat, vous citez la confiance, le respect, l'admiration. On n'est pas très loin d'un sentiment amoureux...
Mylène Farmer : (Sourire.) Je ne veux pas parler de ma vie privée. Je vous dirai seulement que je ne peux pas la dissocier de ma vie professionnelle.


Télé Moustique : Vous êtes possessive ? Vous accepteriez qu'il travaille avec quelqu'un d'autre ?
Mylène Farmer : Je sais qu'il ne le ferait pas. Pour l'instant, il ne pourrait pas trouver ailleurs ce que je peux lui apporter. L'inverse est vrai aussi...


Télé Moustique : Toutes vos idoles sont des personnages historiques : Louis II de Bavière, Edgar Allan Poe, Baudelaire... Rien ne vous rattache vraiment à vos contemporains ?
Mylène Farmer : Vous savez, je ne suis pas très cultivée... Il y a probablement beaucoup de gens que j'admirerais énormément si je les connaissais... J'ai mes références, celles que j'ai trouvées dans les livres. J'ai lu beaucoup quand j'étais petite. Aujourd'hui, je ne lis presque plus. Je le regrette.


Télé Moustique : Où en est le projet de long métrage pour le cinéma de Laurent Boutonnat ?
Mylène Farmer : Il va le faire. On a trouvé l'argent pour le monter. Il commence le tournage après la tournée.


Télé Moustique : Il y a un rôle pour vous ?
Mylène Farmer : Je ne sais pas…Peut-être...


Télé Moustique : Vous avez envie de tourner dans ce film ?
Mylène Farmer : Oui...


Télé Moustique : Laurent vous l'a proposé ?
Mylène Farmer : Oui. (Amusée.)


Télé Moustique : Eh bien alors ?
Mylène Farmer : Bon ! Oui, je jouerai dans le film.


Télé Moustique : Ça parle de quoi ?
Mylène Farmer : Il est trop tôt... Je vous le dis, mais vous me promettez de ne pas l'écrire...


Télé Moustique : C'est juré. Alors ?
Mylène Farmer : ...


Télé Moustique : Vous vous êtes bien amusée sur scène, pendant les concerts ? Je veux dire dans le sens purement enfantin du terme.
Mylène Farmer : Oui, il y a eu de ça. Mais pas que ça. C'est très stimulant. En deux heures, on passe par autant de sentiments différents qu'en dix ans de vie. Je n'étais pas sûre d'aimer ça avant de le faire. C'est pour ça que ce spectacle a été conçu comme le dernier. Je n'étais pas certaine de remonter sur scène après cette première expérience. Tout dépendra de la tournée. J'ai très peur de me retrouver sur les routes, dans une chambre différente tous les soirs... Je ne sais pas...


Télé Moustique : En décembre, vous clôturerez la tournée par deux dates exceptionnelles à Bercy. La grandeur de la salle (15 000 personnes) vous fait peur ?
Mylène Farmer : Oh ! non. Pas du tout. J'aurais tremblé à l'Olympia mais pas à Bercy.


Télé Moustique : Un peu comme la peur du tête-à-tête en interview ?
Mylène Farmer : ...  Oui, une peur de promiscuité et d'intimité.


Télé Moustique : Vous êtes heureuse de tout ce qui vous arrive ?
Mylène Farmer : (Soupir.) ... (Silence.) ... Mary Shelley (auteur du roman Frankenstein en 1818) a dit un jour : "Je ne veux pas être de celles que l'on aime, je veux être de celles dont on se souvient"...


Télé Moustique : Mais pour en arriver là, elle a été obligée de créer un monstre... !
Mylène Farmer :  ... Oui...oui...

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