INTERVIEW DE PACO
RABANNE Créateur des costumes
sur le Tour 1996
Décembre 1998
Fanzine MFIFC
Monsieur Paco Rabanne,
vous sentez-vous plus créateur dans la mode ou dans les
parfums ?
Ayant commencé par la mode, celle-ci est pour moi
essentielle.
Mais, le complément indispensable à tous les
couturiers est
d'envahir l'élément olfactif et donc avoir un
parfum qui corresponde au style de sa mode, et
c'est ce que j'ai essayé de faire depuis près
d'une trentaine d'années.
Vous imposez-vous des
limites ?
C'est très simple. Ma mère, qui adorait la mode,
me
disait toujours : "Mon fils, tu as toutes les libertés
sauf une : tu n'as pas le droit d'attenter à la
beauté d'une
femme". C'est très important. La femme est Merveille, la
femme est Séduction; un couturier n'a pas le
droit de la ridiculiser. C'est un crime. Moi, j'ai toujours
fait en sorte que, même en employant des métaux et
des
choses un peu bizarres, la femme soit belle, qu'elle soit une
déesse, comme une extraterrestre, comme un rêve.
C'est la seule limitation que je m'impose.
Comment s'est faite votre
rencontre avec Mylène Farmer ?
Ah ! C'était formidable ! C'est une fille que
j'adore parce que j'aime bien ses chansons, sa novation, sa
modernité. Nous lui avons présenté
plusieurs
possibilités, elle a choisi. Ce sont ses chansons dans un
crescendo d'apparitions sur scène qui m'ont
inspiré. Il y a quand même une mise en
scène
importante, il fallait que le vêtement corresponde
à cette
espèce d'augmentation d'intérêt
à chaque tableau. C'était une chose un peu
difficile, mais très agréable…
Comment s'est
passée la création ? Vous a-t-elle
donné les grandes lignes de ses attentes ou est-ce qu'elle
vous a laissé une entière liberté ?
Elle nous a laissé une entière liberté
quant au
style, puisqu'elle voulait que ce soit du Rabanne. Donc on lui a
présenté des choses, soit textile pour des
chansons
très simples, soit entièrement
métalliques pour
d'autres chansons plus "violentes". C'est comme ça
que le travail s'est fait, on a fait à peu près
45
costumes !
Vous lui avez
créé une robe tout en métal, une
matière que l'on retrouve souvent dans vos collections.
Pourquoi ce choix de matières ? Qu'est-ce que vous aimez
dans son contact, son renvoi de lumière ?
Moi, j'aime la lumière, le reflet sur le vêtement.
L'ère du Verseau qui arrive maintenant, et qui va
remplacer l'ère du Poisson, va être une
ère
de lumière. Pour moi, le métal c'est aussi le
symbole de
cet âge de fer dont les indiens nous parlent, avant
l'arrivée du "Mylènium" de l'ère
du Verseau, c'est à dire l'âge d'or.
Nous sommes dans l'âge de fer, donc il fallait mettre du
fer sur les femmes, surtout que dans les années 70,
le
MLF allait faire
des femmes, des combattantes, elles revendiquaient leurs droits et
c'est donc des guerrières que j'ai
habillées… C'était, pour moi, une
correspondance avec l'époque !
Est-ce que vous avez
assisté au concert de Mylène Farmer ?
Oui, pour la première à Paris, c'était
GENIAL ! La réaction des gens dans la salle m'a vraiment
rendu heureux.
En bon
créateur, vous avez pensé à un 'kit de
la nuit' qui comprend bien sûr des échantillons de
vos parfums, un guide 'XS by night', un éthylotest et un
préservatif. C'est une excellente idée... Comment
vous est-elle venue ?
Ecoutez, nous faisons beaucoup de soirées actuellement
à Paris, des soirées 'XS', et il nous a
semblé très drôle de créer
un "kit de la nuit". Nous l'avons donc lancé le 30 octobre
à Lyon, à la Station.
Vous êtes
présent avec un oeil toujours tourné vers le
futur. Vous sentez-vous plus actuel ou futuriste ?
Si je regarde les matières d'aujourd'hui, je ne peux
pas être futuriste. Je suis vraiment un homme
d'aujourd'hui, mais je ne suis pas un passéiste.
J'essaie d'être de mon époque et être de
ce temps, c'est déjà assez difficile ! Ce
n'est pas de ma faute si les gens ou certains créateurs
ont cinquante ans de retard...