Laurent Delahousse
: Merci
d'être avec nous, ce soir.
Mylène Farmer : Merci à vous.
Laurent Delahousse
: On va d'abord parler de la neige. Vous savez, elle a
marqué l'actualité de la semaine. Ca reste l'un
des paysages qui vous pasionne le plus, toujours, aujourd'hui ?
Mylène Farmer : Que je trouve le plus joli. J'ai grandi au
Canada, j'y suis née. Et, je trouve que ça
embellit une ville, un pays.
Laurent Delahousse
: Alors, je le disais, il y a eu cette série de concerts. Il
fallait tourner une page. Elle a été dure
à tourner ? Après cette série de
concerts, vous avez parlé d'un vide abyssal. C'est
important...
Mylène Farmer : Je ne sais pas si le vide abyssal est
important mais, c'était un vide abyssal. C'est difficile. On
est... comme quand on fait du sport, l'endorphine, on est
gonflé, et puis après, c'est un grand vide qui
lui est abyssal et, c'est presque comme une petite mort. On a
l'impression de n'être plus rien, de ne servir à
rien. Et, c'est là...
Laurent Delahousse
: Et donc, vous vous êtes retrouvée face
à cette feuille blanche. C'était ça
aussi le pari, se retrouver en face de cette feuille,
écrire, retrouver l'inspiration. C'est ça qui
vous a...
Mylène Farmer : C'est une rencontre avant tout. C'est Moby
qui m'a envoyé - l'artiste Moby - qui m'a envoyé,
je crois dix-sept chansons. Et, parce que ce vide abyssal, tout d'un
coup, je me suis dit, il faut que je le remplisse, parce qu'on a
l'impression comme je le disais de n'être rien. L'ennui vous
gagne, l'ennui de soi. Toutes ces choses.
Laurent Delahousse
: Et il ne vous a pas fallu tellement de temps pour écrire
ces textes. On va y revenir. On va parler justement de cet album.
Evolution, révolution. On passe de la lumière au
sombre, du bleu au noir. Nouveauté, évolution
mais aussi continuité. On y retrouve votre
écriture, votre style. Le nouvel album s'appelle donc Bleu
Noir. C'est un chapitre de plus du roman à succès
que vous écrivez. C'est ce que nous raconte Abdel Mostefa,
Jean-Jacques Le Garrec. Et, on se retrouve juste après.
Diffusion du reportage.
Laurent Delahousse
: Alors, Mylène Farmer, le mystère
opère toujours. Certains cherchent toujours à
décrypter ce mystère. Est-ce que finalement, ce
qui vous caractérise le plus, c'est la liberté ?
Mylène Farmer : En tout cas, la liberté de dire
'non' ! Et c'est un vrai privilège. Et puis,
après le 'non', le 'oui' arrive.
Laurent Delahousse :
C'est une belle liberté pour une
artiste aujourd'hui de faire des choix, de faire ce qu'elle a envie de
faire, avec qui elle a envie de le faire.
Mylène
Farmer : (Mylène
acquiesce) C'est une liberté. C'est vrai qu'au sein
même de ma maison de disques, c'est une liberté.
Je fais ce que je veux. J'ai effectivement un patron de maison de
disques qui me suit, qui est quelqu'un de formidable, de
compréhensif, d'intelligent. Et puis, à nouveau,
cette liberté, oui, de faire ce que je veux, au moment
où je le veux. Et une fois de plus, le non est important.
Parce que c'est un privilège une fois de plus.
Laurent Delahousse
: Et, liberté de choisir les gens avec qui vous avez
travaillé. Moby, vous en avez parlé, Archive...
Mylène Farmer : Oui.
Laurent Delahousse
: C'est ça ? Je ne me trompe pas ?
Mylène Farmer : Un groupe anglais.
Laurent Delahousse :
C'est une page qui se tourne aussi. En tout cas,
c'est une nouvelle séquence puisque vous avez toujours,
quasiment, travaillé avec Laurent Boutonnat, je crois...
Mylène
Farmer : Oui, et je continuerai de
travailler avec Laurent Boutonnat, bien évidemment. Laurent,
lui, est en train d'écrire un scénario, va
réaliser probablement ce long métrage. Et puis,
c'est surtout une histoire de rencontres plus que quelquechose de
très préméditée. Une fois
de plus, Moby m'a envoyé ce cd de démo. Et puis,
parce que, ce vide, parce que, ce manque, cet ennui de moi, cet ennui
de tout. J'ai eu envie de mettre des mots sur une page qui fut blanche
mais qui ne l'est plus. (Rires.)
Laurent Delahousse : On
continue avec ce mot 'changement'. Une voix qui
est plus présente. C'était une vraie
volonté ?
Mylène
Farmer : C'est une
volonté. J'avoue, souvent, j'ai demandé
à Laurent, puisqu'on en parlait de mettre ma voix plus en
avant et, là puisque finalement j'étais chef
d'orchestre, je me suis dit: "allez, permettez, j'allais dire et
permettons" de mettre ma voix plus en avant.
Laurent Delahousse : Et
puis, on retrouve également de la
mélancolie avec une chanson, Leila, qui est
écrite, en fait, en destination de la fille du shah d'Iran
qui s'est donnée la mort. C'est cela ?
Mylène
Farmer : Là encore,
c'est une rencontre. J'ai rencontré la maman de Leila, je ne
la connaissais pas, et, j'ai rencontré une femme d'une
grande dignité, une femme très belle. Et puis, la
personne qui m'a présenté cette femme, m'avait
dit que sa fille, donc, Leila qui est
décédée, écoutait beaucoup
ma musique, ce qui m'a évidemment beaucoup
touchée, sans narcissisme aucun... c'est juste, son histoire
m'a touchée. Le fait qu'elle ait due partir de son pays, et
puis, voila... Et puis, j'ai rencontré à nouveau,
une deuxième fois, cette femme et je lui ai
présenté et la chanson ,et le clip qui illustrait
cette chanson. Et, c'était un moment qui était
incroyable d'émotion, de pudeur aussi. Et là,
actuellement, je lis la biographie donc de sa maman qui semble
être extrêmement et touchante, et
intéressante. Passionnant.
Laurent Delahousse :
Dernière question, sur cette musique,
sur cette chanson qui s'appelle "Diabolique est mon ange" (sic). Le tic
tac du temps qui passe. Il vous fait peur parfois ce temps qui passe,
ou pas ?
Mylène
Farmer : Il est effrayant puisque
Baudelaire disait : "Horloge", "L'Horloge" , le fameux
poème: "Horloge - Dieu sinistre effrayant impassible" etc,
etc. Oui, ça m'obsède, ça m'angoisse
mais...
Laurent Delahousse : En
revanche, il y a des parenthèses
enchantées. 'Heureux', ce n'est pas un mot qui est exclu de
votre vocabulaire, bien au contraire ?
Mylène
Farmer : Non. Je crois que comme
tout le monde, il y a des moments de joie, des moments plus sombres,
des moments de doutes. Mais, non, je n'ai pas l'impression de me
distinguer...
Laurent Delahousse
: Il est si diabolique que ça votre ange ?
Mylène Farmer : Il est diabolique. (Rires.)
Laurent Delahousse
:
Réellement diabolique. Un mot, un dernier mot. Du
cinéma. On en avait parlé la dernière
fois où on s'était rencontrés et
également sur ce plateau. C'est un projet que vous avez
toujours en tête
Mylène Farmer : Toujours en tête.
Laurent Delahousse
: Qui aboutira dans les mois qui viennent ?
Mylène Farmer : Je le souhaite. Maintenant, on sait que le
cinéma c'est quelque chose qui est long. Il faut
être patient, il faut être confiant. En tout cas,
c'est un joli projet, je le pense toujours.
Laurent Delahousse
: Merci beaucoup. C'est toujours très agréable de
vous avoir sur ce plateau.
Mylène Farmer : Merci à vous.
Laurent Delahousse
: Merci beaucoup Mylène Farmer d'être venue ce
soir. Ça s'appelle Bleu
Noir et c'est déjà en tête
des ventes. On vous reverra en concert bientôt ?
Mylène Farmer : Je le souhaite mais je vais prendre un petit
peu de temps car c'est un travail de longue haleine.
Laurent Delahousse
: Nous aussi, et on va viendra vous voir.
Mylène Farmer : Merci.