7 Extra : Vous voilà
de retour
après une absence prolongée. Vous n'avez pas
trouvé le temps un peu long ? Mylène
Farmer : Non.
J'en avais besoin. Pour voyager, redécouvrir certaines
choses. Après le film (Giorgino,
ndlr), j'avais
envie de faire une rupture, de me
régénérer et de me ressourcer. D'où cet "exil"
momentané à Los Angeles. Les Etats-Unis,
nouvelle terre d'accueil ? J'ai
passé neuf mois à Los Angeles. Avant,
pendant
et après l'album. C'est une ville dans laquelle je
me sentais bien. J'avais besoin de cette idée
d'espace, de perte d'identité pour pouvoir me
retrouver. Vivre comme tout le monde, "normalement", c'est
important. J'ai pu me promener, faire les gestes de tous les
jours, sans que l'on m'observe. J'ai le sentiment que
les Californiens ne jugent pas l'autre. Ils n'ont pas ce
jugement si facile que l'on a chez nous. Ces regards qui vous
dérangent parce qu'ils vous examinent de trop
près
ou vous considèrent comme anormal. Comme la plupart
des personnages
publics, vous avez fait les frais de ces commentaires parfois trop
hâtifs. On vous a souvent qualifiée de
"provocante". Vous
n'avez jamais eu envie de remettre les pendules à
l'heure ? L'idée
de provocation fait partie intégrante de
ma
vie, sans qu'il y ait derrière cela la moindre
revendication. C'est important de provoquer, du moins de susciter
une réaction, une réflexion ou une
révolte. Mais
de là à se focaliser sur un et un seul aspect de
la
personnalité de quelqu'un, il y a une marge. La notion
d'étiquette est parfaitement intégrée
dans
notre société. Dès l'instant
où
j'ai accepté de chanter Libertine
ou Sans
Contrefaçon,
je savais que je devais m'attendre à certaines
réflexions. Mais on ne peut pas faire le procès
des
choses un peu caricaturales ou réductrices. Dire que je ne
suis
pas atteinte par ces critiques serait faux. Mais je n'y accorde
pas beaucoup d'importance. Si les autres ont envie de
découvrir d'autres choses en moi, plutôt que de
bâtir des jugements expéditifs, tant mieux. Sinon,
tant
pis, ce n'est pas grave. Je vis très bien avec ce que
j'ai exprimé. Le premier
simple, XXL,
annonce la couleur de l'album. On y retrouve une Mylène
Farmer en quête d'amour maximal... Si
je devais résumer mes pensées actuelles, c'est
vrai qu'elles se dirigent vers ce à quoi nous aspirons
tous je crois, à savoir un peu plus de
sécurité et
surtout un peu plus d'amour... Même s'il
s'agit d'amours malheureuses, de ruptures ? Je
ne sais pas si c'est vraiment ce que j'ai voulu
exprimer. Mais c'est peut-être ce que j'ai
écrit. Les chansons, une fois qu'on les a
composées
et interprétées, on s'en
dépossède
complètement. Et il est donc intéressant, et
même
surprenant, de voir les lectures que vous en faites. En ce qui concerne
la notion de rupture, je parlerais plutôt d'une
élévation. S'élever tout en gardant
les
pieds sur terre et en essayant de comprendre l'autre. En
n'oubliant pas que la mort n'est pas une fin en soi. Donc,
si rupture il y a, c'est une rupture de l'esprit terrestre,
avec cette envie d'envisager d'autres choses. Finalement,
j'ai peut-être tout simplement exprimé mon envie
de
spiritualité. Vous avez besoin de
cette spiritualité ? Oui,
fondamentalement. Mais je crois que tous nous avons besoin de
notre dose de spiritualité. On vit dans un monde qui est de
plus
en plus désespérant et totalement
bouché. Pour
justifier son existence ici et pour pouvoir l'apprécier,
on a envie d'imaginer que la vie ne s'arrête pas une
fois que la mort apparaît. Avant, cette notion faisait partie
de
moi. Aujourd'hui, je n'en veux plus, je ne l'accepte
plus. Sinon, je ne peux pas vivre correctement. Je suis
arrivée
à cet état d'esprit grâce à
certaines
lectures et méditations. J'ai beaucoup appris en
lisant Le livre
tibétain de la vie et de la mort.
Il traite de l'importance de donner une qualité à
sa vie pour pouvoir envisager sa mort avec une certaine
sérénité. Toutes ces notions sont
très
belles et elles sont porteuses d'espoir. Dans la
même
lignée, un des morceaux de l'album est basé sur
le
proverbe chinois "Tomber sept fois, se relever huit". C'est votre
devise? Je
ne me donne pas le droit de tomber. En tout cas, pas plus bas que
terre. De plus, j'ai toujours cette volonté de relever la
tête. "Tomber sept fois, se relever huit", c'est une belle
image. Cette notion de résurrection, cette envie de repartir. Pour en revenir
à des
choses plus terre à terre, pourquoi cette fuite des
médias? On ne vous voit que très rarement en
promo... D'une
part, c'est un exercice difficile pour moi. Et
d'autre part, je trouve que la justification d'un travail
n'est pas indispensable en soi, si ce n'est qu'il
faut aussi donner. De même que l'on me donne, je me dois de
donner à mon tour. Aujourd'hui, j'ai accepté
un petit peu plus l'idée du dialogue. Mais je sais que ces
moments de promotion resteront rares.