Wit FM :
Mylène Farmer, bonjour.
Mylène Farmer : Bonjour.
Et, avant
même la première question,
j'ai envie de vous dire merci parce que c'est un
grand privilège que de vous recevoir. Vous accordez peu
d'interviews. On aura sans doute l'occasion
d'en reparler un petit peu plus tard. Le seul ennui,
c'est que j'ai à peu près
3212 questions à vous poser... (rires de Mylène)
L'album Innamoramento
est sorti depuis quelques jours...
Oui.
Je m'applique sur
la prononciation. Pour ceux qui ne
l'ont pas encore découvert, vous le
définiriez comment ?
"Innamoramento" exprime le choc amoureux. Donc, j'ai
tenté dans cet album de décliner
l'amour dans son spectre le plus large. J'ai
également été
intéressée par ce mot parce que, à
l'intérieur, il y a 'amour', il y a 'mort', autant
de choses qui font partie du sentiment amoureux.
C'est vrai que
c'est un titre un peu
étrange. La première question qu'on se
pose quand on découvre la pochette, c'est :
"Ça veut dire quoi Innamoramento ." et donc...
Si on cherche bien, il y a...
C'est une
contraction de l'italien, me semble-t-il ?
C'est un mot italien. Le mot correspondant dans la
langue française, c'est le verbe
s'énamourer, mais qu'on n'utilise plus, ou peu.
Vous travaillez
avec la même équipe depuis le
début de votre carrière ?
Oui.
Concrètement,
vous fonctionnez comment dans le travail ?
Dans le travail ? Ecoutez, habituellement c'est la
musique qui vient avant les mots. Parfois, je retravaille avec Laurent
sur la mélodie de voix. Et puis, après, je me
mets de mon côté, j'écris les
textes et puis après nous allons en studio, et puis
ça va progressivement.
L'écriture
vient facilement ?
L'écriture parfois vient
facilement et, parfois c'est difficile.
Qu'est ce qui vous
inspire ? C'est la musique
spécifique de Laurent ou ce sont des choses que vous vivez
et que vous avez envie d'exprimer ?
Je crois que la musique est importante, elle est toujours
à la... enfin, il me semble, quand on écoute une
musique classique, elle va évoquer ou fait naître
en vous des sentiments. Et là, j'y trouve un
thème que j'ai envie d'exprimer. Parfois
le texte, même s'il n'est pas
écrit, en tout cas le thème, je l'ai en
tête et je vais chercher sur quelle musique il sera mieux mis
en valeur. Mais, c'est d'abord la musique et
après l'écriture.
Vous
écrivez autre chose que des chansons ?
Non. C'est parce que je ne m'autorise que la
chanson pour m'exprimer.
La sortie d'un
album, comme ça a
été le cas il y a quelques jours, c'est
un jour douloureux ? Ça vous angoisse ?
C'est plus angoissant que douloureux. Avec toujours
l'idée du rejet, l'idée que
l'autre ne va pas vous écouter ou avoir
l'envie de vous écouter.
Avant la sortie,
vous le faites écouter à des
proches pour avoir déjà quelques
premières réactions par rapport à tout
le travail que vous venez d'effectuer ?
Pas réellement, puisque ces proches que vous
évoquez, en général viennent en studio
; donc, j'allais dire, font partie presque
intégrante de l'album, donc voient comment
ça se construit et l'écoutent. Ils font
bien évidemment leurs commentaires. Mais moi,
spontanément après, faire des écoutes,
non je ne le fais pas.
Et par la suite,
vous êtes une artiste qui suit beaucoup les
ventes ?
Ecoutez, je pourrais être très hypocrite et
vous dire que ça ne m'intéresse pas
mais, c'est après tout la
révélation, le révélateur
du nombre de personnes qui ont envie, là encore, de vous
écouter. Donc, oui, bien sûr.
Mylène,
on le disait en tout début
d'interview : vous êtes rare dans les
médias, on vous voit peu, on vous entend peu. Pourquoi ?
Parce que ce n'est pas un exercice qui m'est
très facile et que j'ai du mal, et que je crois
que je n'aime, dans le fond, pas beaucoup parler de
moi-même.
C'est donc aussi
une manière de vous
protéger ?
Probablement, oui.
Ça vous
permet également
d'éviter tout ce qui est plus people. Parce que
c'est vrai qu'on vous voit peu également
dans la presse people...
Si ce n'est que le people se sert quand même
de moi et dit bon nombre d'âneries. Mais
c'est une forme, oui, sans doute de protection.
Vous surveillez ce
qui est écrit sur vous, ce qui se dit ?
Sans parler uniquement de la presse people. Ça peut
être très bien une critique de l'album
dans Libé.
Non, ça bien sûr que non, puisqu'on ne
maîtrise absolument pas ce sujet-là. Si je donne
une interview pour un journal, je demande à relire le
papier. Mais, on ne vous fait relire que vos propres
réponses et je trouve ça tout à fait
légitime puisqu'on est - j'allais dire
l'ensemble des artistes - extrêmement
échaudés. Le propos est sans cesse
changé, extrait et sorti de son contexte pour le remettre
dans un autre. Donc, la reformulation parfois est tout à
fait détestable. Donc c'est vrai que je demande de
plus en plus de contrôle.
Vous
réagissez comment face à la critique ?
Oh ! Très bien ! L'idée que des
personnes n'aiment pas ce que je fais, ne m'aiment
pas est tout à fait normale. Et puis dans le fond, tant
mieux ! Il faut avoir des ennemis. Il faut soigner ses ennemis
!
L'image que les
gens ont de vous est l'image
réelle de ce que vous êtes ?
C'est l'image que j'ai envie
qu'on ait de moi, en tout cas.
Je peux le
confirmer pour tous les gens qui m'en ont
parlé avant cette rencontre : vous êtes
très, très belle...
Oh ! C'est gentil !
Vous vous jugez
comment ? Vous vous trouvez comment ?
Je ne suis pas ma plus grande admiratrice. (rires) Mais
j'apprécie, merci !
On va
tâcher d'en savoir un peu plus sur vous. Vous
vivez où ?
A Paris.
Toute
l'année? On a lu beaucoup de choses sur Los
Angeles, sur…
Oui, non... Los Angeles a été des fractions
dans ma vie qui étaient essentiellement dirigées
sur l'album. Donc j'ai souhaité
enregistrer ce nouvel album encore à Los Angeles, qui est
une ville essentiellement de travail me concernant.
A Paris, vous
réussissez à avoir une vie, je
dirais, "normale" ? Vous réussissez à sortir,
à aller...
Je peux sortir si c'est mon souhait. Maintenant,
c'est vrai que j'ai de par mon caractère
un peu plus de mal à sortir à Paris
qu'à New York.
Chez vous, c'est
décoré comment ?
Il y a beaucoup de peintures et il y a beaucoup de bois.
Quand vous ne
travaillez pas, vous faites quoi ? Vos loisirs,
ça tourne autour de quoi ?
J'aime la lecture, j'aime la peinture, je vois
beaucoup...
Vous pratiquez ?
Non. Non. Je l'apprécie. (rires) Je dessine
parfois, en revanche. Et j'aime le voyage. J'ai la
chance de pouvoir voyager, d'avoir du temps pour
ça. C'est ce que j'ai fait pendant ces
quelques années.
En
préparant cette émission, j'ai
évidemment pensé à vous.
J'ai eu beaucoup de mal à vous imaginer en train
de faire la cuisine... Ça arrive ?
Vous avez raison ! Je ne sais pas faire la cuisine ! (rires)
Bon, donc ce soir
on ne mange pas chez vous ! Je crois savoir que vous
avez un singe aussi ?
Oui.
Il s'appelle E.T. ?
Oui.
Comment va-t-il ?
ELLE va très bien !
ELLE va bien ?
Oui !
Au temps pour moi !
C'est une petite fille.
Ça se
passe comment ? Parce qu'on est
habitués à avoir des animaux domestiques qui sont
des animaux, je dirais, "classiques" : chiens, chats, oiseaux,
poissons... Avec un singe, ça se passe comment ?
De la même façon. Il y a peut-être
davantage de communication, je n'en suis même pas
sûre, si ce n'est que le singe a quatre mains.
(rires) Donc, le toucher est très important.
Maintenant, la caresse est appréciée par tous les
animaux. Mais c'est vrai que c'est assez
extraordinaire.
Si vous n'aviez pas
rencontré
Jérôme Dahan et Laurent Boutonnat au tout
début de votre carrière, vous ne seriez
peut-être pas chanteuse. Vous auriez aimé faire
quoi ?
Le cinéma est quelque chose qui me tentait
énormément. Je pensais devoir et faire du
cinéma, et puis c'est la chanson qui est venue
à moi et j'en suis très heureuse.
On marque une
nouvelle pause dans cette émission. C'est
Mylène Farmer qui est avec nous aujourd'hui sur
Wit FM. A tout de suite.
Mylène
Farmer avec nous sur Wit FM. Mylène, mine
de rien, vous approchez de la quarantaine, même si vous
masquez bien votre jeu. Vieillir, c'est quelque chose qui vous
inquiète ?
Vieillir est quelque chose qui m'inquiète,
oui, bien évidemment. (rires)
D'où
cette chanson Et si vieillir
m'était conté ?
Voilà !
On peut en parler
un instant pour les gens qui ne l'ont pas
écoutée et qui vont
l'écouter dans un instant ?
Vous avez dévoilé le thème et
c'est un sentiment qui est parfois oppressant.
Vous vous
êtes fixée des limites quant
à votre carrière, à sa
durée ?
Non, je crois que ce sera spontané. Le jour
où je me lève et si je n'ai plus envie
ni d'écrire, ni de me montrer, je
l'arrêterai.
Jusque
là, vous portez quel jugement sur tout ce que vous
avez fait, sur tous vos albums, sur l'ensemble de votre
carrière ?
Juste le sentiment d'avoir traversé,
construit un moment de vie...
Un joli moment de
vie... Il y a des choses que vous regrettez ?
Non.
Que vous feriez
différemment ?
Non. Non. Absolument pas.
Vous avez
énormément de succès, une
très grande notoriété? Vous le vivez
comment au quotidien ?
Bien !
J'imagine que vous
êtes financièrement
extrêmement à l'aise. Vous
êtes dépensière ?
Non. Si tant est que je voyage beaucoup, donc ça
nécessite quelques moyens.
Alors, on revient
à la carrière à
proprement parler, Mylène. Vos clips sont toujours
extrêmement soignés -c'est le cas
également sur L'Âme-Stram-Gram
- et faits par de grands réalisateurs. C'est
devenu une marque de fabrique ?
Non, ça reste une envie que de rencontrer des
réalisateurs de talent et d'essayer de trouver
parfois même des réalisateurs qu'on ne
connaît pas en France, ce qui a été le
cas pour ce réalisateur chinois.
On parlait du
cinéma tout à l'heure.
Vous nous disiez que c'était votre
"première passion". Vous recevez des scénarii ?
Vous avez envie de remettre un pied dans le cinéma ?
Je ne crois pas que ça soit en terme
d'envie. Si ça doit arriver, ça
arrivera. Je reçois parfois des choses, mais probablement
moins qu'on ne peut le penser. Je crois qu'il y a
un manque d'imagination sérieux quant à
la multiplication de fonctions.
Vous seriez
prête à tenter une
expérience dans le cinéma même si
c'est un rôle qui changerait radicalement votre
image, enfin l'image que le public peut avoir de vous ?
Surtout si c'est un rôle qui change
radicalement. Oui, bien sûr !
On va se mettre
à l'écriture... nous
sommes prêts à tout ! (rires de Mylène)
Hormis les clips soignés, il y a également
beaucoup de disques collectors qui sont envoyés
généralement en radio... donc à ce
niveau-là on est extrêmement chanceux ... mais,
qui par la suite se vendent sur un marché de
collectionneurs...
Ceux qu'on appelle en tirage limité,
oui…
Oui ! Qui se
vendent très, très cher...
Qui demandent un énorme travail. Qui demandent aussi
beaucoup de moyens quant à la réalisation. Donc,
après, c'est un choix. C'est vrai que
là, sur ce collector, j'ai passé
d'abord beaucoup de temps, mais ce qui n'explique
pas, là, le coût de cet objet... parce que
ça, peu m'importe... mais d'un point de
vue technique et d'un point de vue qualité,
c'est quelque chose qui vaut beaucoup d'argent.
Mais là
aussi, c'est vous qui avez la
volonté d'amener ce produit, je dirais, pour les
plus grands fans...
C'est pour moi fondamental, tout ce qui entoure la
musique, les mots. C'est ce qui fait, je présume,
aussi la différence entre certains artistes. Moi,
j'ai besoin de ça, j'ai envie de
ça et j'ai envie d'offrir autre chose,
quelque chose en plus.
Diffusion de Et si vieillir m'était
conté
Mylène,
nous approchons de la fin de cette
émission. Vous ferez trois dates à Bercy
à la fin du mois de septembre. J'imagine que la
tournée est prévue dans la foulée ?
La tournée est prévue. Absolument !
Jusqu'en décembre.
On peut
espérer au moins une date à Bordeaux ?
Oui ! (rires)
Bordeaux est une
région que vous connaissez un peu ? Vous y
êtes déjà passée souvent en
tournée ?
J'y suis passée, mais uniquement dans le
cadre du travail donc, très peu de temps pour aller
à l'extérieur.
Pour
goûter un peu le vin ?
J'aime le vin !
Bon ! On
tâchera de vous en faire parvenir ! (rires de
Mylène) Je reviens à la scène, et,
là aussi on va revenir à ce qu'on
appelle un travail soigné. Il y a toujours
d'énormes chorégraphies.
C'est un vrai spectacle, en plus d'un concer.
Ça demande combien de temps en termes de travail, de
préparation ?
Je ne crois pas, là, qu'il y ait de
règle. Maintenant, plus vous avez du temps et plus
c'est confortable, en tout cas en termes de
répétitions, d'évolution et
de construction. Le spectacle précédent, je
l'ai fait en très, très peu de temps et
ça a été très ardu. Sur
celui-ci, je vais prendre un peu plus de temps pour la construction,
justement.
J'imagine que la
construction, ça demande de
refaire, de refaire et de refaire encore les choses. Y'a un moment
où c'est fastidieux ou c'est toujours
aussi plaisant ?
Le travail est considérable. Mais, c'est
quelque chose qui me passionne donc, c'est le principal !
Avant de monter sur
scène, vous avez le trac ?
Oui, beaucoup! (rires)
Vous pensez
à quoi quand vous êtes juste
derrière le rideau et que ça va
démarrer, que la salle s'éteint et
qu'il y a cette clameur qui monte ?
Au public.
Lors de vos
spectacles, vous êtes acclamée par des
milliers de personnes. Il y a un public qui vous donne beaucoup, vous
donnez beaucoup. Qu'est ce que vous ressentez quand
ça s'arrête, quand c'est fini,
que vous êtes dans votre chambre d'hôtel
et que vous vous retrouvez dans le calme absolu, seule ?
C'est toujours un moment qui est difficile, parce
qu'on se sent... et on abandonne et on se sent
abandonné. Maintenant, ça fait partie aussi des
choses de la vie. Je les connais et, dans le fond, ce que je
reçois et ce que j'ai reçu est quelque
chose de tellement énorme et tellement important pour moi
que c'est déjà une grande chance.
A Lyon, il y avait
eu un concert assez catastrophique où
vous vous étiez malheureusement cassée le
poignet. Il y a eu d'autres problèmes sur
scène, qui sont peut-être des problèmes
un peu moins marquants que le public ne voit pas mais qui vous, vous
ont beaucoup inquiétée ?
Des problèmes qui sont anodins mais qui sont des pannes
de micros, des pannes de tapis qui doivent marcher, des pannes de...
C'est souvent des problèmes techniques.
On arrive au terme
de l'émission,
Mylène. J'ai jusque là choisi tous les
extraits que nous avons écoutés, ce qui
n'est pas forcément facile. Je vais quand
même vous laisser le soin de choisir le dernier. On se
sépare avec quoi ?
Je ne sais pas. Avec Je te rends ton amour.