Cool : Après Libertine, Tristana une autre
chanson stylée Mylène Farmer, avec toute
l'originalité que ça implique ?
Mylène Farmer : A ce sujet je ne sais pas quoi vous dire.
Disons que c'est une chanson qui est différente de Libertine, c'est
une histoire simple. L'entrée en matière est
difficile... (sourires).
Cool : La
mélodie de
Tristana a une couleur orientale. Hasard ?
Mylène Farmer : Pas tout à fait. On a
essayé un petit peu de donner une couleur slave, une
atmosphère d'Ukraine à la chanson. Bien
sûr, la flûte de pan ce n'est pas vraiment russe
mais cela contribue au climat. Et c'est aussi un peu oriental. J'aime
bien les chansons orientales, elles sont souvent très belles.
Cool :
D'où est venue l'idée de cette chanson ? Il y a
un détonateur pour les écrire ?
Mylène Farmer : Non. C'est souvent à partir d'une
mélodie qu'on travaille, donc déjà la
musique donne l'atmosphère, l'ambiance sur une
idée, sinon je n'ai pas de méthode
d'écriture. Je travaille avec Boutonnat et on voit venir.
Là le sujet, ça pourrait être la
mélancolie, les désespoirs.
Cool : Le climat
domine toujours dans vos chansons. Celui de Tristana est plus
froid, plus mystérieux que celui de Libertine ?
Mylène Farmer : Oui, c'est un petit peu angoissant. Il
ressemble à l'ensemble de l'album qu'on prépare.
Ce sera pour septembre.
Cool : Une grande
aventure, le clip. Racontez-nous.
Mylène Farmer : On a tourné dans le Vercors
pendant 5 jours. J'ai adoré le tournage différent
de Libertine. C'est peut-être un peu orienté vers
le cinéma, puisqu'il y a des dialogues et une
durée de 11, 12 minutes. C'était passionnant.
Cool : Toujours la
même envie de passer devant une caméra ?
Mylène Farmer : Oui, cette envie que j'ai depuis toujours,
mais à très bien gérer, donc avec
patience encore.
Cool : Vous
évoluez dans votre look, notamment votre couleur de cheveux
a changé ?
Mylène Farmer : Sur Plus
grandir mes cheveux étaient bruns, maintenant
ils sont roux, donc après je ne sais pas. C'est vrai que
ça évolue... j'allais dire toutes les deux
semaines...
Cool : Ce sont des
envies personnelles ou des exigences par rapport au métier,
au côté personnage public qui doit
séduire, surprendre ?
Mylène Farmer : Tout ça c'est lié. Je
ne sais pas bien expliquer le pourquoi du comment. Ce sont des choses
qui se font comme ça parce que je pense que c'est une
couleur qui me sied bien à un moment donné. Quant
aux vêtements, c'est toujours le plaisir de s'habiller, donc
de changer. Comme sur Libertine,
on avait beaucoup d'habits du 18è siècle, sur Tristana, j'ai
axé un peu plus sur un univers russe.
Cool : Les
danseuses en télévision, c'est pour fignoler le
tableau dans le sens du spectacle ?
Mylène Farmer : Je crois que c'est venu comme ça,
quand j'ai commencé moi à me pencher sur cette
chanson et sur la façon de l'interpréter. J'ai
alors tout de suite pensé à deux personnages
à côté de moi et en l'occurence j'ai
pris deux filles. Je voulais qu'elles aient un
côté un peu rigide derrière moi, c'est
à dire, je ne voulais pas exploiter complètement
la danse comme on peut l'entendre. Il fallait de vrais personnages.
Cool : Il y a une
image de Mylène Farmer qui n'est pas soulignée
énormément par les médias. Vous ne
vous exprimez pas à tors et à travers par le
biais de la presse...
Mylène Farmer : Non, parce que je n'aime pas ça,
je crois. Il y a une maxime qui dit "Il faut briller par son absence",
mais je pense que, c'est bien de pas être toujours
présente, et puis chacun voit ça d'une
manière différente. Moi, c'est vrai que j'aime
bien le silence quelquefois.
Cool :
Ça fait partie de votre équilibre ?
Mylène Farmer : Bien sûr. Je suis comme
ça depuis ma tendre enfance.
Cool : Vous n'aimez
pas trop être regardée, observée,
questionnée...
Mylène Farmer : Cela dépend. C'est le plaisir de
se produire devant des personnes mais de choisir ces
moments-là. Qu'on en soit ou les acteurs, ou les voyeurs
mais pas les victimes, ça non !
Cool : Vous suivez ça
de près chez les autres ? Mylène
Farmer : Non, je lis peu les journaux. Je regarde de
moins en moins la télévision, donc les
interviews. Mais fatalement, on voit un peu ce qui se passe autour de
soi. Je n'y attache pas une importance capitale. Cool : Vous avez
participé à l'écriture du
scénario du clip ? Mylène
Farmer : C'est toujours pareil, on a
travaillé ensemble Laurent et moi. Maintenant, le support de
cette vidéo, ça pourrait être Blanche
Neige et les Sept Nains. Donc, il y avait déjà
une colonne vertébrale, une trame. Après Laurent
a fait le découpage. Comme il pratique le cinéma
ça fait très vite visuellement, dans son esprit. Cool : J'ai l'impression que vous
suivez fidèlement votre direction sans vous
préoccuper des modes, des courants pops ou autres ? Mylène
Farmer : Je crois qu'on ne peut pas trop s'occuper de
ce qui se passe ailleurs. Je ne conçois pas les choses comme
ça. Ce ne sont même pas des questions que je me
pose. C'est faire ce qu'on a envie, point final, et puis
après les personnes le perçoivent ou non. Pour
l'instant, c'est plutôt agréable. Cool :
Ça aide à se sentir mieux, ça donne de
l'assurance ? Mylène
Farmer : Ça ne se passe pas
réellement comme ça, ce sont des choses tellement
minimes. Mais c'est vrai que ça donne une certaine
confiance, certainement. Et puis on arrive au stade où ce
n'est plus un 45 tours qui va être jugé mais un
ensemble de choses. A partir de là, les gens vous regardent
d'une autre façon. Cool : La
réussite, l'envie de prouver, c'était un but
depuis toute petite ? Mylène
Farmer : Il y avait une envie de sortir des sentiers
battus, c'est évident. Un besoin de se faire remarquer sous
telle ou telle forme. Envie d'exister à ma façon. Cool : Si
ça n'avait pas été la chanson ? Mylène
Farmer : Peut-être le cinéma. Si
ça n'avait pas été le
cinéma, pourquoi pas l'écriture, mais tout
ça c'est dit "peut-être". Cool :
Ça reste un des domaines artistiques avec l'envie de montrer
quelque chose au public ? Mylène
Farmer : Oui. Sinon je dis toujours après
élever des singes. Mais, ça sera une affaire
entre les singes et moi, donc ça n'intéresse pas
le public. C'est quelque chose que je pourrais faire aussi. Cool : Qu'est-ce
qu'on vous dit dans votre courrier ? Mylène
Farmer : Il y a les sempiternelles questions sur
l'acteur préféré, l'animal
préféré, la façon d'arriver
à ce métier et puis il y a des choses plus
profondes. Sans faire de généralités
il y a quand même des choses qui reviennent sur
l'atmosphère que je propose à travers mes albums.
C'est certainement des textes et des univers qui les touchent
profondément. Et il y a beaucoup de personnes
désespérées qui m'écrivent,
et des témoignages qui sont vraiment émouvants.
Autant, c'est vrai, j'ai quelque fois du mal à dialoguer,
les lettres c'est quelque chose que j'adore. Je réponds
toujours. Il y a des lettres auxquelles vous vous devez de
répondre. Cool : Cette
confiance que les gens vous accordent, c'est quelque chose qui
étonne, qui émeut ? Mylène
Farmer : Qui émeut, oui, qui peut
bouleverser. Pour moi, c'est du domaine presque de
l'inquiétant, parce que c'est la question "Qu'est-ce qu'un
artiste ?", "Qu'est-ce qu'il peut véhiculer ?". C'est
étonnant de pouvoir avoir cette espèce
de pouvoir...