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Mylène Farmer - Je t'aime mélancolie - Analyse du texte



Analyse de Je t'aime mélancolie (texte / musique) par Arno Mothra (extrait de "Styx Magazine" spécial L'autre... paru en avril 2011)

L'éthique et les tocs

"Encensée à ses débuts par les médias dits pointus (Rock & Folk, Télérama, Rock News, Libération, Charlie Hebdo… si si), Mylène Farmer connaît rapidement le revers de la médaille dès lors que son succès se confirme et qu'elle apporte de sa personne un peu partout. Autant dire qu'après la sortie de Cendres de lune, elle n'est pas épargnée. Si la presse précédemment citée préfère lui tourner le dos au fur et à mesure, nombre de journaux grand public se donnent un malin plaisir à démonter la star, de façon assez violente voire vulgaire dans certains cas. L'apothéose des deux Bercy complets sera même assimilée à une débâcle à venir très rapidement (entre autres dans Libération et plus grossièrement dans Le Matin ; n'est pas prophète qui veut).

Dans les années 80, Mylène Farmer, encore jeune et sans doute un peu naïve quant à son métier, aime à mettre le feu aux poudres et s'essayer à des déclarations insolites pas toujours très honnêtes ou de bon goût (dans Mon Zénith à moi, où elle confiait notamment son fantasme pour les hommes d'église et ses émotions en regardant des scènes d'exécution à la télévision). Un comportement pouvant tendre à agacer, de façon légitime si le dédain ne suit pas car la musique et l'art de la rouquine, tout en évoluant légèrement, restent toujours dans la même veine depuis son premier 45T.

Se servant de sa prose comme elle enfilerait des gants de boxe, Mylène digère la surenchère et les clichés qu'on lui attribue pour faire de Je t'aime mélancolie une complainte efficace mais incisive (tout en conservant la subtilité qui la caractérise, ne nommant jamais précisément son adversaire et évitant les poncifs). La chanteuse, préfabriquée et sans âme, passe donc en revue tout ce qui conviendrait à son rôle prédéfini de poupée mercantile, à commencer par une image peu sincère, entretenant une mélancolie fictive comme argument marketing ("Viens je t'en prie, c'est ton amie aussi").

Entre dénonciation et apitoiement railleur, Mylène mélange deux façons d'écrire et de chanter bien distinctes afin de valoriser son propos : si elle abuse d'une autodérision insolente dans les refrains et les couplets chantés ("C'est bien ma veine…"), elle en profite pour régler ses comptes pendant les couplets de manière plus brute, directe, moins ironique et plus lucide. Elle endosse le rôle de la mauvaise herbe, celle qui se démarque d'un paysage conventionnel et qui par-là, devient suspecte, voire dangereuse. Sauf qu'elle ne peut y remédier tant la cause de cette marginalisation est aussi vaine que subjective ("Pour plaire aux jaloux il faut être ignoré").

Le refrain, summum de surenchère, expose les tourments récursifs de Mylène Farmer en rajoutant une bonne couche de désespoir et de mauvaise foi. L'auteur se complait à vivre dans le malheur, mieux : elle le cherche ("Mélange du pire, de mon désir"), comme elle le laisse à penser durant l'intro ("Je te guette, tu me donnes ton ivresse comme personne").

Dans cette diatribe, Mylène n'accuse pas vraiment le coup aux critiques qu'elle amasse mais à ces médias qui l'accusent de s'être bâti un personnage inauthentique, usant de références littéraires (Baudelaire, Poe, Sade), de photos savamment choisies pour la presse et de clips sortant des codes afin de vendre une œuvre tape-à-l'œil, vide, servie par une mélancolie récurrente et factice. Dans Je t'aime mélancolie, Mylène enfonce le clou en empruntant, une fois n'est pas coutume, un style d'écriture très proche de Cioran : une telle abondance de pessimisme, de désespoir et d'envie suicidaire dominant le verbe finit par en devenir carrément cocasse.

Anecdote amusante : bien qu'aucun double sens ne porte à visualiser le texte dans un contexte religieux ou spirituel, Mylène évoque ouvertement, fait unique dans l'album, Dieu."