Concepteur des lumières de concerts
Février/Mars/Avril 2006
Fanzine IAO (N°8)
IAO : Avant tout,
expliquez-nous en quoi consiste votre
métier.
Fred Peveri : En qualité de concepteur lumière et
scénographe, j'imagine et je crée des
visuels et
des climats dans un espace scénique ou ailleurs. Concernant
la
scène, je me sers de mes lumières pour habiller
les
textes ou les musiques des différents artistes avec lesquels
je
collabore. Par mes couleurs, ou par mes rythmes de graphismes,
j'essaie d'emmener les spectateurs dans un monde en
adéquation avec les œuvres jouées.
Vous étiez
l'assistant de Jacques
Rouveyrollis sur
la première tournée de Mylène en 1989.
Puis seul
maître à bord sur les deux suivantes, et sur les
derniers
concerts de cette année. Comment cela se fait-il ?
Il y a dans la vie des moments où vous ne
savez
pas exactement ce qui se passe ou, en tous cas, vous n'y
aviez
pas songé. Après un entretien poussé
avec
Mylène et Laurent, c'est ce qui s'est
passé.
Depuis, j'ai réalisé les
lumières de tous
les spectacles de Mylène.
Cet entretien ayant lieu
avant le début des concerts
"Avant que l'ombre…", accepterez-vous de nous en
parler ?
Non. Un spectacle doit rester une surprise. Je ne
pourrais que vous dire que j'ai hâte que
ça commence
et que ça va être très beau…
Comment
définiriez-vous les premières
tournées de Mylène, en ce qui concerne votre
partie ?
Le Tour 89, c'est la découverte d'un
monde nouveau,
un travail de lumière riche, en adéquation avec
les
costumes, le décor, à l'image de
Mylène. Le
Tour 96 constitue une grande nervosité et une grande tension
pour moi car il s'agit d'un espace
scénique
important, riche et rempli de contraintes techniques (la
vidéo
étant un facteur important dans ce concert), mais aussi des
chorégraphies, des effets, des musiques très
diversifiées. Du vrai spectacle ! Le Mylenium Tour propose
une
autre facette de Mylène. Un monde plus intimiste, et donc
une
lumière plus subtile, plus près de
l'artiste et du
public, plus tamisée, plus légère. Un
décor
noir, somptueux et impressionnant, mais difficile en terme de travail
pour moi.
Quelles sont les
« instructions », le postulat de
départ pour chacune d'entre elles ?
En 1989, on découvre l'artiste, on se fond et on
accompagne son visuel. Un « cimetière »,
une
ambiance incroyable ! En 1996, tout est permis : la joie, le beau, la
fête, la magie des images. En 1999, il faut faire vivre ou
faire
oublier le décor à la demande et en fonction des
climats
proposés.
Qui sont vos
interlocuteurs lorsque vous travaillez un spectacle de
Mylène ?
Concernant l'artistique, Mylène et Laurent.
Thierry Suc,
à qui je dois beaucoup (il m'a permis de
travailler avec
Mylène), il est toujours présent lors de nos
réunions et y participe toujours activement.
Avez-vous des directives
ou avez-vous totale liberté ?
Des directives, il peut y en avoir, mais ce sont surtout des
discussions entre nous ; on parle des costumes, du décor,
des
musiques, de ce que l'on ressent naturellement en les
évoquant. Après, moi, je fais mes
lumières avec
mon ressenti et mes émotions, étant bien entendu
toujours
à l'écoute de Mylène et de
Laurent pour
essayer de transmettre au mieux ce qu'ils ont envie de voir.
Mais
j'ai à chaque fois une grande liberté
d'expression dans mon domaine. Nous travaillons en confiance.
Comment travaillez-vous
(dessins, maquettes…) ?
Tous les plans lumières sont effectués par
ordinateur, en
2D ou en 3D pour les simulations. Il arrive parfois de travailler avec
des maquettes. C'est une approche d'ailleurs
très
sympathique, mais qui n'exclut pas le travail sur ordinateur.
Je
ne me sers pas d'application de simulation de
lumière sur
ordinateur car je n'y retrouve pas la magie et la
subtilité de la lumière dans son
élément
naturel, l'espace !
De quoi
êtes-vous tributaire pour les lumières ?
La lumière est présente sur une scène
pour «
sublimer » l'œuvre. Il est donc
évident que,
plus que quiconque, on est tributaire de tout ce qui fait
l'œuvre (décor, costumes,
chorégraphies…). Je pense que les concepteurs
lumière doivent avoir « ce » regard
général sur tout ce qui fait un spectacle. Ils
sont les
yeux de l'artiste vis-à-vis des spectateurs. Ils
sont le
garant de la bonne présentation d'un spectacle.
Y a-t-il des changements
de lumières au fil d'une
tournée ?
Des changements, oui ! C'est d'ailleurs une marque
de
fabrique chez moi. J'ai besoin de retravailler les climats de
lumière au fil de la tournée. Il peut
m'arriver de
changer entièrement la structure et les couleurs
d'une
chanson d'un concert à l'autre ;
c'est la
magie de la lumière par rapport au son, on peut faire passer
les
émotions de différentes façons.
Vous mettez
Mylène au courant ?
Elle sait toujours quand je change des effets lumière.
Vous devez donc
être présent à chaque
concert ?
Avec Mylène, j'ai toujours
été présent sur toutes les dates.
Quelle tournée
vous a demandé le plus de travail ?
Chacune est différente, et chacune me demande 100 %. Mais
« Avant que l'ombre… » est
à
l'évidence un cran au-dessus des autres !
Avez-vous le souvenir
d'une demande
particulièrement
fantaisiste de la part de Mylène en termes de
lumières,
d'un réel défi à relever,
quelque chose que
vous n'ayez jamais fait avant ?
En 1996, je devais associer écran géant et
lumières, tout en créant des
atmosphères.
C'était un vrai défi ! En 1999, il
fallait
retranscrire les éléments en lumière,
ce qui
n'est pas forcément aisé.
Au fil des
années, avez-vous perçu un changements
dans votre collaboration avec Mylène ?
Nous avons appris à mieux nous connaître et
à
vraiment nous respecter et, je crois, nous apprécier
mutuellement. Les exigences de Mylène me permettent
d'aller toujours plus loin.
Comparativement
à ce que vous avez fait par ailleurs,
estimez-vous que Mylène attache beaucoup
d'importance et
accorde beaucoup de moyens à ses lumières ?
Je pense que Mylène considère la scène
comme un
monde qui doit faire rêver le public. Nous créons
à
chaque fois un spectacle avec tout ce que comporte ce mot. Les
lumières en font partie, donc elle me donne les moyens de
m'exprimer.
Est-il
particulièrement valorisant de travailler pour
Mylène ?
Je ne cherche en aucun cas la valorisation. Le fait de travailler avec
Mylène est simplement riche. Riche
d'émotions.
Riche de défis. Riche de bousculer ses a priori. Elle est
clairement à part.
Est-elle plus exigeante ?
Pourquoi « plus » ? Par rapport à quoi ?
Au
passé ? Aux autres ? Mylène a toujours
été
exigeante, et je dirais plutôt professionnelle. Elle
l'a
été et le reste. Elle est totalement investie
dans ce
qu'elle fait.
Quelle est la
tournée de Mylène dont vous
êtes le plus fier, quant à votre partie bien
entendu ?
(Silence). Que vous dire ?! Je participe à chaque fois
à
une très belle aventure, exigeante, prenante et tellement
intéressante que je ne peux pas réellement
choisir une
tournée plutôt qu'une autre. (Silence).
La
première a sans doute une place à part puisque
c'est celle qui m'a permis de découvrir
Mylène.
Pourquoi ne jamais avoir travaillé sur ses
clips ?
Cela ne s'est pas présenté, mais
j'aimerais
bien. J'ai simplement collaboré à une
vidéo
d'Alizée.
Laquelle ? J'ai pas vingt ans.
Quelles sont les
différences majeures entre votre travail
sur un clip et celui pour un concert ?
Il s'agit d'un tout autre domaine en terme de
lumière. Concernant les clips, il y a certes les
atmosphères, mais surtout un travail énorme sur
la
justesse de la lumière, au niveau par exemple du visage, et
un
travail d'accord avec le chef opérateur qui
règle
les caméras. Quant à un concert, ça
relève
davantage de la technicité : deux heures de show,
près de
vingt chansons avec des climats divers, environ cinq cents effets de
lumière et une disponibilité constante (une
tournée peut durer plus d'un an). Ce sont deux
domaines
assez différents, mais tout aussi prenants l'un
que
l'autre.
Voyez-vous
Mylène en dehors des tournées ?
Je suis souvent en déplacement. Mylène aussi. Il
nous est
donc difficile de nous rencontrer en dehors de ses productions. Mais je
sais que je peux toujours la contacter si le besoin ou
l'envie
s'en font sentir.