Entretien
sur RTL le lundi 08 avril 1991 entre 20h et 21h
avec Nagui.
Interview sur la sortie de l'album
L'autre... mais proposant aussi une
rétrospective assez détaillée des
premières années de la carrière de
Mylène.
Nagui : On ne sait
jamais, et ben là, ça se passe bien !
Désenchantés de cette présence
jusqu'à 21 heures. Un nouvel album qui est un album
première sur RTL depuis ce matin. On découvre
tous les extraits de cet album, qui ne sortira finalement que mercredi,
c'est ça ?
Mylène Farmer : Il y a toujours un petit
décalage. Il sort le 8 et il est en magasins trois jours
après.
Nagui : Trois jours
après. Donc, il sort aujourd'hui,
c'est-à-dire en fait que toutes les radios l'ont
aujourd'hui ou dans la journée, je ne sais pas, je
pose la question...
Mylène Farmer : Principalement la vôtre.
Nagui :
Voilà ! C'est gentil. Et, en vente commerciale
dès mercredi. Plusieurs d'entre vous pourront
gagner le compact de L'autre... et le double compact live. Alors,
ça fait combien de temps qu'on n'a plus
eu de nouvelles, finalement, à peu près ?
Mylène Farmer : Si mes calculs sont bons,
ça fait deux ans et demi...
Nagui :
Ça fait deux ans et demi, à peu près.
Il y a eu donc une période d'écriture,
de repos peut-être ? Des vacances, non ? Qu'est-ce
qu'il s'est passé ?
Mylène Farmer : Non, pas de vacances. Un peu de
promotion à l'étranger, et puis un
moyen de se ressourcer, donc, tout ce qu'on peut faire :
lecture ou autres...
Nagui : Ecriture ?
Mylène Farmer : Ecriture, bien sûr.
L'album a pris à peu près six mois pour
la réalisation.
Nagui : Alors,
c'est un album qui... Quand on dit "L'autre...",
ça veut bien dire ce que ça veut dire : il y a
vraiment une autre. Alors, c'est quoi ? C'est une
autre Mylène Farmer ? C'est une autre personne ?
C'est une autre personnalité ? Ça veut
tout dire, ou... ?
Mylène Farmer : Idéalement, je
préférerais ne pas, moi, me justifier quant au
titre. Mais c'est vrai que L'autre...
suggère beaucoup de choses, donc chacun y prendra ce
qu'il voudra.
Nagui : Chacun
verra le changement qu'il veut y voir. En tout cas, ce sera
aussi notre album de la semaine (...) Ce n'est "que"
le troisième album, dirais-je. On a l'impression
qu'il y a eu plein, pleins, pleins d'albums, il y a
eu pleins de chansons, mais en fait ce n'est que le
troisième album, si on compte pas évidemment le
live.
Mylène Farmer : Oui.
Nagui :
L'album en lui-même, en préparation, en
studio, en enregistrement : ça a pris beaucoup de temps
aussi. Ou ça va vite en studio ?
Mylène Farmer : Quatre mois de studio, avec,
certaines chansons qui ont été
remixées plusieurs fois.
Nagui : Il y a des
déchêts, quand on est en studio ? Il y a des
chansons que l'on écarte, au moment du studio ?
Mylène Farmer : Pas en ce qui me concerne. Mais, il
y a des chansons qui sont un petit peu plus difficiles à
réaliser, mais c'est surtout par rapport au
mixage. On est pointilleux sur tout, mais, le mixage, je me suis
aperçu qu'on l'a fait plusieurs fois pour certaines
chansons. Quelquefois, on peut se tromper aussi de direction donc, on
peut changer une mélodie, on peut changer... le
texte, en aucun cas ! (rires)
Nagui : Il y a un
souci de perfectionnisme, quelque part ?
Mylène Farmer : Il est là, oui.
Constamment.
Diffusion de Désenchantée.
Nagui : Désenchantée, ou
génération
désenchantée...Chacun, encore une fois,
fera l'analyse qu'il veut et qu'il
souhaite. En tout cas, toujours le texte signé de
Mylène Farmer. Toujours la musique de Laurent Boutonnat. Je
pense que là maintenant c'est une
équipe qui est construite depuis plusieurs
années; ça n'a pas été le
cas dès le début, en tout cas, mais depuis
plusieurs années, en tout cas, c'est cette
équipe. Ça ne changera pas ?
Mylène Farmer : J'ai quand même
commencé avec Laurent. Maman a Tort
était une chanson écrite par Laurent Boutonnat et
Jérôme Dahan. Mais, après,
c'est Laurent Boutonnat et moi-même qui avons
continué le chemin.
Nagui : Ce que je
veux dire, c'est il y a eu des chansons qui
n'étaient pas signées, pour le texte,
de Mylène Farmer...
Mylène Farmer : C'est vrai. Laurent
Boutonnat a signé quelques unes de ces chansons, et puis
après je lui ai volé le crayon et j'ai
continué toute seule.
Nagui : Alors
est-ce que musicalement par exemple pour placer un texte, pour trouver
la mélodie, la manière de le chanter,
c'est déjà écrit sur le
papier ? C'est-à-dire que c'est une lecture
d'une partition tout à fait normale, ou,
simplement on place sa voix comme on le sent sur une musique
déjà écrite ?
Mylène Farmer : Etant très,
très, très souvent avec Laurent, j'ai
cette chance que de pouvoir travailler et participer à ses
côtés...
Nagui :
... à la composition dès le
début, alors.
Mylène Farmer : Pas tout à fait la
composition dès le début. Mais, pour tout ce qui
concerne par exemple les mélodies de voix, j'aime
bien l'aider. Et, après, moi,
j'écris. Je crois que c'est la
façon tout à fait normale que
d'envisager une chanson.
Nagui : Donc
ça peut être la musique qui fait ressentir les
paroles, l'ambiance de la musique, on pense à
des...
Mylène Farmer : Très souvent. Moi,
j'ai besoin effectivement d'une musique.
Déjà, une musique peut inspirer beaucoup de
choses. Donc, j'essaie d'aller dans ce
sens-là, oui.
Nagui : Alors,
évidemment il se passe plein de choses en 1990-1991, que ce
soit dans le monde, que ce soit dans le socioculturel, politique, tout
ça. Est-ce que le monde extérieur a beaucoup
d'influence sur ce qui se passe, ou même sur cet
album, L'autre... ?
Mylène Farmer : Ce serait malhonnête de
dire aucunement. Mais, j'ai quand même tendance
à me situer hors de l'Histoire. Non pas hors du
temps, mais hors de l'Histoire. J'y suis sensible,
mais, maintenant, m'en servir pour des chansons : non, en
aucun cas. C'est plus des choses qui viennent de moi, de ma
vie, de mes sentiments et...
Nagui : Mais
c'est-à-dire que, au quotidien est-ce qu'il y a
une curiosité vers l'information ? C'est
vrai qu'on parle souvent de surinformation, parce
qu'il y a énormément de quotidiens, il
y a énormément de radios, il y a
énormément de télés, il y a
beaucoup d'infos, il y a beaucoup de magazines. Est-ce
qu'il y a une curiosité déjà
naturelle à vivre avec son temps et à suivre tout
ça de près, ou, est-ce que plutôt il y
a un cloisonnement, un isolement qui dit; "Oh là
là, il y a trop de trucs qui me tracassent, j'ai
pas envie de mettre mon nez là-dedans" ?
Mylène Farmer : Je me dis "À chacun son
métier". Moi, mon métier, c'est la
chanson, c'est en tout cas écrire et
interpréter. Une fois de plus, je suis sensible à
l'actualité mais pas impliquée du tout,
donc, c'est un peu difficile de répondre.
Nagui : Il n'y aura
jamais une chanson engagée ?
Mylène Farmer : Non, jamais ! Ce
n'est pas mon propos.
Nagui : Pourtant,
il y a des messages dans les chansons,
généralement, mais ce sont des messages
intemporels...
Mylène Farmer : Oui, c'est ce que je
souhaite, en tout cas.
Nagui :
D'accord. Alors, est-ce que là, maintenant, du
côté de la musique, est-ce que
l'évolution musicale tout ce qu'il y a
pu avoir en production anglo-saxonne ou
française...D'abord, est-ce qu'il y a
beaucoup de disques à la maison ?
Mylène Farmer : Il y a beaucoup, beaucoup de
disques mais, ce sont toujours des musiques de films.
Nagui : Tiens !
Mylène Farmer : De la musique classique, et,
parfois, de la musique pop, dit-on ! Quelques exemples :
j'aime beaucoup Talk Talk, j'aime...
C'est toujours quand on doit évoquer toutes ces
personnes qu'on ne les trouve plus !
Nagui : Evidemment,
qu'on n'a plus la liste...
Mylène Farmer : J'aime Peter Gabriel,
j'aime Kate Bush... Mais je reviens toujours un peu
aux mêmes, finalement.
Nagui :
Là, ce sont des ambiances bien particulières. Il
n'y a pas de chanteur à texte, dirais-je ?
Mylène Farmer : Si, j'aime bien
évidemment beaucoup Jean-Louis Murat. Je dis "bien
évidemment" parce que j'ai fait un duo avec lui.
Nagui : Et on en
parlera tout à l'heure, en
l'écoutant bien sûr. On t'a
demandé quels étaient les compacts que tu avais
envie d'entendre, et oh surprise ! Quelqu'un que
l'on ne connaît pas encore très,
très bien, qui sort son compact single en ce moment : Robert.
Mylène Farmer : Oui, vous faites allusion
à Robert, que j'ai découvert
à la télévision, puisque je crois
qu'on l'entend finalement très,
très peu en radio et, j'avoue que j'ai
beaucoup, beaucoup aimé cette chanson. J'aime le
visage de cette femme.
Nagui : Sans la
connaître, elle ?
Mylène Farmer : Sans la connaître du
tout, non. J'ai entendu, je crois, deux fois cette chanson.
Nagui : Elle
s'appelle Robert, donc. Elle se
promène. Et, il n'y a pas d's à
Robert.
Mylène Farmer : C'est très
gracieux, en tout cas.
Diffusion de Robert, Elle
se promène.
Nagui : Robert,
"Elle se promène". C'est presque du
Mylène Farmer, ça ?
Mylène Farmer : Oh non, je ne pense pas, non.
Nagui : Non ? Le
placement de la voix et...
Mylène Farmer : Parce qu'elle a une voix
qui est assez aiguë et assez douce. Mais, je trouve
ça très original, en tout
cas. Ça fait du bien d'entendre
ça.
Nagui : Bon,
d'accord... Robert, donc, qu'on aura
découvert. On peut l'inviter pour Studio 22, si
vous le souhaitez, Mylène !
Mylène Farmer : Mais éventuellement.
Nagui :
D'accord ! Donc, Elle
se promène, l'un
des compacts choisis par Mylène Farmer. Il y en aura
d'autres dans le courant de l'émission.
Alors, sur ce nouvel album de dix chansons, L'autre..., il y a un animal sur la
pochette. Décidemment, on retrouve l'amour des
animaux. Les singes vont bien, à propos ?
Mylène Farmer : Très bien, oui.
Très bien !
Nagui : En pleine
forme ? Il y a d'autres animaux qui sont venus habiter chez
Madame Farmer ?
Mylène Farmer : Non, parce que c'est
très, très difficile de faire la cohabitation
avec d'autres animaux. Ils sont très,
très possessifs et jaloux. Donc, j'ai
essayé une fois un petit chat mais, non !
Nagui : Le pauvre,
il a du souffrir ! Il se faisait courser dans l'appartement
par les singes ?
Mylène Farmer : Par un des singes ! Le plus
jeune... (rires)
Nagui : Alors,
c'est quel genre d'oiseau, ça ? Je suis
pas très doué, moi...
Mylène Farmer : En effet ! C'est un
corbeau.
Nagui :
C'est un corbeau, d'accord. Je ne suis vraiment pas
doué, donc ! Corbeau noir...C'est un
montage ou il était vraiment posé sur
l'épaule ?
Mylène Farmer : Il est réellement
posé sur l'épaule.
Nagui : Il y a
aucune crainte de votre part d'avoir un corbeau comme
ça aussi près du visage avec des griffes, avec un
bec...
Mylène Farmer : Non, je l'ai
apprivoisé.
Nagui : Ah bon,
d'accord. Et lui, il a pas eu de problèmes avec le
singe ?
Mylène Farmer : Non. C'est un corbeau
empaillé !
Nagui : Ah bon,
d'accord ! (rires) Drôle de forme pour apprivoiser
! Je me méfierais, moi si j'étais...
Bon... ! Et donc, sur cet album, il y a une
chanson...Alors, en ce moment c'est vrai
qu'il y a une vague,je suppose que cette chanson, Agnus Deia
été composée il y a un bon bout de
temps, mais, c'est vrai qu'il y a cette vague
Enigma ou autres chants grégoriens mis en house music et
compagnie. Déjà, une appréciation ou
non à porter sur Enigma ? Parce que des chants
grégoriens comme le Mea Culpa ou la house music...
Mylène Farmer : J'adore en tout cas les
chants grégoriens.
Nagui : Les vrais ?
Mylène Farmer : Les vrais. Et c'est vrai
que Laurent et moi-même avions cette idée...
ça fait très, très, très
longtemps, que d'utiliser des chants grégoriens
dans une chanson, et ça a déjà
été fait. Là, ce sont deux voix
masculines.
Diffusion de Agnus
Dei.
Nagui : Agnus Dei, Mylène Farmer sur
l'album L'autre..., avec trois petits points de
suspension qui ont toujours leur importance (rires de
Mylène). S'ils sont là, c'est
que c'est pour quelque chose ! Pas peur d'une
réaction, je sais pas, des ordres, du Vatican ?
Mylène Farmer : Non... non, non...
Nagui : Non ? Parce
que "mutilation", "génuflexion", "les bras m'en
tombent"...Enfin, bon...
Mylène Farmer : Mais, quand j'ai
écrit cette chanson, j'ai pensé aux
"Diables", de Ken Russel. Je ne sais pas si vous avez vu ce film qui se
passait sous l'Inquisition. Et ma foi, non, je n'ai
pas peur de ce genre de réactions. Et quand bien
même !
Nagui : Et quand
bien même, d'accord ! Il y a eu, on va en parler
tout à l'heure, aussi une éducation
justement dans le respect de la religion, une éducation
proche de la religion. Est-ce que c'est encore
présent, la religion, aujourd'hui ? Le
XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas, oui
ou non ?
Mylène Farmer : Ça, je vous laisse
ça... (rires)
Nagui : Non, je ne
sais pas...
Mylène Farmer : Je n'en sais rien.
C'est quelque chose qui est très
présent, je ne dis pas "la" religion, mais en tout cas
l'éventualité d'un dieu ou
non. C'est quelque chose qui est assez obsédant.
Pour ma part, moi, je suis athée mais je crois que je suis
en train de me poser aussi des questions par rapport à
ça. C'est plutôt l'absence de
dieu qui me trouble.
Nagui : Alors, dans
les textes il y a eu une période où il y avait
des chansons qui étaient adaptées en
d'autres langues, comme le premier 45 tours. Ça a
été la seule expérience anglo-saxonne,
ou il y en a eu d'autres dont on n'a pas
été au courant ou, est-ce qu'il y en
aura d'autres ?
Mylène Farmer : Non, c'était
la seule et je ne crois pas qu'il y en aura
d'autres parce que ma langue première,
c'est bien évidemment le français. Ou
vraiment pour s'amuser, pourquoi pas. Non, si j'ai
envie qu'on me connaisse, c'est vraiment dans cette
langue et à l'étranger je ferai en
sorte d'imposer cette langue. Ou alors, ou alors... tant pis.
Nagui : Donc, pour
mieux vous connaître, il faut bien lire les paroles et
chercher à bien les comprendre...
Mylène Farmer : Je crois que c'est
important, en tout cas pour moi, oui.
Nagui :
Mylène Farmer, notre invitée dans
"Génération Laser". Nous y reviendrons
à son album L'autre..., tout de suite après
ceci.
Diffsuion de publicités.
Nagui : 21 heures,
ce n'est que dans une demie heure, donc il ne nous reste plus
qu'une demie heure avec Mylène Farmer. Donc, il
faut faire vite !
Jingle de la rubrique "CDthèque".
Nagui :
CDthèque de notre invitée, donc, de
Mylène Farmer. 12 septembre - c'est encore une date
que l'on peut encore dire, 12 septembre 1961 à
Montréal, au Canada donc : naissance de Mylène,
fille d'un ingénieur des ponts et
chaussées et d'une maman qui va
s'occuper de beaucoup d'enfants, quatre en tout.
Ça diffère selon les articles de journaux : des
fois il y a trois, quatre enfants...
Mylène Farmer : Je vous laisserai dans
l'ignorance...
Nagui :
D'accord ! Donc, c'est quatre enfants dans la
famille. Des souvenirs d'études primaires donc,
comme on l'a dit tout à l'heure,
à l'école Sainte Marceline, tenue par
des gentilles sœurs. Souvenirs du Canada : sirop
d'érable, neige et écureuils.
C'est à peu près tout ce que vous avez
retenu du Canada ?
Mylène Farmer : Oui, très
sincèrement, oui.
Nagui :
Mylène a huit ans lorsque son papa a fini de construire le
barrage du Manicouagan, je sais pas si je prononce
correctement...
Mylène Farmer : Manicouagan (Mylène
reprend la prononciation "à la française")
Nagui :
Manicouagan, pardon. Et toute la famille rentre en France, à
Ville d'Avray, dans la région
parisienne.À ce moment-là, changements dans la
vie, changements dans la tête, problèmes
d'identité, parait-il, problèmes avec
votre physique, du mal à accepter l'adolescence ?
Mylène Farmer : Comme tout adolescent,
oui...
Nagui : Moi
ça s'est bien passé !
C'est maintenant plutôt que j'ai des
problèmes... Enfin, c'est pas grave... Donc,
problèmes d'identité, et, à
l'école, évidemment, malgré
le fait qu'elle déteste
l'école, elle y est toujours une heure en avance,
ce qui est vrai, devant les grilles fermées de
l'école.
Mylène Farmer : Paradoxal !
Nagui :
D'où peut-être les grilles pour le
concert ? Oui, c'est comme ça !
C'est pas si paradoxal que ça : dans une
interview, j'ai lu que vous disiez "Je veux toujours devancer
la souffrance".
Mylène Farmer : J'ai dit ça,
moi ? Allons bon !
Nagui :
C'est dans...
Mylène Farmer : Je m'étonne
toujours de ce que je puis dire. (rires)
Nagui :
À douze, treize ans, tous les dimanches matins, vous vous
occupez d'enfants handicapés, ou
inadaptés ?
Mylène Farmer : Comme vous voulez, oui. Des enfants
handicapés moteur et mentaux. Oui.
Nagui : Cette
démarche à douze, treize ans, c'est une
démarche que l'on a seule, ou...
Mylène Farmer : C'est en relation directe
d'avec des cours de catéchisme, puisque la
personne qui nous enseignait donc ce catéchisme nous
proposait d'aller tous les dimanches dans
l'hôpital de Garches, et j'avoue que
j'ai répondu favorablement et
qu'après j'y suis allée
moi-même toute seule.
Nagui : Ce qui est
une démarche plus que noble. À quinze ans, vous
voulez vous prouver, mais également prouver à
votre mère, que vous êtes capable de
réussir, de vous épanouir dans un domaine. Ce
sera l'équitation, au club de Porchefontaine,
où vous avez même envisagé de devenir
professionnelle. Vous vouliez faire carrière dans
l'équitation ?
Mylène Farmer : J'avais effectivement
cette intention, mais que j'ai très,
très vite abandonnée.
Nagui :
Virée au tout début de la Terminale,
vous...Virée pourquoi ? Pour indiscipline ou parce
que les études c'était pas votre fort ?
Mylène Farmer : Je crois que j'ai
provoqué le renvoi.
Nagui : Vous
choisissez le théâtre. Vous suivez donc des cours
de Daniel Mesguich pendant quatre mois. Vous avez
déclaré,–mais alors je ne sais plus si
c'est vrai maintenant: "Ce monde d'artifice et de
prétention, je veux le fuir". C'était
apparemment pas la comédie à ce
moment-là, ou du moins le cours d'art dramatique
en question, c'était peut-être pas le
meilleur, après tout...
Mylène Farmer : Je crois en tout cas que
j'avais une incompatibilité non pas
d'humeur mais de... Quant au
théâtre et l'envie de jouer,
j'avoue que je n'avais pas le même
langage, je crois qu'eux.
Nagui :
À ce moment-là. Peut-être que
ça a changé ?
Mylène Farmer : Non. Parce que
c'était beaucoup de grimaces, beaucoup de
contorsions et peu de choses, moi, qui m'inspiraient, en tout
cas.
Nagui : Mais vous
n'auriez rien contre de devenir comédienne
maintenant dans un long-métrage ?
Mylène Farmer : Non. J'accepte de faire
des grimaces, maintenant !
Nagui :
D'accord ! Et des contorsions ?
Mylène Farmer : Eventuellement...
Nagui : En tout
cas, vous devenez mannequin en allant donc aux castings de pub.
Ça a duré quoi, trois ans, les photos et ces
castings, qui devaient être barbants d'ailleurs finalement
à la longue. Ça a duré un bon bout de
temps, dix-huit à vingt et un ans, à peu
près ?
Mylène Farmer : C'est une,
j'allais dire, une très bonne école et
une école très cruelle, mais, c'est le
cap indispensable peut-être pour se forger une nature, en
tout cas, des défenses.
Nagui :
C'est là où on apprend à
détester l'objectif ? C'est
là où on apprend à avoir la haine de
la caméra ou de l'objectif ?
Mylène Farmer : Ce n'est pas
réellement une haine, mais, c'est vrai que ce
n'est pas une amie. Mais, maintenant, je commence
à m'adapter, en tout cas, oui.
Nagui : Vous
rencontrez Jérôme Dahan, qui écrit et
compose au piano, passez des heures à écouter ses
compositions et c'est lui qui vous présente donc
Laurent Boutonnat. La légende veut que ce soit lors
d'un dîner et qu'il y ait eut cette
entente mutuelle. Laurent, lui, ayant justement co-écrit
avec Jérôme Dahan, recherchait une
interprète. Alors, je ne pense pas qu'on puisse
parler de Mylène Farmer sans préciser qui est
Laurent Boutonnat en quelques mots. Il est né le 14 juin
1961. Lui aussi a eu une éducation relativement stricte
puisqu'il a été
élevé chez les jésuites.
Très doué en littérature...
Mylène Farmer : Vous trichez, parce que vous lisez
un papier ! C'est plus facile, finalement ! (rires)
Nagui : Oui, je lis
un papier, c'est vrai ! Mais je reconnais avoir
préparé ce que je dis, ça
c'est sûr. C'était pas en plus
évident de trouver toutes ces informations sur Laurent
Boutonnat, parce que ce n'est pas non plus un homme public.
Il a la passion pour le cinéma. Il a eu le
déclic, paraît-il, en voyant "Bambi". Vous aussi,
d'ailleurs, vous avez craqué sur
"Bambi"...
Mylène Farmer : Oui, nous avons un amour commun
pour "Bambi".
Nagui : Je ne pense
pas qu'il n'y ait qu'un amour commun. En
tout cas, pour "Bambi", oui ! La musique compte donc
énormément, il l'étudie
depuis l'âge de cinq ans. C'est un
cinéaste musicien, ou un musicien réalisateur,
peu importe. En tout cas, il est doué pour les deux,
ça c'est sûr. Vous vous êtes
rencontrés en quelle année, à peu
près ? Vous ne vous souvenez pas ?
Mylène Farmer : Je crois que c'est
1982...
Nagui : 1982 ?
Mylène Farmer : Oui...
Nagui : Et vous
vous souvenez de la rencontre ?
Mylène Farmer : Mais les dates n'ont pas
grande importance pour moi. J'ai la mémoire de
rencontres. Mais, quant aux dates, non, je les oublie très
vite.
Nagui : En tout
cas, ce qui est sûr c'est qu'en 1984, il y a eu le
premier 45 tours.
Diffusion d'un extrait de Maman
a Tort.
Nagui : Je continue
donc de lire mon papier. Au début de cette chanson, il y a
eu quand même quelques problèmes; c'est
une évidence maintenant de le dire, à cause des
paroles. Une fille qui aime une infirmière, ça
devait choquer au départ. C'est ce que vous vous
êtes dit en acceptant de chanter cette chanson: "Ca va
choquer" ?
Mylène Farmer : Non, non, du tout. Non. La
provocation pour la provocation, ça n'a aucun
intérêt. Je savais que
c'était un thème qui pouvait susciter
des réactions. Maintenant...
Nagui : Enfin, dire
"J'aime ce que l'on m'interdit",
déjà... C'est vrai que ce
n'était pas un texte que vous aviez
signé, mais enfin...
Mylène Farmer : Non, mais j'ai
décidé de l'interpréter en
connaissance de cause.
Nagui : Ce
qui revient un peu au même. D'accord, mais en tout
cas c'était en 1984. Non, non. Et, il n'y a pas de
réponse forcément à toutes les
questions, non plus. Donc, des problèmes de programmation au
début, en tout cas, quelques hésitations de
radios qui refusent de passer le titre. Ça ne vous
empêchera pas d'être
trente-cinquième notamment au hit-parade de RTL, on a
retrouvé les documents. ( petit rire de Mylène)
Le disque de Mylène se vend à 100.000
exemplaires, c'est-à-dire quand même encourageant
pour une première tentative. Cette version anglaise dont
nous parlions, My Mum is
wrong...
elle est franchement "wrong" par contre, cette version, parce que
ça n'a pas du tout fonctionné en Angleterre, ou
aux pays destinés. C'était
peut-être le Canada, le pays destiné, non ?
Mylène Farmer : Non, du tout. Je crois
qu'il n' y avait aucune destination, finalement. On
l'a fait, là, réellement pour
s'amuser et pour voir ce que ça pouvait donner en
anglais. Mais non, pas de grand espoir, en tout cas !
Nagui : Automne
1984, deuxième 45 tours : On est Tous
des Imbéciles.
Apparemment, les imbéciles ne comprennent pas et le public
ne se précipite pas sur ce 45 tours...
Mylène Farmer : Mais ça, c'est
normal. Je me dis que les choses se font lentement, et, c'est
bien, si elles se font en tout cas graduellement et dans le bon sens.
Nagui :
C'est sûr qu'il y a d'autres
exemples de personnes qui ont vendu énormément de
premiers 45 tours et puis plus du tout après. Donc, il vaut
mieux que ça se passe dans ce sens-là,
c'est vrai. J'ai les noms ! 1985 : vous changez de maison de
disques et vous vous plongez donc dans l'écriture
de chansons, bien sûr, mais toujours avec une
secrète idée d'écrire autre
chose que des chansons, c'est-à-dire peut-être un
roman ou une nouvelle. Peut-être même que le roman
existe et qu'il est dans un tiroir ?
Mylène Farmer : Non. Ça, c'est
une envie que j'ai également
abandonnée, parce que... peut-être par
lucidité parce que je sais que je ne suis pas capable
d'écrire un livre.
Diffusion d'un extrait de Plus
Grandir.
Nagui :
Troisième 45 trous, Plus Grandir, avec pour la
première fois en France pour illustrer cette chanson, un
clip tourné en Cinémascope par Laurent Boutonnat.
Ça a été une décision
presque commune, dirais-je, parce que, bon, il y avait cette passion du
cinéma que vous aviez en commun tous les deux ?
Mylène Farmer : Oui, mais qui est plus
prononcée chez Laurent, en tout cas techniquement. Donc, le
format Cinémascope, c'est plus Laurent qui en a
décidé ainsi.
Nagui : Il avait
déjà présenté un
court-métrage au Festival...
Mylène Farmer : Un long-métrage !
Nagui : ...un
long-métrage au Festival du Film à
Cannes, c'est ça ?
Mylène Farmer : Oui, qui s'appelait "La
féconductrice" (sic), oui.
Nagui : Quand il
avait 17 ans, et, ce long-métrage avait
été interdit aux moins de 18 ans.
Mylène Farmer : C'est vrai ! (rires)
Nagui :
Voilà, donc lui-même n'avait pas le
droit de voir son propre film. C'est intelligent ! Avril 1986
: sortie du premier album de Mylène, Cendres de
Lune, avec
neuf chansons, dont deux que vous avez signées et cinq pour
la musique de Laurent Boutonnat. Des chansons soit gentilles, soit
provocantes, soit gentiment provocantes dans la perversité.
En tout cas, il y a un style. Est-ce que...
Mylène Farmer : Vous parlez très,
très vite ! (rires)
Nagui : Pourquoi ?
Mylène Farmer : J'ai du mal à
suivre.(rires)
Nagui : Je peux
relire plus lentement la même phrase. Donc j'ai dit
: soit gentilles, soit provocantes...
Mylène Farmer : Oui...
Nagui : ... soit
gentiment provocantes dans la perversité.
Mylène Farmer : D'accord !
Nagui : On est
d'accord ? (Murmure de Mylène qui
aprouve) En tout cas, un style est trouvé. Dans la
moitié des chansons, il y a quand même
systématiquement allusion à la mort. Pourquoi
toujours cette attirance vers le, j'allais dire, le
néant, à moins que la mort ne signifie pas le
néant pour vous.
Mylène Farmer : J'ai envie de
répondre qu'on ne peut pas toujours expliquer le
pourquoi du comment. Pourquoi est-on attiré vers une chose
plus qu'une autre ? C'est complexe pour moi
à chaque fois d'avoir une justification quant
à ça. Maintenant, je suis attirée par
des musiques tristes, par des textes tristes, par des histoires
tristes...
Nagui : Pas
toujours...
Mylène Farmer : La plupart du temps. Parce
que même dans les choses très heureuses,
j'y attends toujours une fin tragique, donc... Parce
que j'ai été faite de la sorte. Je ne
sais pas bien...
Nagui : Non, mais
c'est bien de sourire en le disant, en tout cas.
Ça prouve qu'il peut y avoir un sourire pour
illuminer tout ça. Toujours donc mélancolie,
même des fois désespoir. Mais, pour vous, il y a
également aussi la dualité amour / violence.
Quand vous parlez d'érotisme, vous dites: "Je dis
non au sexe. J'aime l'érotisme. Je suis
une romantique, violente et sensuelle"...
Mylène Farmer : Oui. Que puis-je ajouter
à cela ?
Nagui : Non, mais
pourquoi ce mélange amour - violence, aussi ? (silence de
Mylène) Je suis désolé. Mais
c'est vrai qu'il y a des questions qui sont sans
réponse, mais comme mon boulot c'est de poser des
questions...
Mylène Farmer : Bien sûr ! Je vais
essayer de trouver une réponse assez rapide. Quand on parle
d'orgasme, on parle de petite mort. Ce n'est pas
par hasard. Ce n'est moi non plus qui l'ai dit et
inventé. Donc c'est vrai que amour et violence,
c'est un mariage inévitable parce que ce sont des
choses passionnées, fortes et
démesurées.
Diffusion d'un extrait de Libertine.
Nagui :
Peut-être encore à cause des paroles, en tout cas
le titre démarrera lentement pour atteindre ensuite les
400.000 exemplaires. Le déclic aura lieu grâce
à un clip, ou à un mini film ou un
court-métrage. En tout cas, ça dure onze minutes,
réalisé bien sûr par Laurent Boutonnat,
tourné au château de Ferrières dans une
ambiance très "Barry Lyndon". C'est une
période que vous aimez particulièrement ?
Mylène Farmer : J'aime les costumes,
j'aime...
Nagui : Les
dentelles...
Mylène Farmer : Pas réellement les
dentelles, non. Je préfère me travestir en homme,
en tout cas en ce qui concerne cette période. Mais, je suis
beaucoup plus attirée par le XIXème
siècle, tant par sa littérature que par cette
époque. Donc, le XVIIIème siècle,
c'était par hasard parce que Libertine y est
née, tout simplement.
Nagui : Dans ce
clip, bien sûr les paroles osées sont
illustrées, tout le monde l'a vu, par des robes
échancrées, par de la violence, par du sang, par
de la pureté aussi puisque vous apparaissez dans le plus
simple appareil et, je tiens encore à vous dire merci.
Apparemment, là maintenant, vous n'avez plus honte
par rapport aux problèmes d'adolescence.
Ça s'est mieux passé, là, ou
il y a eu aussi un moment d'angoisse lorsque vous avez vu sur
le script ou dans le scénario qu'il y avait ces
scènes à tourner ?
Mylène Farmer : Je considère que quand
c'est justifié, je n'avais
pas...
Nagui : ...de
gêne à avoir ?
Mylène Farmer : Non pas de gêne mais en
tout cas de refus, et puis surtout parce que je suis en parfaite
sécurité avec Laurent Boutonnat.
Nagui :
Automne 86 : premier donc tube, comme on aime bien employer ce
terme dans le show-biz, après avoir parcouru la France
durant l'été 1986 sur un podium radio.
Début 87, Mylène Farmer et Laurent
Boutonnat signent un nouveau titre, Tristana. Là aussi, tout se
fait en douceur mais ça devient bien sûr aussi un
grand succès. Toujours un clip avec son importance de douze
minutes. Quelle a été l'idée
de faire des clips aussi longs ? C'est
l'idée de s'approcher justement du
cinéma ?
Mylène Farmer : Je ne sais pas si c'est
prémédité comme ça. Non,
c'est tout simplement parce que quatre minutes,
c'est beaucoup trop court pour s'exprimer et parce
que effectivement, on aime le cinéma et que c'est
bien comme ça. (rires)
Nagui :
L'album sera réimprimé,
repressé, Cendres de
Lune. On
resserre un tout petit peu les sillons et on y rajoute Tristana.
Mylène Farmer : Oui.
Nagui : Donc
ça devient collector, alors, la première
série devient collector, là où il
n'y avait pas Tristana. Introuvable maintenant dans le
commerce.Et, à partir de ce moment-là, vous
signerez tous les textes des chansons qui figureront sur
l'album...
Mylène Farmer : Oui. C'est un choix. Et
je crois que Laurent aussi avait envie d'abandonner la plume.
Diffusion d'un extrait de Sans
Contrefaçon.
Nagui : Au 42 90 10
10, vous allez pouvoir gagner le double album live de Mylène
Farmer. On dit "live", mais peut-être qu'en
français, pour Mylène, on pourrait traduire
"double album à vif" de Mylène Farmer
et...
Mylène Farmer : C'est une jolie formule !
Nagui : ... le
nouvel album studio, L'autre... , donc,
dédicacé par Mylène.
(...question pour le jeu...)
Diffusion de publicités
Nagui :
Démarrage spectaculaire de Sans
Contrefaçon,
toujours illustré par un clip, mais cette fois-ci beaucoup
plus tard. C'était pour quoi ? Pour prouver que
les chansons pouvaient avoir du succès sans avoir le support
visuel,. Ou c'était simplement... ?
Mylène Farmer : Non, du tout. Je crois que nous
avons pris un peu de retard par rapport à ça,
tout simplement.
Nagui :
D'accord. En tout cas, le clip sera évidemment
toujours aussi magistralement réalisé. Dans une
interview, vous dites vous intéresser notamment dans vos
lectures à Edgar Allan Poe et à Charles
Baudelaire, ce qui sera d'ailleurs prouvé
musicalement par des textes et l'un de Baudelaire mis en
musique, et une chanson écrite...
Mylène Farmer : ...en hommage à
Edgar Allan Poe. C'était une histoire
précise, d'ailleurs, c'était
"Ligeia".
Nagui : Alors
justement : la question de savoir, c'est que les
deux univers, que ce soit de Edgar Allan Poe ou de Charles Baudelaire,
sont plutôt entourés d'abord et
d'alcool et de problèmes et j'allais
dire même de maladie, et aussi toujours de spleen, pour
reprendre l'expression de Baudelaire...
Mylène Farmer : Et que voudriez-vous savoir ? Si je
bois et si je suis malade et si j'ai le spleen ? Je
réponds "oui" pour le spleen. (rires)
Nagui : Non, non
pas du tout ! Mais pourquoi quand on a ce sentiment parfois de
désespoir que l'on peut pas expliquer, pourquoi se
plonger, j'allais dire, dans des ambiances qui ne risquent
peut-être pas forcément d'arranger les
choses ?
Mylène Farmer : Parce qu'on se forme une
famille, comme ça, naturellement. On va vers des
écrivains qui, ou répondent à vos
questions, ou prolongent vos questions... C'est la
même chose pour la peinture, c'est la
même chose pour tous les arts, finalement.
C'est créer sa propre famille et
c'est peut-être se faire un peu de mal aussi. Un
peu plus mal encore.
Nagui : Lorsque
vous peignez, puisque c'est quelque chose...
Ça fait combien de temps à peu près
que vous vous êtes mise sérieusement
à... ?
Mylène Farmer : Non, ne nous méprenons
pas ! Je ne peins pas. J'essaye, je tente de...
Nagui :
C'est de la peinture quand même ?
Mylène Farmer : Non. Surtout le dessin en fait, le
fusain. Je ne maîtrise pas du tout ni l'aquarelle,
ni l'huile.
Nagui : Il y a
quelques dessins qui sont dans un livre qui a été
publié, qui s'appelle "Ainsi Soit-Elle", qui sort
là maintenant chez Taillandier...
Mylène Farmer : Oui, je ne sais pas si
j'en suis très fière, mais
c'était une manière de participer. Donc
j'ai...
Nagui : Il y a des
images qui sont encore des, j'allais dire, des
têtes de mort, encore du sang, encore des moments
d'angoisse, toujours...
Mylène Farmer : Vous êtes
sévère parce qu'il n'y a pas
de sang du tout, justement.
Nagui : Je sais
pas, je pensais une tête de mort sur un fond rouge,
c'est bizarre...Comme quoi, chacun peut apporter
l'interprétation qu'il veut à
ce qu'il voit et à ce qu'il entend. La
solitude, ça reste aussi une amie,
d'après ce que vous pouvez dire aussi dans une
interview.
Mylène Farmer : Oui, de même que la
mélancolie, la tristesse. Tous ces
états-là, finalement, on les apprivoise aussi et
j'avoue... Là, c'est pas dans
une complaisance, mais c'est presque un bien-être
dans ces états-là.
Diffusion d'un extrait de Ainsi
soit je....
Nagui :
Mylène Farmer dit: "L'écriture est une
thérapie que j'ai découverte seule
quand je vivais mal le passage de l'adolescence à
l'âge adulte et que j'ai ressenti comme
un viol". C'est sans doute la raison pour laquelle la plume et
maintenant le dessin viennent extérioriser tout
ça, non ? C'est une forme d'exutoire,
l'écriture.
Mylène Farmer : L'écriture,
essentiellement. C'est vrai que le dessin pourrait en
être un autre, oui...
Nagui : Mars 1988 :
on découvre un nouvel album ainsi que le titre
générique de l'album, Ainsi Soit
Je...
que nous sommes en train d'entendre. Tout a été
écrit par Mylène Farmer pour les
textes sauf L'Horloge, donc, comme on l'a
dit, le texte de Charles Baudelaire, et, la reprise de Déshabillez-moi. Par contre, la
surenchère du clip hyper produit n'aura pas lieu.
Petit budget, petite durée, mais, toujours beau
résultat pour illustrer Ainsi soit
je....
Sur cet album figure le 45 tours suivant, qui là encore une
fois va amener polémique. Apologie de l'amour
recto-verso, "le Kama-Sutra a cent ans d'âge", "le
goût du revers n'a rien de pervers". Forme
d'humour bizarre, mais c'est mon humour, je dirais
que c'est un titre qui pourra rester dans les annales !
Diffusion d'un extrait de Pourvu qu'elles soient
Douces.
Nagui : Encore une
fois, donc, clip, gros budget. Les dépenses pour les clips,
ça ne pose jamais de réel problème ?
On trouve facilement, je ne sais pas, l'argent, les sponsors
? On amortit ce genre d'investissements ?
Mylène Farmer : Non. On a peut-être une
démarche différente des autres, à
savoir que nous investissons notre argent. Bien sûr, la
maison de disque participe, mais on sait que les vidéo-clips
ne sont pas à but lucratifs, que ça ne rapporte
rien, si ce n'est le plaisir personnel de les
réaliser. Donc, c'est une autre
démarche et j'envisage toutes les choses de cette
manière-là, et Laurent aussi, je crois.
Nagui : Alors,
toujours des ambiances, donc, XVIIème ou XVIIIème
dans le clip. Ensuite, il y aura Sans Logique qui viendra relancer, comme on
dit, en terme commercial, les ventes du deuxième album, qui
atteindra le million d'exemplaires vendus. C'est
grisant quand on entend des chiffres comme ça ? Quand on
sait qu'il y a eu plus d'un million de personnes
qui sont allées acheter son album ?
Mylène Farmer : Oui, c'est incroyable !
C'est incroyable, oui !
Nagui :
Ça fait
quand même sourire. Donc ça fait plaisir
à entendre ! Il est donc temps que Mylène se
donne en public. C'est ce qui se passera au mois de mai, le
18 mai exactement. Tout a commencé au Palais des Sports de
la Porte de Versailles dans des robes de Thierry Mugler, dans un
décor de cimetière, de stèles, de
croix. Et, tous les soirs, un moment
d'émotion...
Mylène Farmer : Oui. Tous les soirs.
Nagui : De
déchirement ?
Mylène Farmer : De tout. Je crois qu'on
traverse toute sa vie sur scène. On naît, on vit
et puis on meurt parfois, aussi. Mais c'est une
émotion qui est rare et qu'il faut rendre rare,
j'espère. Je pense.
Nagui :
Et qui finissait souvent en larmes tous les soirs.
Mylène Farmer : Oui. Oui, parce que
c'est...Je ne peux pas m'expliquer par
rapport à ça. C'était
très souvent sur Ainsi Soit Je...
ou sur cette dernière chanson (Laisse le vent emporter tout,
ndlr) parce que quand l'émotion est
plus forte, c'est... C'est comme
ça !
Diffusion d'un extrait de À
quoi je sers....
Nagui : À
quoi je sers...,
dixième 45 tours de Mylène Farmer, qui est en
tournée triomphale partout, partout archi-comble. Le feu
d'artifice, ça sera le retour, j'allais
dire, au Palais Omnisports de Paris Bercy au mois de
décembre. Pour recharger les accus, les batteries,
Mylène part dans le nord de l'Inde avec un voyage
reposant, instructif ?
Mylène Farmer : Ni l'un, ni
l'autre. C'était... J'aurais pu aller
n'importe où, finalement. J'ai choisi
l'Inde comme ça.
Nagui : Il y a eu
l'île de Capri aussi, dans les voyages...
Mylène Farmer : Je ne sais pas où vous
glanez tous ces renseignements. C'est étonnant !
Nagui :
C'est faux ? C'est l'agence de voyages
qui en juste en bas de chez vous, là où vous avez
pris les billets ! Et puis, après, retour au studio
Méga pour mixer le double album "à vif".
Diffusion d'un extrait de Allan (Live).
Nagui : Alors,
parmi les nouvelles qui nous dérangent, parce que moi
j'ai vraiment pris une belle claque et j'en ai
même redemandé puisque je suis retourné
plusieurs fois voir le spectacle, comme quoi quand on prend des gifles
parfois on peut aimer ça aussi... déclaration
comme quoi Bercy serait la dernière scène. Non ?
Mylène Farmer : J'ai eu
sincèrement en tout cas cette impression. Pas cette
idée, que c'était la
dernière scène. Oui, le dernier jour pour moi
était réellement le dernier jour de spectacle et,
pour la vie entière. Mais, c'est bien, finalement,
c'est bien parce que je l'ai vécu
d'une façon tellement intense. Maintenant, je ne
m'interdis pas de remonter sur scène, mais
c'est vrai que je vais le faire... je voudrais avoir le
même désir à
l'égard de la scène, donc...
Nagui : Donc il
faudra attendre deux albums, attendre trois albums avant de revenir ?
Mylène Farmer : Je ne peux pas vous dire comme
ça dans le temps. Mais je sais que je vais attendre.
Ça, oui, je vais attendre !
Nagui : Nous aussi,
on va malheureusement patienter. Mais enfin on va patienter, le
désir montera des deux côtés, comme
ça,. Ça c'est sûr !
Mylène Farmer : C'est gentil !
Un auditeur participe à un jeu à l'antenne et en
profite pour dire à Mylène qu'il
l'apprécie beaucoup.
Mylène Farmer : C'est gentil à
vous. Merci !
Nagui : Le duo dont
nous parlions tout à l'heure (diffusion
simultanée d'un extrait de Regrets). C'est vous qui avez
demandé à Jean-Louis Murat de venir chanter sur
votre album ?
Mylène Farmer : Est-ce que c'est
réellement important de savoir ça ? Je crois que
c'est une envie commune. Peu importe qui a fait le premier
pas. J'ai envie de le conserver comme
ça...
Diffusion d'un extrait de Regrets.
Nagui : Vous
pensiez quand même pas que nous allions le laisser en
intégralité et que vous fassiez des copies comme
des sauvages ! Vous plaisantez ou quoi ? Alors, allez acheter le nouvel
album de Mylène Farmer dès mercredi et
découvrez-le, d'abord vous
l'avez découvert aujourd'hui sur RTL, et
découvrez-le tous les soirs dans
"Génération Laser", c'est notre album
de la semaine. Merci Mylène d'avoir
été présente dans cette
émission.
Mylène Farmer : Merci de l'avoir
préparée... avec autant d'ardeur !
(rires)
Nagui : Oui !
Et rendez-vous prochain dans un "Studio 22". Et nos
amitiés et nos félicitations également
à Laurent Boutonnat puisque vous êtes deux...
Mylène Farmer : Je les lui ferai !
Nagui : Nos
amitiés à "l'Autre" !
Mylène Farmer : D'accord ! Merci beaucoup
!