On s'était rencontrés sur le clip que j'ai
réalisé pour elle, c'était City Of Love
(réalisé en 2015, ndlr). Et puis, en discutant,
on avait
tellement de points communs sur ce qui nous touchait, sur la
cinéphilie, sur le fantastique, qu'on avait très
très envie que l'expérience continue. Et puis,
ça
s'est fait naturellement et à un moment donné on
s'est
dit : "On va faire ce film ensemble." Mylène a
réfléchi. Elle a lu le scénario. Elle
a beaucoup
aimé. Elle m'a dit : "On y va !". Et quand Mylène
dit
oui, elle dit oui, à la vie, à la mort.
Mylène a eu un niveau de préparation sur le film
intense.
Et puis, elle ne jouait pas dans sa langue, elle jouait en anglais qui
est une langue qu'elle pratique très bien, mais quand
même... Donc, elle a beaucoup travaillé. Je crois
qu'elle
a eu un répétiteur. Elle a beaucoup, beaucoup
fabriqué son personnage elle-même. Ses costumes
qu'elle a
amenés, qui viennent en partie de sa garde robe personnelle,
des
objets. Et puis, moi, j'adore faire ça, j'adore laisser une
comédienne créer sa propre copie et trouver au
fur et
à mesure son personnage. Je ne veux rien forcer. Tout s'est
fait
si doucement, de manière si évidente avec
Mylène.
Les scènes que Mylène a
préféré
tourner, c'est toutes les scènes d'action, de cascades
où
on lui mettait du faux sang plein le visage, où elle se
prenait
des coups. Enfin, elle a adoré faire ça. Je crois
que
ça l'inhibait moins que d'être dans un registre
purement
émotionnel même si je trouve qu'elle excelle
totalement
dans ces scènes en creux, dans ces scènes
intimistes et,
j'espère vraiment que ça la
révèlera comme
comédienne... Que les gens comprendront que c'est une vraie
comédienne. C'est une femme de plus de 50 ans qui joue ce
rôle-là, qui n'a jamais discuté la mise
en
scène, qui s'est complètement fondue dans la peau
du
personnage avec l'humilité qui la caractérise. Et
moi, je
n'avais plus qu'à mettre ma caméra, la filmer et
attraper
tout ce qu'elle me donnait.
Ce qui est incroyable, c'est que moi je suis un fan de
Mylène Farmer. En 89/90, je sais plus (il s'agit du Tour 89,
ndlr), quand j'ai 18/19 ans, je vais voir à Bercy le premier
show qu'elle fait avec le moine en robe de bure qui vient ouvrir la
grille, remplaçant le rideau de scène.
Mylène qui
apparaît en train de balancer un poème ultra
morbide de
Baudelaire (il s'agit de
L'Horloge,
ndlr), des pierres tombales sur la scène. C'était
tellement différent de la variété
française
de mes parents que je subissais un peu, il faut bien le dire... Que
c'était incroyablement excitant. C'était en prise
de
risques maximale et, je sentais qu'elle était absolument
sincère. Et le public aussi, puisqu'elle a conquis tout le
monde. Donc, moi j'étais fan et je reste totalement
admiratif de
la façon dont depuis plus de trente ans elle impose
à un
public français plutôt réfractaire
à
ça tout ce qui est de l'ordre de la bizarrerie, de
l'imaginaire,
parfois du grotesque, du fantastique. C'est pour ça que tous
les
deux on a connecté à 100%. Il m'arrive
très
régulièrement de croiser des jeunes
comédiennes
françaises qui ont fait un ou deux films et qui disent tout
de
suite : "Je déteste l'horreur." C'est dur de rencontrer des
gens
comme ça ! Et quand c'est la plus grande star
française
et que vous avez avec elle tout un tas de goûts communs,
c'est
juste merveilleux ! J'ai plus envie que ça
s'arrête...