Je trouve ça
plutôt sexy... J'adore le smoking. Un
vêtement intemporel et raffiné.
Le cigare, le smoking, la
pose, on pense irrésistiblement à Marlene
Dietrich...
Ou à Julie Andrews dans Victor
Victoria. Des femmes courageuses qui
n'hésitaient pas à jeter le trouble à
une époque où les femmes étaient
confinées au foyer. Le plus troublant, finalement, est
l'impact érotique de ces femmes sur les hommes. La
subversion attise les sens...
Auriez-vous
aimé vivre dans ces années 1930 où
l'ambiguïté sexuelle était
assumée, acceptée et presque
élevée au rang d'art de vivre ?
Probablement pas. Cette ambiguïté était
réservée à une élite
artistique. Les femmes n'avaient pas d'autres droits que celui de vivre
dans l'ombre, sans pouvoir exprimer leur voix et qui plus est,
contraintes par une morale guidée par une
société machiste et rétrograde. Dans
un espace aussi étroit, seul le pouvoir de
séduction restait une valeur sûre. C'est important
mais pas suffisant pour s'épanouir.
Auriez-vous pu ou
êtes vous déjà tombée
amoureuse d'une femme ? D'une belle personne, homme ou femme, oui sans
hésitation. Le coup de foudre, la passion ça
existe. Serait bien imprudent celui qui pense maîtriser
l'élan du coeur.
Qu'y a-t-il de masculin
en vous ?
Rien. Je me sens profondément femme avec les
qualités et les défauts d'une femme.
Qu'y a-t-il de
fondamentalement différent entre un homme et une femme ?
L'intuition sans doute... D'ailleurs ne parle-t-on pas d'intuition
féminine ? Les hommes et les femmes sont
différents et cette différence est une richesse.
Tout ce qui tend à lisser cette différence est
contre nature. L'uniformité est l'antichambre de l'ennui.
Chaque personne devrait être respectée pour sa
personnalité et non selon une différence
chromosomique.
Auriez-vous
aimé être un homme ?
[Sourire.] Non je ne crois pas... Ou peut-être par
curiosité, l'espace d'un instant. Pour comprendre ce qui
reste parfois un mystère.
Y'a-t-il, selon vous, une
musique pour les hommes et une autre pour les femmes ?
Certainement pas. Une mélodie peut cueillir chacun d'entre
nous. Et révéler en nous des émotions
inattendues. La musique touche des sentiments qui dépasse
largement la question du sexe.
Jean-Paul Gaultier et,
avant lui Yves Saint Laurent ont gommé les
différences vestimentaires entre les hommes et les femmes.
Pensez-vous qu'ils aient plus fait pour l'égalité
des sexes que bien des mouvements revendicatifs et bruyants ?
Ils ont donné une silhouette à une
époque qui était prête à
l'accepter. C'est un hommage de deux hommes aux femmes de leur vie...
[Sourire.] Yves Saint Laurent et Jean-Paul Gaultier ont compris les
femmes avec élégance. Greta Garbo ou Lauren
Bacall étaient des femmes d'une
élégance folle. Elles avaient un style, bien plus
qu'une mode qui va et vient. Le style perdure. Les couturiers de
génie ont fait bouger les lignes.
Vous comportez-vous
exactement de la même façon avec vos amies femmes
et vos amis hommes ?
Oui, bien sûr. Et je passe sans effort d'une humeur
vestimentaire à une autre. Du talon aiguille aux godillots
de
Chaplin. J'étais garçon manqué. Mais
j'aime les dessous chics. Tiens... Je n'ai jamais essayé des
dessous chics avec des godillots... Peut-être une
idée pour Jean-Paul ?
La question du mariage
pour tous enflamme la société
française. Y êtes-vous favorable ?
Je me suis déjà exprimée à
ce sujet. Il me semble que c'était dans Têtu,
d'ailleurs. Je ne pense pas que cette question doit être
regardée du point vue de la morale. La
Déclaration des droits de l'homme commence par : "Les hommes
naissent et demeurent libres et égaux en droits." De
nombreuses personnes ont payé au prix de leur vie pour que
ce principe soit appliqué. Mon point de vue est sans
ambiguïté : je préfère un
mariage gay à un mariage triste. [Sourire.]
Et l'adoption par des
couples homosexuels ?
Si c'est le droit pour des orphelins d'investir un foyer chaleureux,
c'est un progrès. L'amour panse les plaies quand il est
réel et authentique.
Comment expliquez-vous
que vous soyez si populaire chez les homos ?
Je ne suis pas certaine de pouvoir mesurer cette popularité
communautaire. Et cela va au-delà de toute orientation
sexuelle. Tout artiste a
un lien identitaire avec son public. Les raisons sont multiples,
complexes et mystérieuses.
Elle m'a dit - la
première chanson de votre nouvel album - évoque
une
relation d'amour entre deux femmes. Avez-vous
hésité à l'écrire ou
était-ce aussi naturel qu'un autre texte ?
Lorsque j'ai écrit cette chanson, nous n'étions
pas coeur du débat qui anime notre
société. Elle m'est
venue spontanément comme tout ce que j'écris.
Le dernier couplet dit :
"Elle aime une fille, elle se sent au bord du rebord." Du rebord de
quoi ? Du rebond ou du grand saut dans le vide ?
Du grand saut dans le vide. Quand on a le coeur dans la gorge, qu'on a
le sentiment de n'être plus compatible avec la vie. C'est
cela être au bord du rebord, au bout du
chemin...
Pensez-vous que
l'homosexualité féminine soit moins bien
acceptée que celle des hommes ?
Je le crains. C'est semble-t-il une inégalité
entre les hommes et les femmes.
Vous arrive-t-il de
choisir des musiques ou d'écrire spécialement des
textes pour ce public ?
Non. Lorsque j'écris, j'exprime des idées
mêlées de mots et de sons. Je lance des bouteilles
à la mer sans savoir où elles
échoueront. Parfois, elles ne se perdent pas dans
l'océan !
Votre disque et les
affiches de votre tournée vous montrent en blanc platine.
Est-ce l'occasion de vous réapproprier votre
personnalité et votre image ?
C'est curieux de se voir autrement ! Mais pas d'inquiétude :
à l'issue de ce voyage astral, je
réintègrerai mon corps !