Mylène Farmer - Avant que l'ombre... à Bercy - Interview Dominique Formhals
INTERVIEW DE DOMINIQUE FORMHALS
PDG Aquatic Show
Mai/Juin 2006
Fanzine IAO (N°8)
IAO : Comment
êtes-vous arrivé sur le dernier spectacle de
Mylène Farmer ?
Dominique Formhals : J'ai été
contacté en
juin 2005 par l'un des responsables techniques du spectacle,
Michel Kintzig. Il s'avère que ce monsieur, qui a
l'habitude de collaborer aux spectacles de Mylène
Farmer,
avait travaillé avec nous quelques temps plus tôt
sur le
lancement d'une voiture Renault. A cette époque,
le rideau
d'eau que vous avez vu à Bercy, était
en essai dans
nos ateliers. Il a donc pu le voir et en aura parlé
à
Mylène Farmer et à son entourage.
IAO : C'est
donc un total hasard si Mylène a fait appel à
vous ?
Dominique Formhals : Pas vraiment. Je crois qu'ils
étaient
à la recherche d'un visuel exceptionnel, un effet
spécial hors du commun, jamais vu.
IAO : Et ils ont
immédiatement été
intéressés par le rideau d'eau
écritures ?
Dominique Formhals : Oui, mais le produit était à
l'essai. On ne l'avait encore jamais
utilisé.
C'était une première mondiale. On
s'est donc
rencontré afin de voir ce qui était envisageable
d'un point de vue technique. Et la décision finale
a
été prise par Mylène Farmer
elle-même.
IAO : Qu'est-ce
qui l'a décidée ?
Dominique Formhals : Elle a demandé à avoir une
démonstration pour se rendre compte de l'effet que
ça pouvait donner en grandeur nature. Mais aussi pour avoir
une
idée du bruit que ça pouvait faire.
C'était
important. Tout le matériel a donc été
emmené à Bercy.
IAO :
C'était quand ?
Dominique Formhals : Au début du mois de septembre.
IAO : Quelle a
été l'étape suivante ?
Dominique Formhals : Le pré-montage de l'ensemble
du
décor à Lyon, puis l'arrivée
à Bercy
dès la fin du mois de décembre.
IAO : A-t-il
été question
tout de suite d'un rideau d'eau dans lequel
s'inscriraient des mots et sa silhouette ?
Dominique Formhals : Non. Au départ, on a proposé
uniquement des mots. La silhouette, c'est quelque chose qui
s'est décidé quelques jours seulement
avant le
show, et même un peu par hasard.
IAO :
C'est-à-dire ?
Dominique Formhals : En fait, le garçon qui avait en charge
de
programmer les mots s'est amusé, pendant les
répétitions, à prendre
l'image de
Mylène Farmer en couverture du programme de son concert et
à la mettre dans le logiciel de programmation des
écritures. Quand l'équipe a vu le
résultat,
ils ont décidé de garder l'effet.
IAO : Et pour ce qui est
des mots
à inscrire dans l'eau, le choix s'est-il
porté immédiatement sur "Passé" ?
Dominique Formhals : Non car à l'origine, le
rideau
n'était pas prévu pour le final, mais
pour
l'avant-dernière chanson. On devait donc
écrire
"Fuck them all". C'est seulement cinq ou six jours avant la
première représentation qu'ils ont
décidé de mettre le rideau d'eau sur la
dernière chanson.
IAO : Pourquoi ce
revirement de dernière minute ?
Dominique Formhals : Parce que, à la base, ils avaient
prévu un final pyrotechnique sur "Avant que
l'ombre…". Mais lors des
répétitions,
après de nombreux essais, Mylène Farmer et son
équipe n'ont pas trouvé cela
satisfaisant.
IAO : Avez-vous
dû faire face à des contraintes
particulières à Bercy ?
Dominique Formhals : La proximité de centaines de
projecteurs.
IAO : Vous êtes
habitués à travailler en extérieur ?
Dominique Formhals : On travaille aussi en indoor. Mais c'est
vrai qu'on fait beaucoup
d'évènements en
plein air, beaucoup de fêtes nationales, un peu partout dans
le
monde – à Pékin, à Moscou.
IAO : C'est la
première fois que vous collaboriez à un spectacle
musical ?
Dominique Formhals : On avait déjà
travaillé une
fois à Bercy pour un spectacle de Johnny Hallyday.
C'était à la fin des années
80. Il passait
dans une grande arche d'eau sur la chanson
"L'envie".
IAO : Etait-ce une
surprise pour vous qu'on fasse appel à vous pour
un spectacle de chansons ?
Dominique Formhals : Oui. Mais on connaît les shows de
Mylène Farmer ; c'est toujours exceptionnel. Peu
d'artistes français font de tels spectacles.
J'ai
été étonné par
l'énormité du projet. Et pour avoir
assisté
au concert, je peux dire que j'ai été
surpris aussi
par le côté grand-messe des concerts de
Mylène
Farmer; c'est le Pape à la Basilique Saint-Pierre
de Rome
(sourire) !
IAO : Peut-on avoir un
ordre d'idée du budget que représente
votre prestation ?
Dominique Formhals : Pour ma seule partie, on dépasse
largement les 100 000 euros.
IAO : Avez-vous eu des
ennuis techniques sur l'ensemble des treize dates ?
Dominique Formhals : On n'a pas eu de problème
technique
à proprement parler. Le seul souci auquel on ait
dû faire
face au départ, c'était un
problème
d'éclaboussures sur la scène. En
fait,lors des
premiers shows, on s'est rendu compte que la chaleur
dégagée par la salle poussait l'eau
vers la
scène ; il est vrai que pendant les
répétitions,
la salle était vide donc on n'avait pas ce
problème. Mais on a réglé
ça assez
rapidement.
IAO : Où
tombait l'eau ?
Dominique Formhals : Elle tombait de 15 mètres de haut pour
atterrir dans un bassin placé sous la scène. Pour
se
faire, il y avait une immense fente de 2 mètres de large qui
séparait la scène de
l'avant-scène. Un
certain nombre de petits ponts ont été
placés pour
que Mylène Farmer puisse traverser cette fosse. Il lui
fallait
un certain courage pour le faire car la moindre erreur pouvait la faire
chuter dans le bassin.
IAO : L'eau
était-elle chaude ?
Dominique Formhals : Non, elle était à 14 ou 15
degrés.
IAO : Elle fonctionnait
en circuit fermé ?
Dominique Formhals : Oui. L'eau tombait dans le bassin, puis
remontait via des tuyaux qui encadraient la scène et qui
étaient masqués par le décor. Au
total, on jouait
avec 20 000 litres d'eau. C'était la
même eau
pour les treize dates. Pour info, le bassin sous la scène
mesurait 20 mètres de long sur 2 mètres de large.
IAO : Pourquoi
Mylène Farmer
est-elle totalement absente de votre site Internet où vous
présentez pourtant toutes vos créations
(www.aquatic-show.com) ?
Dominique Formhals : Mon contrat me l'interdit.
C'est le
cas pour tous les prestataires de service sur ce concert. On
considère qu'une fois que le DVD sera sorti, on
aura la
possibilité de mettre une photo ou deux. Vous savez,
jusqu'au premier concert, je n'avais pas le droit
de parler
aux journalistes.
IAO : Je me souviens
pourtant que vous
aviez donné l'info du rideau d'eau sur
une grande
radio nationale dès le début du mois de
décembre…
Dominique Formhals : Et ça m'a causé
beaucoup de
problèmes. L'équipe de
Mylène Farmer
était même à deux doigts
d'annuler ma
prestation de service. J'ai alors compris qu'ils
n'aimaient pas qu'on parle à leur place.
IAO : Pourquoi avoir
divulgué l'info ?
Dominique Formhals : Je donnais une interview à un gars de
France Info qui me demandait ce que serait ma prochaine grosse
prestation, et je lui ai répondu tout bêtement
qu'on
préparait une première mondiale avec un rideau
d'eau écritures pour Mylène Farmer.
Ça ne me
paraissait pas dramatique de balancer cette info. Pour un autre
artiste, ça aurait été de la pub. Pas
pour
Mylène Farmer.
IAO : Vous avez senti un
climat particulier autour d'elle ?
Dominique Formhals : Disons qu'il y a des artistes, plus vous
parlez d'eux, plus ils sont contents. Mylène
Farmer,
c'est tout l'inverse. Il y a une réelle
volonté de tout garder secret. Je ne dis pas que
c'est pas
bien, mais je ne le savais tout simplement pas.
IAO : Vous avez eu
beaucoup de demandes concernant ce rideau d'eau depuis
janvier ?
Dominique Formhals : Oui, énormément. Notamment
pour des casinos à Las Vegas et à Macao.
IAO : Et
d'autres chanteurs ou chanteuses ?
Dominique Formhals : Peu d'artistes peuvent
s'offrir ce
genre de choses. Et je vois mal Johnny Hallyday ou un autre reprendre
aujourd'hui ce rideau d'eau. Ça restera
pour
longtemps, sinon à jamais, "l'effet
Mylène Farmer".