Remixeur de California
Mai 2007
Fanzine MF et vous (N°21)
Pouvez-vous vous
présenter à nos lecteurs ?
Je suis Nils
Ruzicka et je suis le producteur du projet "Mega'Lo mania" pour California. Je suis
dans la musique depuis 1994 et mon plus grand
succès est mon remix du Samba
de Janeiro de Bellini, qui était un projet de
mon vieil ami
et mentor Ramon Zenker, et pour lequel j'ai reçu
un disque de platine et un disque d'or. Actuellement, je
travaille avec des producteurs comme Mousse T. ou Jan van des Torn sur
différents projets et j'espère
continuer tout ça jusqu'à ma mort ! On
verra bien !
Vous avez
remixé California en 1995.
Savez-vous que votre "Mega'Lo mania remix" est le
préféré d'un grand nombre de
fans ?
Oh, ça fait quelques années ! Non je ne savais
pas qu'il plaisait autant, c'était mon
tout premier remix pour une artiste internationale, et pour
être franc, je ne savais pas grand-chose de Mylène
à cette époque. Mais j'ai tout de suite
adoré la chanson, et je me suis efforcé du mieux
que j'ai pu de créer un bon remix techno du titre.
Je suis vraiment flatté que les fans l'aiment
autant !
Qui vous a
demandé de remixer le titre ? Ramon Zenker est-il
intervenu ?
En effet, c'est Ramon qui me l'a
proposé. Il m'a appelé un jour pour me
parler du remix. Je ne suis plus très sûr si
c'était censé être un remix
bonus pour un pack de remixes d'un même titre. Je
n'ai jamais eu de contact avec quiconque de la maison de
disques, mais je me souviens que j'étais en
vacances à Paris lors de la sortie du single. J'ai
vu le digipack au Virgin Mégastore, et je l'ai
acheté dans l'instant, parce que
c'était la toute première fois que je
voyais mon nom sur un CD dans un magasin étranger.
C'est le genre de choses qui rend très fier un
jeune producteur, tu sais !
Vous aviez 22 ans en
1995. Pensez-vous que ce remix
était une belle opportunité pour
quelqu'un de si jeune ?
Sans aucun doute ! En tant que producteur de musique techno, et tout
particulièrement à cette époque
où ce courant musical commençait à
peine à émerger, on n'était
pas considéré comme de vrais musiciens. Donc
qu'on nous demande des remixes comme ceux-là a
prouvé à tout le monde que ce courant techno
commençait à être bien
accepté par l'industrie, encore plus par les
consommateurs.
California
a
été un des
premiers titres à être confié
à quelqu'un d'autre
qu'à Laurent Boutonnat pour les remixes.
Pensez-vous qu'ils étaient inquiets ?
Je ne sais pas. Je ne pense pas qu'ils aient
été effrayés. Laurent faisait du bon
travail sur ses remixes, mais ils étaient toujours
axés dans la même direction. Peut-être
la maison de disques voulait-elle des remixes plus formatés
pour le marché international, ou des remixes qui
permettraient de mieux vendre les maxi CD.
Peut-être...
Comment
décrire votre remix ? Selon moi, il est construit
sur un gimmick hardtrance hypnotique fantastique ! Et il tourne quand
même à 170 Bpm (battements par minute) !
À cette époque, j'étais
très
branché "tempo". J'adorais
les sons hardtrance très speed (160-170 Bpm) remplis de
synthés. Mon but était de transformer
complètement la chanson de Mylène,
c'est pour ça qu'il est un peu
à part. Je n'étais pas très
doué par contre pour les arrangements vocaux, et je pense
qu'ils sont ratés sur le remix ! Mais
grâce à Dieu, personne ne m'a fait de
réflexion !
Vous a-t-on
imposé des contraintes ?
Non, j'étais complètement libre. Et
c'est ce que je préfère. Je
n'aime pas qu'on me dise : "Nous
voudrions un remix qui ressemble à ceci" ou : "Pouvez-vous y
inclure des sons qui ressemblent à
cela". En tant que remixeur, vous devez vraiment
être libre. À chaque fois qu'on m'a
imposé des trucs, je n'ai pas
été satisfait du résultat final.
Comment avez-vous
reçu les voix ? CDr, DAT ?
Sèches, mouillées ?
J'ai tout reçu sur DAT (Digital Audio Tape,
K7 numérique, ndlr) avec une excellente qualité.
J'ai eu les voix sèches et mouillées
(sèches sans effets, à opposer
à mouillées, avec effets, ndlr), ce qui m'a
facilité la vie, étant donné que
j'avais peu de matos en 1995.
Mylène
est-elle la seule à décider si
un remix est assez bon pour sortir ?
Je ne sais pas. En général, c'est un
accord entre la maison de disque, l'artiste et son
management.
Avez-vous fait plusieurs
versions de California
? Avez-vous été rappelé par
l'équipe de Mylène, pour RemixeS par exemple ?
Je pense que je n'ai fait que celle-là. Il
faudrait que je vérifie dans mes archives ! Mais je
n'ai jamais eu l'occasion de remixer un autre titre.
Des anecdotes
à propos de cette collaboration ?
Pas vraiment à propos du travail avec Mylène,
mais je me souviens vraiment avec émotion de cette histoire
de Virgin Mégastore ! Ce remix est tout particulier pour moi.
Mylène est une
grande star en France. La connaissiez-vous
avant California ? Et que pensez-vous de sa
carrière ?
Non, je ne la connaissais pas, California a
été mon premier contact avec elle ! Et des
années plus tard, j'ai vu qu'elle
était très populaire en France. Je me suis senti
très embarrassé de ne pas l'avoir
connue à l'époque. Je pense
qu'elle fait du bon travail. C'est une chanteuse
incroyable, avec tellement d'intensité. Et le
produit "Mylène Farmer" est
très bien géré par la maison de
disques. Il y a tellement de choses en aval dont il faut être
conscient... Par exemple, l'apparence
d'une artiste est importante. Toujours sexy et adorable, mais
sans tomber dans l'excès. Ne jamais perdre de vue
sa musique. Donc si on a la combinaison d'une femme superbe,
avec une belle voix et un charisme énorme, il est impossible
que cela ne fonctionne pas !
C'est une des rares
artistes françaises
à sortir des CD maxi avec des remixes à chaque
exploitation d'un single. Pensez-vous qu'elle aime
vraiment la musique électronique ou est-ce juste un moyen de
trouver un nouveau public sur les dancefloors ?
Ça pourrait être les deux. SI on regarde par
exemple
Goldfrapp ou qu'on se souvient de Kylie Minogue, on voit
qu'on peut toucher un très large public avec de la
musique électronique. Ça peut être le
but pour un
artiste ou pour un responsable de projets d'une maison de
disque.
À quelle
artiste internationale pourrait-on comparer Mylène ?
C'est difficile… Et pas seulement parce que je ne
parle pas français ! Je pense juste qu'elle est
unique.
Pensez-vous qu'une
carrière internationale
pourrait être envisageable pour Mylène ?
Pas sûr, non. Une carrière internationale
sous-entend souvent chanter en anglais. Et il y a autre chose
d'important à savoir en ce qui concerne le
marché américain. Robbie Williams est un bon
exemple : les médias américains veulent
créer des superstars, et non pas promouvoir des gens
déjà stars dans leur pays. C'est pour
cela que Robbie ne perce pas là-bas. Coldplay a
débuté pas trop mal en Europe, mais
c'est après leur explosion aux Etats-Unis
qu'ils ont acquis une renommée mondiale. Je pense
que ce serait très difficile pour Mylène de
tenter une carrière là-bas, et je pense
d'ailleurs que ça ne doit pas être son
but.
Connaissez-vous d'autres
remixeurs qui voudraient vraiment
travailler avec Mylène ?
Je connais des proches qui sont de grands fans, mais ce ne sont pas des
musiciens. Je pense que de nombreux remixeurs voudraient avoir
l'opportunité de faire un remix pour une artiste
comme elle.
Qui sont vos
modèles ? Et quels sont vos projets actuels ?
Depuis 2003, je suis dans un groupe qui s'appelle So Phat !
avec mon ami Stravros Ioannou. Nous faisons beaucoup de remixes et de
productions dans beaucoup de styles différents. Nous avons
remixé Missy Elliot, Tom Jones, Warren G., Zucchero, etc. et
nous produisons des artistes comme Roachford, James Kakande, etc. Nous
sommes très ouverts, et nous y prenons beaucoup de plaisir.
Stravros vient de la scène rock, donc notre association est
intéressante !
Que pensez-vous des
remixeurs amateurs ? Avez-vous commencé
de cette façon ?
J'aime beaucoup les remixeurs amateurs. Beaucoup de
professionnels oublient leur passion, et pensent plus au marketing et
à d'autres choses encore moins importantes. Ils feraient
mieux
de laisser s'épanouir ce qu'ils ont en
tête. Quand on commence dans le métier, on fait
juste un remix de manière intuitive, et c'est tout
ce qui compte. Quand j'ai commencé en 1994,
j'étais un amateur, et parfois,
j'aimerais tellement revenir quelques années en
arrière !