Interview
publiée dans les fanzines Mylène Farmer
Magazine en 2004 et IAO en 2006
Quand avez-vous
rencontré Mylène ?
C'était lors du tout premier festival du clip,
à Juan-les-Pins, en 1984. Je travaillais
à l'époque avec Valérie
Mairesse qui avait fait un disque, «Bombe
anatomique», et qui avait le même manager que
Mylène, Bertrand LePage. Etant dans la
même équipe, on était ensemble au
restaurant, on partageait la même Bentley (sourire). Elle
savait que j'étais danseuse et
chorégraphe. Elle a pris mes coordonnées. Et au
moment où elle a préparé Libertine, elle m'a
appelé.
Pourquoi a-t-elle fait
appel à vous à ce
moment-là ?
Afin que je l'aide à travailler le corps
– le maintien et la gestuelle – pour les
télés de Libertine.
Comment avez-vous atterri
dans le clip ensuite ?
A la suite de ces séances de travail, Laurent et
Mylène m'ont proposé le rôle
de la rivale dans le clip. Ils voulaient que ce soit
quelqu'un qui sache bouger et en qui ils avaient confiance.
Je leur suis très redevable d'avoir
révélé en moi la comédienne
puisque c'était la première fois
qu'on me proposait de jouer.
Vous avez
enchaîné avec Tristana ?
Oui. J'ai accepté tout de suite ! Je suis
fascinée par tout ce qui touche à la Russie. Ce
qui m'a plu aussi, c'est que j'avais un
petit texte russe à dire. J'ai donc
travaillé avec une interprète, notamment pour les
accents toniques. Et puis c'était
étrange de tourner avec sept nains. Je me sentais vraiment
dans un conte de fées.
Le clip a
été tourné dans le Vercors ?
Oui. Et dans des studios de la banlieue nord de Paris. Ça a
bien
duré cinq jours.
Comment Mylène
est-elle sur un tournage ?
Très concentrée. Très travailleuse.
Je me rappelle que pour la scène où elle tombe
dans la neige et dévale une pente, elle n'a pas
pris de doublure, et elle l'a refaite encore et
encore pour que ce soit le mieux possible. Ceci étant,
ça ne l'a pas empêchée de
faire des batailles de boules de neige avec moi ou
l'équipe technique (sourire).
Quels souvenirs
gardez-vous de Tristana
?
Je me rappelle de la scène où
je dois lécher le sabre couvert de sang.
J'étais assez impressionnée parce
qu'il était rouillé. En tout cas,
c'était une antiquité.
J'avais peur (rires) ! Les séances de maquillage
pour la transformation en sorcière m'ont
également marqué. Au départ, on
était parti sur un faux nez et un faux menton. Finalement
on a gardé les traits de mon visage.
Vous avez
également travaillé sur les
télés pour cette chanson ?
Oui. J'ai fait la chorégraphie avec
Mylène.
Puis vient Sans
contrefaçon.
Là vous n'êtes ni dans le clip, ni sur
les plateaux télé…
Non mais, encore une fois, j'ai travaillé avec
Mylène pour trouver les danseurs qu'elle
souhaitait très juvéniles.
Puis vient Pourvu qu'elles soient douces,
la suite de Libertine.
Vous
revoilà en méchante. Était-ce
pénible d'être cantonnée dans
ce genre de rôles ?
Non, pas du tout. Les rôles de méchantes sont
souvent très intéressants à
interpréter.
Ensuite, vous avez
continué à faire les promos TV, pour Pourvu qu'elles soient douces, puis Sans logique. Et il y a eu le Tour
89…
Oui ! J'ai fait le premier casting pour les danseurs et les
danseuses. Il y avait 600 candidats au départ.
C'était énorme ! Les personnes
sélectionnées ont ensuite passé une
deuxième audition, devant Mylène. Puis, on a
choisi ensemble les trois filles et les quatre garçons.
Quel souvenir gardez-vous
de cette tournée puisque vous
étiez également sur scène ?
J'étais très impressionnée
par l'enthousiasme du public. L'accueil
était tel que je me demandais comment Mylène
faisait pour monter sur scène.
Avez-vous eu des contacts
avec le public ?
Oui. Dans la mesure où Mylène partait
très vite de la salle, aussitôt le concert
terminé – une voiture l'emmenait
directement dès qu'elle descendait de
scène – c'était donc nous qui
avions les fans autour du car.
Un privilège
ou une corvée ?
Ni l'un ni l'autre. C'était
troublant de voir la façon dont ces gens se donnaient et la
demande d'amour qu'ils avaient.
Etait-ce
pénible que les gens viennent vers vous
pour toucher Mylène par procuration ?
Non. Je savais très bien où était ma
place. Je n'avais pas d'envie de vedettariat.
Et le fait qu'on vous
parle encore de votre collaboration
avec Mylène alors qu'elle s'est
terminée voilà dix ans ?
Je le vis très bien. C'est un cadeau. Et puis
ça n'arrive pas tous les jours non plus.
Mylène
était-elle comme elle est
aujourd'hui - très star, très
secrète, inaccessible ?
Non. J'ai vu sa transformation. On a travaillé
ensemble pendant plus de six ans et je l'ai vue
évoluer, de par son travail, sa volonté et sa
façon d'appréhender les choses.
A l'époque
où vous travailliez
ensemble, elle était donc plus accessible ?
Un peu plus peut-être, mais elle se protégeait
déjà un peu. Elle était accessible
à quelques intimes, dont j'étais. Je
considère vraiment avoir été son amie.
Je ne sais pas ce que Mylène en pensera…
Elle faisait en tout cas
beaucoup plus de télés,
y compris les émissions très
populaires ?
Oui, mais à sa façon à elle. Elle
était assez réservée.
Vous imaginiez alors
qu'elle pouvait devenir la star
qu'elle est aujourd'hui ?
Qu'elle soit la seule à ce niveau, non je ne
l'ai pas pressenti. Je n'ai pas eu de nez (rires) !
Mais je sentais qu'elle ferait une belle carrière.
Comment regardez-vous son
parcours ?
Exceptionnel ! J'avoue que je n'écoute
pas ses disques chez moi. Mais il faut dire qu'en ce moment,
je n'écoute que du Mozart et du tango argentin
(rires). Ceci étant, j'ai beaucoup aimé
le clip de
L'Âme-Stram-Gram
et la chanson
California.
Pensez-vous qu'elle a
été la
marionnette de Laurent Boutonnat ou de Bertrand LePage à
ses débuts ?
Non, pas du tout. Je pense qu'elle savait où elle
voulait aller. Elle est très intelligente. Elle sent bien
les choses. Mais évidemment que le trio a fait
Mylène Farmer. Ils étaient
complémentaires. Chacun était indispensable
à son niveau : Bertrand pour le business, Laurent pour son
imaginaire et Mylène pour sa sensibilité.
Quels souvenirs
gardez-vous de ces années ?
Les tournages des clips étaient une expérience
magnifique car c'était dans les conditions
d'un long métrage. Avec le perfectionnisme
poussé à l'extrême
qu'on leur connaît : tout était
très précis, très calculé.
Ça me correspondait tout à fait, dans la mesure
où je viens de la danse classique. J'ai des
souvenirs idylliques de ces trois tournages.
Après le Tour
89, vous avez fait des voix en studio pour Désenchantée.
Sentiez-vous le tube venir ?
Je me rappelle que souvent, quand Laurent composait un truc, il me
faisait écouter un gimmick au piano, en studio et chez eux,
et me disait : «Alors Sophie, c'est un tube,
c'est un tube !?!». (rires) Et à chaque
fois, c'était un tube.
Il a cet enthousiasme
enfantin ?
Oui. Ceci étant, il est plutôt introverti et
cérébral. Il ne parle pas pour ne rien dire !
Votre collaboration avec
Mylène s'est
arrêtée à cette époque.
Pourquoi ?
Parce que je voulais jouer la comédie. Je pense que
Mylène a compris que je voulais voler de mes propres ailes,
mais peut-être que ça ne lui a pas fait plaisir
que je me détache d'elle.
Etes-vous
restées en contact ?
Pas vraiment. La dernière fois que je l'ai vue,
c'était dans les loges de Bercy du Tour 96.
Donc vous
n'êtes pas en froid ?
Non. Moi je ne considère pas qu'on soit en froid.
Je sais que Mylène m'en a voulu pour une interview
que j'ai donnée à un magazine il y a
quelques années (une interview dans le magazine
«Platine» en 1997, NDLR). Vu les circonstances, je
peux comprendre.
Ils ont détourné mes propos et les ont sortis de
leur contexte, comme s'ils voulaient nous monter
l'une contre l'autre. Depuis j'ai
refusé toute demande. J'étais devenue
méfiante.
Merci d'autant plus
d'avoir accepté cet
entretien. Avez-vous cherché à la joindre pour
vous en expliquer ?
Non. Je ne veux pas la déranger.
Pourquoi n'avez-vous pas
joué dans Giorgino
?
En fait, j'avais été pressentie pour le
rôle de la gouvernante. Je ne sais pas si
c'était un malentendu ou pas, mais moi
j'avais compris qu'ils me l'avaient
proposé. Toujours est-il qu'au final le casting
est devenu international et qu'ils m'ont dit que je
ne le ferai pas. J'étais
déçue, mais je débutais comme
comédienne, donc je comprenais.
Comment avez-vous
réagi quand Christophe Danchaud a pris
votre place alors que c'est vous qui
l'aviez présenté à
Mylène ?
J'étais ravie qu'il prenne la suite,
c'était et c'est encore un ami. Vous
savez, c'est aussi moi qui ai présenté
Valérie Bony à Mylène, en 1989. Mais
elle n'avait pas été retenue pour la
tournée à l'époque.
Si Mylène vous
proposait de la rejoindre pour une prochaine
tournée, accepteriez-vous ?
Si elle a besoin d'une vieille dame (rires). Volontiers pour
un petit clin d'œil à la rivale de
«Libertine», mais pas pour une tournée
de six mois.