Acteur - Second rôle masculin du clip Pourvu qu'elles soient douces
Avril 2006
Fanzine IAO (Hors Série Pourvu
qu'elles soient douces)
Comment
êtes-vous arrivé dans
l’aventure Pourvu
qu’elles soient douces ?
Je connaissais Laurent Boutonnat car j’avais
travaillé sur l’adaptation en anglais du
scénario de Giorgino.
Déjà
à cette époque ?!
Oui. Laurent acommencé à travailler sur
ce film bien longtemps avant de le tourner. J’ai donc fait
une première mouture en anglais du scénario
qu’il avait co-écrit en français.
C’est le producteur du film qui m’avait mis en
contact avec lui. On est devenus un peu amis.
Pourquoi voulait-il une
adaptation en anglais ? Il savait déjà
qu’il tournerait en anglais ?
Pas nécessairement non. De nos jours, tous les films doivent
être traduits en anglais pour faire des ventes à
l’étranger et trouver plus facilement des
co-producteurs. Mon activité principale depuis des
années est de traduire les scénarios et de faire
les sous-titres en anglais pour l’export, sauf pour ceux qui
sont déjà tournés en anglais bien
sûr. J’ai ainsi travaillé sur plus de
1000 films français.
Vous pouvez en citer
quelques-uns ? Fauteuils
d’orchestre, Joyeux Noël, Les
choristes, 36 quai des orfèvres, La haine,
...J’ai récemment adapté le
scénario de Backstage,
mais je n’ai pas fait les sous-titres. J’y ai
retrouvé beaucoup de choses que j’ai connues avec
Mylène quand j’allais dans l’appartement
qu’elle partageait avec Laurent et deux petits singes vers le
Parc Monceau. Mais le casting était mauvais et ça
a été un flop. La petite Isild Le Besco
était beaucoup trop vieille pour jouer une jeune groupie. Et
madame Polanski (Emmanuelle Seigner, ndlr), elle n’est pas
Mylène.
Vous faites donc un lien
direct entre Mylène Farmer et Lauren Waks (le personnage
principal du film) ?
Ah oui ! Quand j’ai traduit le scénario,
j’ai passé mon temps à penser
à Mylène.
Dans Pourvu
qu’elles soient douces, vous êtes aussi
acteur puisque vous jouez Swift, l’assistant du capitaine
anglais…
Oui. En fait il m’arrive de faire l’acteur quand je
connais les gens qui réalisent les films, comme Jacques
Audiard qui m’a fait tourner dans De battre mon coeur
s’est arrêté (grand
vainqueur de la dernière cérémonie des
César avec huit récompenses, ndlr). On
s’était rencontrés dans un mariage ; on
a beaucoup parlé musique et il m’a
demandé de faire un test. Et voilà. Le film a
bien marché...malgré moi (rires).
Comment vous a
été présenté le
projet Pourvu
qu’elles soient douces ?
Laurent m’a dit qu’il s’agissait de
soldats anglais qui croyaient être en Allemagne, mais qui
étaient en fait en France. Il m’a
demandé d’abord de traduire des synopsis. Puis de
traduire les dialogues du film. Plus tard, il m’a
proposé de tenir le rôle de cet anglais qui arrive
en faisant : Sir, sir, sir (sourire).
Vous avez
accepté tout de suite ?
Oui. Et j’ai dû passer un examen pour savoir si je
savais monter à cheval. On est donc allé chez
Mario Lurashi, le grand spécialiste des chevaux.
J’avais été officier de cavalerie dans
ma jeunesse, en Angleterre, mais j’ai pu constater
qu’il est des habitudes qu’on oublie ;
ça faisait pas mal de temps que je n’avais pas
fait de cheval et je l’ai ressenti.
Tout s’est bien
passé malgré tout ?
Oui. Mais je me rappelle que, pendant le tournage, la
première fois que je suis arrivé au galop, un des
figurants a involontairement fait peur à mon cheval. Du
coup, par la suite, à chaque fois que mon cheval passait
devant ce figurant, il partait à droite, dans les
fougères. On a dû faire la scène pas
mal de fois – huit à dix prises ont
été nécessaires. Je suis sûr
que si vous demandiez à Laurent quel souvenir il a de moi,
il mentionnerait cette anecdote. Laurent et toute
l’équipe étaient hilares. De mon
côté, j’avais assez peur que le cheval
me mette par terre.
En règle
générale, Laurent faisait-il beaucoup de prises ?
Oui, il en faisait pas mal. Il ne s’économisait
pas.
Avez-vous le souvenir de
scènes tournées et non retenues ?
Oui. La scène de ma mort, n’est pas dans le film
final. Ça n’avait sans doute pas grande
importance. Dans un autre style, je me rappelle que, pour
différentes raisons, on a dû refaire en studio les
voix de la scène parlée entre le capitaine et
moi, au début du film.
Avez-vous
retravaillé avec Laurent et Mylène depuis ce clip
?
Non. On avait évoqué pendant un temps de faire
une adaptation en anglais de Libertine, mais
ça ne s’est pas fait. Plus tard, Laurent voulait
que je vienne sur le tournage de Giorgino pour
coacher les acteurs. Mais je n’ai pas pu.
Qu’entendez-vous
par coacher les acteurs ?
Il s’agit de contrôler leur jeu en anglais. Mon
boulot n’est pas de leur dire comment jouer, mais simplement
de leur signaler quand on ne comprend pas ce qu’ils disent.
Donc je les fais beaucoup répéter en amont.
C’est
nécessaire ?
Oui car c’est très difficile de bosser sur des
grosses productions en Europe de l’Est, avec des acteurs de
différentes nationalités. Un
réalisateur ne peut pas diriger des acteurs dont il ne
comprend pas tout à fait ce qu’ils disent. Je ne
sais pas ce qu’il en est aujourd’hui, mais
à l’époque, Laurent ne parlait pas
très bien anglais. Donc j’imagine qu’il
a été un peu dépassé en
Tchécoslovaquie, d’autant qu’il
n’avait jamais tourné de long métrage.
Il avait tout de
même de l’expérience avec les clips...
C’est une chose de faire trois ou quatre jours de tournage.
Cela en est une toute autre de devoir gérer trois mois sur
place. Il faut vraiment être très
organisé. Je l’ai fait, en tant que coach, il y a
quelques années, sur le Amen de
Costa-Gavras, en Roumanie, donc je peux vous assurer que ce
n’est pas facile. Je trouve que, à
l’écran, on sent que Laurent n’a pas
maîtrisé ses acteurs comme il l’aurait
fait s’il avait tourné en français.
Vous avez donc
vu Giorgino ?
Oui, lors de la première. Cette histoire avec les enfants
n’était pas très claire. Beaucoup de
choses auraient dû être coupées. Pour
moi, il y avait de sérieux problèmes de
scénario sur ce film.
Pour en revenir
à Pourvu
qu’elles soient douces, avez-vous
été surpris par les moyens
déployés pour un clip ?
Non, car j’avais vu les précédents
travaux de Laurent. Et puis, vous savez, le budget
n’était probablement pas aussi énorme
que ça car Laurent est quelqu’un qui sait tourner
de façon très efficace. Je pense que
ça a coûté moins cher que le laissent
supposer les apparences.
Comment était
Mylène sur le tournage ?
Avec moi, elle a été extrêmement
gentille. Elle avait vu Le
secret de la vie, un film que j’avais
réalisé dans les années 70, et
l’avait bien aimé je crois. On dit souvent
qu’elle est difficile, mais ce n’est pas ce que
j’ai vu. Je l’ai recroisée deux ou trois
fois depuis, dans des restaurants, et elle est restée
quelqu’un de très sympathique.
Et Boutonnat, vous
l’avez revu ?
Non.
Que pensez-vous du fait
que l’on vienne vous voir aujourd’hui pour vous
parler d’un clip tourné voilà dix-huit
ans ?
Vous savez, j’ai réalisé un film il y a
trente-cinq ans qui sort aujourd’hui en DVD, et deux
personnes sont venues de Londres la semaine dernière pour me
filmer et m’interviewer au sujet de ce film. J’ai
donc dû fouiller encore davantage dans ma mémoire.
Ce qui m’étonne, c’est que je me
rappelle de beaucoup de choses (sourire).
Si vous deviez ne garder
qu’un seul souvenir de Pourvu qu’elles soient
douces, quel serait-il ?
Je vais peut-être vous surprendre, mais ce serait
l’image d’une fille, l’une des ribaudes
comme les appelait Laurent Boutonnat – terme que je
n’ai jamais plus entendu depuis d’ailleurs.
J’imagine que je convoitais sans doute cette jeune femme. Je
me souviens en tous cas très bien qu’elle se
lavait les cheveux avec de l’huile de noix de coco, et cette
odeur reste à jamais dans ma mémoire (sourire).