Graffiti : Eh bien,
chère Mylène, nous allons parler de votre
discographie, plus particulièrement de Tristana, votre
dernier single. Un titre, tout nouveau, tout beau qui
n'apparaît pas dans l'album.
Mylène Farmer : Effectivement. Et on va l'y
insérer car il va y avoir une nouvelle sortie de l'album sur
vinyl bien sûr mais aussi en compact. J'ai envie de faire
exister ce 30 centimètres un peu plus qu'il n'a
existé. De plus, comme j'ai
bénéficié d'une chanson qui a bien
marché, Libertine
pour ne pas la citer, j'avais envie aussi que Tristana figure
sur mon premier album.
Graffiti : Maman a tort, On est tous des
imbéciles, Libertine, un univers
"indéfini". Farmer ne refait jamais du Farmer, avez-vous
raison ? Et est-ce le bon choix de renaître à
chaque fois sous une forme différente ?
Mylène Farmer : Je sais que ça tourmente beaucoup
de personnes. C'est vrai que Tristana
ne ressemble pas à Libertine
même si ce titre est de la même veine que l'album
mais je ne voulais en aucun cas imiter ou faire la plagiat de Libertine parce que
ça ne m'intéresse pas.
Graffiti :
Interprète avant tout, un statut confortable ! Etes-vous
à l'aise dans la peau d'une muse inspirant ses auteurs
attitrés ?
Mylène Farmer : En ce qui concerne les textes j'y suis pour
quelque chose dans la mesure où soit je les co-signe, soit
je les inspire. Et puis, pour les musiques, c'est pareil, je m'y
intéresse de très près. Je suis quand
même très présente même si
c'est vrai que ma signature n'apparaît que très
rarement sur l'album. Quant à l'interprétation,
c'est à moi de faire le travail de chorégraphie,
le travail de l'artiste en fait, normal.
Graffiti : Une
équipe autour de vous, alors si vous présentiez
ceux qui se cachent dans l'ombre de leur star
préférée ?
Mylène Farmer : C'est la même équipe
depuis le début. Il y a le compositeur qui est aussi le
réalisateur du clip, c'est Laurent Boutonnat et il y a
quelqu'un qui me suit de très près, c'est
Bertrand Lepage. Il est, un mot que je n'aime pas beaucoup, mon
manager, mais en définitive c'est beaucoup plus que
ça et puis bien sûr il y a la maison de disques
qui est toujours derrière nous, avec nous.
Graffiti :
Mannequin hier, chanteuse désormais, un changement de
décor dû au hasard ou répondant
à une nécessité absolue ?
Mylène Farmer : Ce sont les rendez-vous de la vie
qui vous mènent là où vous allez.
Chanter, ce n'était pas une vocation bien que la musique
m'ait toujours accompagnée. Je m'orientais plus vers le
théâtre ou le cinéma, c'est
vrai, mais je voulais de toute façon, occuper une
place artistique et faire un métier de création.
Graffiti :
Importante l'apparence chez vous, la forme contre le fond ? Un match au
sommet, qu'en pensez-vous ?
Mylène Farmer : Avant tout je cherche à me faire
plaisir mais il est un fait aujourd'hui que l'image l'emporte sur le
reste et que les gens sont plus accrochés par une coiffure,
des vêtements, une façon de s'habiller, les
attitudes ou les comportements arrivant en 2ème position.
Les apparences c'est ce que l'on peut prendre tout de suite,
instantanément. Il y a une femme que j'aime vraiment
beaucoup c'est Kate Bush justement parce qu'elle a exploité
tous les domaines ! D'abord elle bouge très très
bien, elle sait se servir de son corps merveilleux et puis elle a aussi
des chansons qui me fascinent.
Graffiti :
Distante, soit, prenez-vous du plaisir à exercer ce
métier de professionnelle avancée ?
Mylène Farmer : Bien sûr, jamais je n'aurais pu
travailler dans 1 bureau ! C'est un plaisir extrême mais les
contraintes sont inévitables ! Nous sommes des
privilégiés, on nous donne l'antenne, l'image, la
possibilité de chanter, d'occuper les ondes. C'est
formidable.
Graffiti :
Êtes-vous perfectionniste ?
Mylène Farmer : Maniaque même, je tiens cela de
mon papa. Je suis aussi très colérique. On ne
peut pas dire non plus que je sois facile à vivre pour mon
entourage.
Graffiti : Vous ne
regrettez rien et surtout pas votre existence de mannequin ?
Mylène Farmer : Tout à fait. Ce métier
n'avait aucun intérêt mis à part de me
permettre de gagner facilement et rondement ma vie.
Graffiti : Alors
comment s'improvise-t-on chanteuse ?
Mylène Farmer : On ne s'improvise pas, je crois aux vertus
du travail, de la persévérance et de la chance. Maman a tort, mon
premier 45 tours, a super bien fonctionné, ensuite il y a eu
On est tous des
imbéciles qui n'a pas connu le
succès public escompté mais ce n'est pas grave,
car il faut savoir faire avec les hauts et les bas. On apprend, on se
construit, à travers des disques et des images.
Graffiti : A quand
les nouvelles images de Farmer clippées ?
Mylène Farmer : Très prochainement sur nos
écrans, les amis ! Et ce clip risque de vous surprendre. Il
y aura des loups, de la neige et une belle histoire avec la
participation d'une star dont je ne peux pas encore divulguer
l'identité.
Graffiti :
Mylène actrice ! Une éventualité ?
Mylène Farmer : Oui, mais il faut bien le
reconnaître, je ne croule pas sous les scénarios
et puis les propositions ayant été
inspirées par
Libertine les films tournaient tous autour du
même sujet si vous voyez ce que je veux dire.
Graffiti :
Justement, penchons nous sur les images, celles du clip Libertine
n'étaient pas à mettre devant tous les yeux ?
Mylène Farmer : Ce clip, c'est surtout un amour du
cinéma et des images. Moi je le trouve au contraire
très romantique. On n'a pas "appuyé" sur les
mots, mais on a raconté une histoire avec des bagarres entre
filles, avec des chevaux.
Graffiti :
"Libertine", "Catin" un langage 18ème désuet aux
antipodes du clip branché, un vocabulaire facile
à défendre ?
Mylène Farmer : C'était marrant de remettre au
goût du jour, ces mots d'une autre époque et puis
être chanteur c'est aussi savoir faire l'acteur. Etre capable
d'interpréter une prostituée et le lendemain
être crédible sous les traits d'une religieuse.
Graffiti :
Solitaire, indépendante, des qualificatifs qui vous vont
à ravir n'est-ce pas ?
Mylène Farmer : Complètement, n'est-on pas
définitivement seul ?
Graffiti :
Conserve-t-on ses amis malgré le succès ?
Mylène Farmer : J'ai un cercle d'amis très
restreint et pour eux je suis restée Mylène, sans
Farmer.
Graffiti : Les
chanteuses se déshabillent, une mode qui vous ravit ?
Mylène Farmer : J'ai remarqué, à mon
avis, c'est devenu un peu trop systématique, et puis il ne
suffit pas de vêtir un porte-jaretelle pour se vouloir sexy.
C'est plus subtil que cela.
Graffiti : Vous
verra-t-on à la une d'un magazine de "Fesses", au
féminin ?
Mylène Farmer : J'ai mes clips pour ça.
Graffiti : Vous
n'êtes pas comme tout le monde.
Mylène Farmer : On n'est jamais réellement comme
tout le monde parce que lorsque vous marchez dans la rue, les personnes
vous reconnaissent. On ne peut plus regarder les autres, car ce sont
eux qui nous observent, et on ne peut jamais être
soi-même, puisqu'il y a forcément 1 regard.
Parfois c'est très gênant.
Graffiti : Comme
dirait Gainsbourg, A quoiboniste, vous répétez
sans cesse ah quoi bon, ah, quoi bon...
Mylène Farmer : Merci, Monsieur Gainsbourg de me l'avoir
soufflé.
Graffiti : La
chanson est-ce un art mineur ?
Mylène Farmer : Qui encule les arts majeurs (rires).
Graffiti : Des
voyages au bout de l'horizon ?
Mylène Farmer : Le Canada, bien sûr, où
je vais faire de la promo et ce qui va me permettre surtout de renouer
avec ce pays de mon enfance. D'y retourner avec un métier
dans les mains ça me fait vraiment très plaisir.
Graffiti : Mission
secrète ! Vous ne vous dévoilez guère ?
Mylène Farmer : Il y a des choses que je trie en interview
parce qu'elles appartiennent à mon intimité.
Graffiti :
Etes-vous révoltée ?
Mylène Farmer : Je suis née
révoltée, alors !
Graffiti :
Encaissez-vous les coups ?
Mylène Farmer : J'ai appris, je suis devenue juge !
J'encaisse, je souris, je ne dis par merci mais presque. A mon avis,
c'est plus intelligent que de répliquer parfois !
Graffiti :
Etes-vous si mystérieuse qu'il y paraît ?
Mylène Farmer : Non, mais il y a mon métier d'un
côté, mes disques, mes clips, mes prestations
à part cela le reste c'est mon jardin secret.
Graffiti :
Optimiste !
Mylène Farmer : Pas vraiment, disons qu'à un
moment de mon existence, je suis tombée dans un lourd
pessimisme et puis je me suis replongée dans l'action.
Voilà, c'est ce qu'on appelle la philosophie non ?