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Mylène Farmer - Interview - Radio Scoop - 24 février 2011



  • Date
    24 février 2011
  • Média / Radio
    Radio Scoop
  • Interview par
    Eddy Gawron
  • Fichier
  • Catégories interviews



Interview diffusée le jeudi 24 février 2011 entre 11h et 12h lors d'une émission spéciale.

Mylène Farmer Radio Scoop

L'interview aurait été enregistrée en janvier dans la suite d'un palace à Cannes lors de la présence de Mylène pour les "NRJ Music Awards".

La radio avait beaucoup communiqué sur cet événement avec la diffusion de teaser sur l'antenne et une campagne d'affichage dans les rues de Lyon.

Mylène Farmer Radio Scoop



Diffusion de Oui mais... Non


Radio Scoop : Bonjour Mylène Farmer !
Mylène Farmer : Bonjour !


Radio Scoop : Merci de recevoir Radio Scoop dans ce très bel hôtel d'autant qu'on sait que vous accordez les interviews au compte-gouttes...
Mylène Farmer : C'est une réalité, c'est vrai, c'est vrai...


Radio Scoop : C'est toujours un exercice difficile pour vous ou est-ce que vous vous habituez avec le temps ?
Mylène Farmer : Non, je ne m'y habitue pas. C'est difficile. C'est difficile de parler de soi, mais je le fais volontiers, aujourd'hui en tout cas.


Radio Scoop : Néanmoins, j'ai l'impression que depuis la sortie de l'album Bleu Noir, on vous a un tout petit peu plus entendue...
Mylène Farmer : C'est vrai, j'ai fait, j'ai accordé si je puis dire, je crois, quatre ou cinq interviews. C'était un souhait de ma part, une impulsion, voilà ; pas quelque chose de prémédité mais un désir.


Radio Scoop :Vous avez commencé à travailler sur l'album Bleu Noir après une série de concerts en 2009. Et, à ces concerts remplis d'effervescence, remplis d'émotions diverses a succédé une période de vide que vous appelez d'ailleurs une "petite mort".
Mylène Farmer : Oui, une "petite mort", ça paraît toujours un mot un peu violent, une métaphore un peu violente mais c'est une réalité. Quand on sort et de scène, et d'une tournée, il y a ce sentiment qui est un véritable vertige , c'est comme si on vous enlevez une perfusion. On est en manque, on est... Un sentiment de solitude parce que la scène c'est avant tout un partage, c'est une communion. Et, quand on vous enlève l'autre, ma foi, c'est le vide.


Radio Scoop : Du coup, comment renaît-on de ses cendres ? Est-ce qu'il est facile de se remettre au travail, vous qui dites ne rien préméditer ?
Mylène Farmer : Parce que souvent ça passe par un processus de création et que j'ai quand même attendu près d'une année puisque j'ai commencé de travailler sur l'album Bleu Noir en 2010. Et là, en effet, pendant toute cette année qui s'est écoulée il n'y avait rien de prémédité. Et puis, un jour, j'ai reçu, puisque je suis souvent en relation avec Moby... qui m'a envoyé un cd avec quelques titres, me disant : "Si tu en as envie, fais ce que tu veux avec ces titres". Et, ça a été, j'avoue un déclic, et, ça a été salvateur pour moi. (Rires.)


Radio Scoop : Moby, qui est devenu un ami, j'imagine, au fil du temps ?
Mylène Farmer : On peut considérer que c'est un ami si ce n'est que c'est quelqu'un qui est physiquement très, très loin. Mais, néanmoins, nous continuons de communiquer... les nouveaux médias, le mail... plus que le téléphone d'ailleurs ! Des mails ! J'aime bien l'écriture !


Diffusion du duo avec Moby Slipping away (Crier la vie) puis de Désenchantée.


Radio Scoop : Parlons de cet album Bleu Noir. Il est à l'image de son titre, assez contrasté. L'ombre et la lumière. Du rythme et des titres plus hypnotiques, souvent ce sont ceux d'Archive. J'ai envie de vous demander quelle est la part de "bleu" et quelle est la part de "noir" dans cet album ? Est-ce que les deux couleurs sont vraiment en équilibre ?
Mylène Farmer : J'ai toujours cette formule qui me revient à l'esprit : c'est l'équilibre dans le déséquilibre ce qui pourrait, je ne sais pas me résumer, mais en tout cas me... une part de moi-même. Le noir semblerait plus proche d'un groupe comme Archive qui a une facilité à tutoyer le son... Quand je travaille avec son groupe, essentiellement son programmeur, ce sont des personnes qui dissèquent. On a l'impression d'être dans un laboratoire. C'est assez  intéressant. C'est quelqu'un qui ne lâche rien et c'est quelqu'un qui est dans un univers assez hanté musicalement, obsessionnel...


Radio Scoop : Duquel vous vous sentez très proche ?
Mylène Farmer : Oui, moi, c'est quelque chose qui me transporte. Il me suffit finalement de deux notes, ce qu'ils utilisent souvent... il y a une ou deux notes qui se répètent à l'infini comme ça et ça vous plonge dans un univers incroyable. C'est, me semble-t-il très cinématographique. J'ai toujours aimé ce groupe, beaucoup écouté leur musique. Quant à Moby, Moby, c'est quelque chose, j'allais dire de plus sournois, en ce sens que lui a toujours une part de mélancolie même quand c'est up tempo, ça vous rattrape, ça vous attrape l'âme aussi. Donc, c'est ça que j'aime bien...


Radio Scoop : Donc, comme si les titres de Moby assuraient une transition entre ceux d'Archive et la musique de RedOne qui est beaucoup plus dynamique.
Mylène Farmer : Finalement, oui. Il y a un peu le "1,2,3". Nous avons les enfers, le purgatoire et le paradis, pourquoi pas ? (Rires.)


Diffusion de Bleu Noir puis de XXL puis de Pourvu qu'elles soient douces.


Radio Scoop : C'est RedOne qui a produit Oui mais... Non. Le connaissiez-vous avant ? L'avez-vous rencontré par un concours de circonstances ? Je rappelle que RedOne est aussi le producteur de Lady Gaga.
Mylène Farmer : RedOne, j'avais pensé à lui, mais en terme de producteur. Donc, je l'avais en tête. Et puis, effectivement, c'est une rencontre qui a été inopinée. On m'a proposé donc de le rencontrer. Et, là, il s'agissait de compositions. Et, c'est quelqu'un que j'ai beaucoup aimé tout de suite. Nous nous sommes rencontrés. Nous avons discuté de longues heures. C'est quelqu'un, me semble-t-il, d'une grande humilité. C'est quelqu'un qui a un parcours assez particulier. C'est quelqu'un qui a, on dit dans le jargon, qui a "ramé". Donc, il sait ce qu'est, et le travail, et le doute, les doutes. Et, c'est quelqu'un de généreux.


Radio Scoop : Et puis, comme beaucoup d'artistes, il possède une sensibilité très particulière, très accrue qui lui permet de comprendre vos émotions et de les restituer en musique.
Mylène Farmer : Je pense qu'il a fait... parce qu'on se dit un RedOne qui est un habitué de, une fois de plus dans le jargon, de "tubes" entre guillemets, est quelqu'un qui a cette générosité que de s'intéresser d'abord, d'une part à l'autre et à son univers et, plutôt que de rendre une copie facile et un morceau, je pense qu'il se questionne. C'est ce que je me suis dit moi, quand j'ai entendu la mélodie de Oui mais... Non. C'est pas quelques chose, comment dirais-je...  On ne trouve plus ses mots, quand il y a ce fameux micro (Rires.) Je pense que c'est quelqu'un, en tout cas, qui a pris le temps d'écouter ce que je faisais...


Radio Scoop : Et qui a réussi à capter l'étincelle...
Mylène Farmer : J'espère !


Radio Scoop : Et, sur un plan plus personnel, le bleu, qu'est-ce que ça signifie pour vous ?
Mylène Farmer : Le bleu, le bleu... les océans, les abysses, parfois le ciel. Mais, il a des bleus, des "bleu noir", des bleus turquoise, une très, très grande palette. Et puis, on sait pour les peintres, les périodes, des périodes bleues, des périodes noires.


Radio Scoop : A l'inverse, peut-on considérer que le noir représente quelque chose de plus sombre, de plus mélancolique ?
Mylène Farmer : Là, une fois de plus, je pense que je suis comme beaucoup d'entre nous, d'entre vous : nous avons tous des périodes sombres, des périodes plus gaies.


Diffusion de Lonely Lisa.


Radio Scoop : Cet album, Mylène Farmer, comptez-vous le défendre en tournée dans nos régions ?
Mylène Farmer : Non, c'est trop prématuré. J'avais envie de sortir cet album, de travailler, de lui laisser du temps parce que malheureusement, par les temps qui courent, c'est un peu la mode "kleenex", si je puis dire. On écoute et on passe à autre chose immédiatement. Alors qu'il me semble qu'un album il faut prendre le temps pour l'écouter. On peut ne pas l'aimer à une première écoute, puis découvrir, s'attacher, le détester aussi, tout est possible. Mais, lui donner du temps. Quand on lit un livre, on ne le lit pas en deux heures de temps, sauf si on a beaucoup de temps. (Rires.)


Radio Scoop : Cet entretien a une durée très précise.
Mylène Farmer : Très déterminée. (Rires.)


Radio Scoop : Très déterminée. Dix minutes.
Mylène Farmer : Parce que je dois continuer, à vrai dire, de travailler, de me préparer.


Radio Scoop : Sauf que le temps passe très vite. (Mylène acquiesce). Je voulais vous demander votre rapport au temps qui passe, vous qui l'avez chanté de façon parfois obsédante en reprenant notamment le texte de Baudelaire, L'Horloge.
Mylène Farmer : Le fameux "Horloge". Le temps est important. Le temps, parce qu'on apprend beaucoup de choses. Parce que c'est important de vivre les années... alors, on vous dit, grandir, je ne suis pas sure d'avoir grandi depuis (Rires.). Mais, il est nécessaire, ne serait-ce que pour certainement se cultiver, pour comprendre davantage qui l'on est, pour savoir ce qu'on veut définitivement et surtout ce qu'on ne veut pas. Le temps est nécessaire. Maintenant, le temps peut être méchant.


Radio Scoop : Il vous fait peur ce temps qui passe ?
Mylène Farmer : Oui. Là encore, comme tout un chacun. Le temps altère. Le temps, c'est l'horloge, le "tic tac".


Radio Scoop : Quelle est l'ambiance qui vous convient le mieux, Mylène Farmer, pour créer ? Vous sentez-vous plus à l'aise au calme, seule ? Est-ce que le fait d'être dans la foule, dans une autre ville, loin, ailleurs, peut vous inspirer ? Vous avez besoin d'un contexte particulier ?
Mylène Farmer : La première chose qu'il me vient à l'esprit, c'est, isolée. Ça, c'est nécessaire pour moi. J'ai toujours travaillé avec une musique d'abord. Donc, les mots ne viennent pas avant. C'est souvent deux notes ou une musique, une mélodie entière qui va me suggérer des mots. Parfois, un jeu de mots. Et, parfois, un thème tout simplement. Quant au lieu, non, là pour le coup, je peux être dans un pays différent. Etre au calme, ça c'est nécessaire. Et, je crois que je suis souvent... quand on a un besoin, en tout cas je vais parler de moi, un besoin d'écriture, une envie qui est presque oppressante, c'est souvent dans des moments de.... sans parler de désespoir, mais, des moments un peu plus brisés, un peu plus mélancoliques. J'avoue, je n'ai pas souvenir d'avoir eu une première chanson écrite d'un album avec un sentiment de joie infinie et, sautillante. (Rires.) Voilà. Je veux dire, le noir me sied mieux. Ce sont de grandes formules mais, voilà.


Radio Scoop : Au cours de cet entretien avec moi, vous vous êtes sentie plutôt bleue ou noire ?
Mylène Farmer : (Rires.) Bleu. Un bleu clair.


Radio Scoop : Merci beaucoup Mylène Farmer.
Mylène Farmer : Merci à vous. (Rires.) C'est gentil, merci.


Diffusion de Sans contrefaçon (live)