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Mylène Farmer - Interview - France Soir - 30 mai 1996






Interview réalisée dans un salon du Zénith de Toulon (ville de la première date du Tour 1996 le 25 mai 1996)
Interview publiée le 30 mai, veille de la deuxième date de la tournée à Bercy.


France Soir : Après un long séjour dans l'androgynie, vous affichez enfin une féminité triomphante...
Mylène Farmer : Je n'ai plus peur de le dire : je suis une femme, enfin. Par exemple, je m'imagine mal chanter Plus Grandir aujourd'hui. On m'avait toujours affirmé que la période 30-35 ans serait la plus belle, et c'est le cas.


Cela correspond-il à un épanouissement sexuel ?
(Elle rit et rougit). Sûrement.


Vous apparaissez à demi nue en ouverture du spectacle. De la provocation ?
Je ne le vois pas de cette façon. Pour moi, c'est l'évocation de la naissance et de la pureté comme la Vénus de Botticelli. Mais je comprends qu'on puisse l'interpréter d'une façon plus sexuelle.


N'est-ce pas terrifiant pour vous, si introvertie, de vous exhiber de cette façon ?
Au contraire, c'est beaucoup plus facile. La nudité n'est embarrassante que devant l'homme qu'on aime, ou sur un tournage lorsque toute l'équipe est à proximité. Mais sur scène, il y a cette distance qui fait qu'on n'y pense pas.


Vous exposez-vous pour mieux vous dérober ?
Probablement. Là où j'ai l'impression de me dénuder vraiment, c'est dans les moments d'émotion.


Dans le clip de California, réalisé par Abel Ferrara, vous jouez à la pute. A l'image, vous êtes souvent malmenée sexuellement. Du plaisir dans l'avilissement ?
Dans la débauche plus exactement (rires).


On a l'impression que votre univers se rapproche doucement de celui de Madonna.
La comparaison est inévitable. Je suis une chanteuse, j'ai des danseurs, je fais un show délibérément "à l'américaine". Madonna est une personne de talent, non ?


Comme elle, vous possédez ce don de vous réinventer à chaque fois.
J'ai cette chance. Parce que j'aurais pu glisser facilement sur la mauvaise pente, celles des névroses, des obsessions et de l'auto-destruction. J'ai vraiment connu l'isolement et l'enfermement. J'étais entourée mais seule.


Est-ce que l'échec de Giorgino a marqué la fin d'un cycle ?
Oui, la fin d'un cycle de sept ans, comme par hasard. Le film représente pour moi, symboliquement, une deuxième naissance. J'aurais pu m'apitoyer sur cet échec, j'ai choisi de ne pas le faire. Cela a été libératoire. J'ai mis un terme à l'auto-destruction. Je vais bien.


La peine n'est donc plus votre amie, comme vous le chantiez naguère ?
C'est un sentiment que je continue d'aimer. Mais il y en a d'autres. L'amour, par exemple, est fondamental. J'ai appris le partage. Le partage à deux. Accepter de recevoir, aller vers l'autre, accepter de me faire aimer. Parce que donner est tellement plus facile que recevoir...


On vous sent plus accessible, plus humaine aussi...
Oui, même si je ne vais pas non plus me donner en pâture. Mais c'est vrai, j'ai accepté la vie, je ne porte plus mon passé comme un fardeau. Je suis plus légère.


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