La Charente Libre : Libertine, Tristana, vous
collectionnez les succès, mais on ne connaît de
vous qu'une image. Qu'est-ce qui vous a amené à
la chanson ?
Mylène Farmer : Depuis mon plus jeune âge la
musique est importante dans ma vie, mais je me destinais à
une carrière de comédienne de
théâtre et de cinéma. Or, le hasard qui
fait bien les choses m'a mise en présence d'un jeune auteur,
Laurent Boutonnat, qui partageait absolument les mêmes
préoccupations que moi. Forts de notre entente, la chanson
s'est imposée naturellement, comme une
opportunité à saisir. Rien ne dit que d'ici
quelques années je ne me tournerai pas vers le
cinéma, mais actuellement ma carrière de
chanteuse prime. Il n'est pas possible de se disperser, ni de faire les
choses en dilettante !
La Charente Libre :
Comment s'effectue votre collaboration ?
Mylène Farmer : Dans la mesure où Laurent et moi
avons les mêmes centres d'intérêt dans
la vie, les thèmes des chansons et l'écriture
elle-même ne sont pas l'apanage de l'un ou de l'autre.
Laurent compose seul les musiques, mais nous discutons ensemble des
textes : nous échangeons des idées, des mots.
C'est réellement une collaboration à deux, et
lorsqu'une chanson est réussie c'est grâce
à cette parfaite alchimie !
La Charente Libre :
Certains vous reprochent d'interpréter des textes
"osés" ?
Mylène Farmer : Je n'ai jamais eu envie de choquer
gratuitement ! Avant
Libertine et dans les années à
venir, il est clair que des personnes se sont senties et se sentiront
choquées par des textes, des images. Les
mentalités n'ont pas vraiment évolué,
il existera toujours des tabous chacun ayant d'ailleurs les siens ! Je
n'ai pas à me situer par rapport à cet
état de fait, je continuerai de toutes façons
à faire ce qui me plaît.
La Charente Libre :
Vous soignez la chorégraphie, les costumes...
Mylène Farmer : Parce que c'est indispensable et que je
ressens du plaisir à porter de beaux vêtements !
Je ne me vois pas interpréter une chanson plantée
derrière un micro. Je trouve que la danse, comme la
manière de me vêtir, apportent un plus
nécessaire. Le spectacle, du moins celui qui m'attire, doit
faire rêver les gens.
La Charente Libre :
Vous utilisez également beaucoup la vidéo, et ce
depuis votre premier titre, le clip est-il une
nécessité commerciale aujourd'hui ?
Mylène Farmer : Mise à part "l'outil
promotionnel" évident, l'image apporte une part de
rêve supplémentaire, complémentaire des
mots. Ce qui me gêne, en revanche, c'est la
vulgarité, la médiocrité de nombreuses
vidéos ! Laurent et moi écrivons les
scénarios de ces clips, en mettant la chanson au service de
l'image, en créant des situations nouvelles qui vont
éventuellement parvenir à apporter une magie.
Trop souvent, les clips se contentent d'être des explications
de textes, comme si le public n'était pas capable de
comprendre directement la chanson. Pour ma part, je
préfère le détournement du texte, qui
seul engendre des émotions.
La Charente Libre :
La scène ne vous attire pas ?
Mylène Farmer : Bien sûr que si, mais un spectacle
ne s'improvise pas ! Je ne me sens pas prête pour le moment
à l'affronter : il est nécessaire de s'y
consacrer entièrement afin de présenter au public
un travail abouti. Actuellement, je préfère
présenter des vidéos et assurer de bonnes
prestations à la TV ! Sans oublier que je dispose d'un
répertoire limité; je n'ai qu'un seul album
derrière moi. Une carrière cela se construit
pierre à pierre, surtout dans l'état actuel du
marché. La seconde pierre : mon second album sera
pressé en octobre prochain : écrire des chansons
cela prend du temps. Le droit à l'erreur n'existe pas pour
un artiste et l'amateurisme ne paye pas !