Mylène
Farmer à accordé des interviews à
quatre radios fin novembre - début décembre
2010 avant la sortie de l'album
Bleu Noir.
L'interview pour Champagne FM a été
réalisée par Emmanuel Poli dans une suite de
l'hôtel Park Hyatt à Paris et diffusée
le dimanche 12 décembre 2010 entre10h et 11h.
Champagne FM : On est
à quelques jours maintenant de la
sortie de cet album. Est-ce que la logique appréhension qui
peut précéder la sortie d'un album, est-ce que
vous la ressentez toujours alors que c'est le huitième ?
Mylène
Farmer : Toujours. Je crois
même que c'est pire à chaque fois. (Rires.) Je
passe quelques nuits blanches... Non, c'est toujours un exercice qui
est très difficile. On sait qu'il y aura jugement, on sait
qu'il y aura sentence, on sait qu'il y aura aussi plaisir,
j'espère en tout cas. Mais, c'est un moment qui est un petit
peu particulier.
Champagne FM : Vous avez
déjà certains
échos parce que c'est vrai qu'il y a eu la
possibilité d'entendre ce premier single. Qu'est-ce que vous
en retenez de ces premiers commentaires ?
Mylène
Farmer : Ecoutez,
sincèrement, j'essaye autant que faire se peut de ne pas
écouter les commentaires parce que c'est quelque chose qui
est trop déstabilisant. A la fois c'est une façon
que de ne pas, si tant est que les critiques soient belles et
généreuses.... de ne pas, et se contenter de
ça ou de s'auto-congratuler et, quand il s'agit
là
pour le coup de critiques qui sont déstabilisantes, c'est
quelque chose pour le coup qui.... Enfin, bref, ce vers quoi je ne vais
pas facilement. Je vais essayer de faire une phrase plus courte pour
vous répondre. Seuls les très proches ont
écouté cet album avant tout le monde et je les ai
évidemment écoutés, entendus.
Maintenant, l'avenir me donnera une réponse et,
j'espère évidemment que le public qui m'a suivie
jusqu'à présent continuera d'aimer ce que je fais.
Champagne FM :
Alors, moi, je suis persuadé qu'il va aimer mais je ne sais
pas si il va être comme moi. À l'écoute
de cet album j'ai été extrêmement
surpris. C'est vrai que je ne vous attendais pas forcément
dans ce registre avec ces rythmes très planants qui vous
sont proposés par Moby notamment, mais aussi par les autres
personnes qui ont collaboré à cet album. C'est
quelque chose d'un petit peu déstabilisant, justement ?
Mylène Farmer : Alors, moi, je n'ai pas ce sentiment mais,
peut-être que n'ai-je pas le recul nécessaire
parce que je suis plongée dans ces musiques depuis quelques
mois, maintenant. Quand on parle de 'planant', j'ai l'impression, moi,
d'avoir eu des mélodies...
en tout cas, le travail que j'ai fait avec Laurent Boutonnat qui
comportait des musiques très planantes. Maintenant, c'est
vrai que Moby a des sons qui sont différents, qui lui sont
propres; aussi bien Archive, une façon de produire leurs
chansons qui est différente de ce que j'ai pu faire
jusqu'à présent. Ce que j'ai aimé,
moi, en tout cas, c'est la diversité des univers et essayer
de n'en faire qu'un qui est, je crois, je l'espère,
représentatif finalement de mon âme, de ce que je
suis.
Champagne FM :
Comment vous avez été amenée
à collaborer avec chacune des personnes qui se trouve sur
cet album, qui y a participé ?
Mylène Farmer : J'ai rencontré Moby il a assez
longtemps maintenant puisque j'ai fait un, et puis deux duos avec lui.
Nous avons continué de correspondre via mails puisque
malheureusement nous sommes dans des pays assez
éloignés, donc, on se voit très peu.
Et, Moby m'a proposé un jour un cd avec dix-sept titres
dessus, qui étaient des maquettes. Et, j'ai
décidé d'en garder six. Quant à
Archive, c'est un groupe que je connais depuis assez longtemps aussi,
que j'apprécie énormément. Nous sommes
devenus amis. Et, là encore, nous avions très
envie de fondre nos univers. Et, pour le dernier de cordée,
il s'agit de RedOne. Et, RedOne, c'est grâce à
Pascal Nègre qui était dans une
soirée. Ils se sont parlés, mon nom a
été prononcé. Et, RedOne a eu la
générosité de dire de jolies choses
sur moi, en tout cas qu'il écoutait ma musique, qu'il
m'appréciait. Et, j'ai souhaité le rencontrer
pour le coup, voir l'homme d'abord, qui était l'homme, avant
sa musique. C'est quelqu'un de gentil, c'est quelqu'un d'humble, c'est
quelqu'un de très curieux de l'autre, c'est quelqu'un qui
est capable d'aller aussi bien vers une Lady Gaga, que
moi-même, que demain, U2. J'aime bien cette
diversité, j'aime bien cette curiosité.
Champagne FM :
Qu'est ce que chacun d'entre eux vous a apporté sur cet
album ?
Mylène Farmer : Je dirais... c'est toujours
compliqué de faire des résumés comme
ça mais quelque chose, on va dire, de plus joyeux, plus
dynamique en ce qui concerne RedOne, une efficacité de
mélodies qui s'impose à nous. Archive, c'est plus
une dissection du côté sombre de l'âme.
J'aime énormément leurs productions, leurs
chansons. J'adore quand ils partent dans des douze, treize, quatorze,
dix-sept minutes parfois sur leurs propres albums. Et puis, Moby, Moby,
c'est aussi un artiste que j'écoute depuis fort longtemps,
que j'apprécie. Et, quelque chose de particulier, quand on
écoute ses mélodies, elles sont, d'abord je
trouve accrocheuses, mais il y a toujours une mélancolie et
à la fois quelque chose de dynamique, d'enfantin.
Voilà, c'est quelqu'un qui me touche tout simplement.
Champagne FM : Il y
a également quelque chose de surprenant sur cet album, ce
sont ces titres en anglais. Qu'est-ce que ça vous a
apporté, pourquoi ce choix de proposer des titres en anglais
à votre public ?
Mylène Farmer : À la fois c'est
spontané... Quand j'ai commencé de travailler
avec Darius du groupe Archive, il m'a demandé pourquoi ne
pas essayer justement d'écrire une chanson en anglais. Et
puis, je me suis laissée faire pour une fois, influencer.
Quant à Moby, la chanson qui s'appelle Inseparables, pour
le coup, c'est un texte... pour le coup, c'est bien la
première fois que je chante une chanson d'un autre auteur.
Et, j'ai trouvé le texte tellement joli, tellement fin et,
à la fois, profond que je n'ai pas
hésité.
Champagne FM : Il y
a aussi cette version en français que vous proposez du
même titre. C'était plaisant, de, non pas de
traduire simplement... plus l'esprit que les mots, en fait ?
Mylène Farmer : Oui, c'est plus une adaptation en fait.
Là encore, c'est tout nouveau pour moi. Mais, oui, c'est
toujours intéressant. Et, j'ai essayé de ne pas
dénaturer les sens et puis, d'apporter ses propres mots, ses
propres émotions. Mais, finalement, les deux chansons sont
assez.... d'humeur voisine, en tout cas, de thèmes
totalement jumeaux. Je ne sais pas si c'est français.
(Rires.) Une gémellité, en tout cas.
Champagne FM :
Est-ce que cet album est destiné à être
adapté pour la scène, à terme ?
Mylène Farmer : Dans le futur, je le souhaite. Maintenant,
si la question est : "est-ce que je vais monter sur scène
bientôt ?", non. Pour l'instant, je vais me consacrer
à l'album. Et puis, dans le futur, certainement une
scène, mais, dans un futur lointain. Parce qu'il s'agit
quand même de près d'une année de
travail quand on monte sur scène, de préparation.
Et puis, là encore, ce sont des moments que je veux rares.
Je ne peux pas vous mentir, j'en ressens... l'envie est là,
mais, je vais attendre un peu. (Rires.)
Champagne FM : Vous
êtes tout en discrétion. C'est vrai qu'on est
extrêmement supris, extrêmement honorés
de savoir que vous souhaitiez nous rencontrer. Mais, c'est vrai que
c'est quelque chose de très nouveau pour nous. Pourquoi
avoir décidé de vous montrer un peu plus ?
Mylène Farmer : Là encore, il ne s'agit pas, ni
de calculs, ni de préméditation. J'en parlais
avec un ami, il m'a dit ... puisque cette tournée qui s'est
merveilleusement bien passée pour moi et c'est vrai j'avais
évidemment souhaité aller en province, de ne pas
faire, puisque là, pour le coup, comment dirais-je, tout ce
qui était la scène pouvait se transporter... Pour
répondre à votre question (Rires), une envie.
Vous savez quoi ? Ce sont des impulsions, comme ça. Je suis
quelqu'un d'instinct. C'est vrai que je suis quelqu'un de secret aussi.
C'est un exercice qui est difficile pour moi. J'en veux pour preuve mes
quelques baffouilles et baffouillements. (Rires.)
Mais, une envie, voilà. Quelque chose de
spontanée. Je me suis dit, tournons-nous aussi un petit peu
vers la province parce que c'est fondamental pour nous, artistes.
Champagne FM :
Expliquez-moi ce paradoxe, comment on peut être tout flamme
lorsqu'on est sur une scène devant 30 000 personnes et
sembler si en retrait quand on se retrouve devant un auditoire de deux-
trois personnes.
Mylène Farmer : On me pose tous les jours cette
question-là. C'est possible puisque je suis là.
Je pense qu'il y a beaucoup d'autres artistes dans des secteurs
différents, si je puis dire. Ca fait partie des paradoxes.
C'est l'ombre et la lumière. Je ne vais pas vous formuler
une réponse très originale mais, j'ai
ça en moi. Envie d'exister, oui, sous les
lumières mais, d'en choisir les moments. Après,
la très grande difficulté pour moi c'est de
parler de moi-même. C'est un exercice compliqué.
Mais, c'est possible. (Rires.) C'est possible. Vous pouvez
être timide et faire un métier public finalement
et, j'en suis la première surprise. Mais, c'est possible. Il
faut du travail, du courage et puis, ma foi, j'ai de la chance surtout.
(Rires.)