Ingénieur du son des concerts Avant
que l'ombre... à Bercy
Hiver 2007
Fanzine MF&Vous
MF & Vous : Comment vous
êtes-vous retrouvé intégré
dans l'équipe technique de Mylène ?
Stéphane Plisson : Le hasard des rencontres et des chemins
qui se croisent... Thierry Suc, son manager et producteur, souhaitait
que je participe au son de la tournée d'Alizée.
J'ai donc rencontré Laurent Boutonnat et Mylène
sur cette tournée, sans
arrière-pensée, et je n'y croyais pas vraiment
quand Thierry Suc m'a proposé de travailler sur Avant que l'ombre…
à Bercy. En fait, je participe à la
majorité des projets de Thierry Suc car il est devenu le
producteur de beaucoup d'artistes avec lesquels je travaille depuis
longtemps comme Calogero, Etienne Daho, MC Solaar notamment.
Vous avez connu Calogero
alors qu'il était leader des Charts au début des
années 1990...
J'ai eu la chance de commencer ma carrière avec la Mano
Negra pour lesquels j'ai fait le son retour pendant quatre ans. Puis,
j'ai enchaîné en tant qu'ingénieur du
son en salle pour le Bluesymental
Tour de Thiéfaine en 1990. J'ai
travaillé ensuite avec les Charts et depuis quinze ans, je
suis donc le complice au son de Calogero. Puis, j'ai croisé
les chemins de Native, MC Solaar, FFF, Art Mengo, Marc Lavoine, Julio
Iglesias, France Gall, The Christians, Kid Créole,
Angélique Kidjo, Manu Dibango, Touré Kunda,
Laurent Voulzy, et donc Mylène Farmer en janvier dernier,
puis depuis le mois d'avril dernier, Johnny Hallyday.
Comment se sont
déroulées vos premières heures de
travail avec la chanteuse ?
C'était la première fois que j'avais à
composer avec Mylène en tant que chanteuse, puisque pour la
tournée d'Alizée, je l'avais près de
moi comme réalisatrice à la console, avec Laurent
Boutonnat. Cela a permis de mieux nous connaître afin de
travailler ensuite main dans la main, accepter certains compromis et
jouer le jeu des choix que j'avais faits, notamment sur certains types
de micros...
Elle a d'ailleurs
gagné en qualité et clarté
sonore en utilisant beaucoup moins le micro-casque...
Eh bien, c'était en effet une de mes demandes. Si cela
n'avait tenu qu'à moi, elle aurait été
encore plus souvent sans micro-casque ! Mais le résultat
était très intéressant et
très musical. Et il s'agissait d'un véritable
show, d'où certains compromis !
Quelles
étaient les grandes lignes du projet sonore initial pour
cette série de concerts ?
Au départ, on ne voulait pas de son frontal. Je me suis mis
dans la peau d'un spectateur de Bercy et je souhaitais que les
enceintes de la scène centrale soient les principales.
Cependant, l'installation technique pesait beaucoup trop lourd et
n'était pas possible à mettre en place. D'autres
projets nous permettront peut-être de le faire plus tard. Le
matériel évolue, notre expérience
grandit... on verra bien ! Nous avions pensé à un
son de salle en multi-diffusion et on a finalement utilisé
deux types de diffusion : une installation standard sur les deux
côtés de la scène, et une
multi-diffusion, d'une part autour de la scène en croix
– ce qui permettait de basculer le son d'un scène
à l'autre – et d'autre part en utilisant la
totalité des enceintes du plafond de Bercy.
Du plafond venaient les
effets de vent, d'orage ou de bruissement de libellules...
Oui, mais cela a aussi permis d'élargir la voix de
Mylène sur les réverb', de donner plus d'espace
aux chœurs et aux nappes de claviers. Je désirais
que le son sorte du cadre habituel des enceintes et que le public vive
une expérience différente des autres concerts. On
ne peut pas arriver, dans une salle de 17 000 personnes, à
ce que tous les spectateurs entendent la même chose, mais je
suis heureux d'avoir obtenu un son large et aéré.
Le son des ballades qu'elle faisait sur la scène centrale
donnait l'impression qu'elle chantait dans une église. Les
vidéos à ce moment-là
évoquaient d'ailleurs des vitraux de chapelles.
Y avait-il de nombreuses
séquences enregistrées ?
Très peu. Uniquement quelques éléments
infaisables sur ce show, comme les cordes sur certains titres, l'orage
sur l'intro... et encore, certains bruitages étaient faits
par Eric Chevalier directement aux claviers.
Votre duettiste
à la console était Jean Philippe Schevingt...
Son travail consistait à gérer le son durant les
déplacements de Mylène à travers la
multi-diffusion. On va dans le même sens et nous avions envie
d'entendre la même chose. Il fut le parfait binôme
pour cette aventure.
Vous travaillez
également avec Laurent Delenclos, sans avoir eu le
même parcours...
En ce qui me concerne, c'était l'école de la vie
à une époque où partir en
tournée revenait à embrasser la vie de "forains".
J'ai débuté avec une disco mobile à 15
ans, fait un BEP/CAP électrotechnique et
préparé un BAC F3 que je n'ai jamais eu puisque
le jour de l'examen, j'étais en studio avec Alain Souchon !
En ce qui concerne Laurent Delenclos, responsable de la diffusion, nous
sommes, il est vrai d'une génération
différente. Lui, c'est l'école du son
à une époque où le monde du spectacle
est structuré. D'où notre
complémentarité.
Laurent Boutonnat, pipe
au bec à la console centrale... Qu'apprend-on à
ses côtés ?
Laurent Boutonnat était le véritable boss de ce
spectacle au niveau du son. C'est le binôme parfait de
Mylène Farmer. Il est le double de Mylène dans la
salle. Il est extrêmement professionnel et rigoureux, mais
s'amuse de la technique comme on le fait avec un jouet extraordinaire.
Il est en permanence à la recherche de nouveautés
et fait des dizaines d'essais qui donnent au spectacle un cachet qui
n'existe sur aucune autre tournée. C'est un artiste
totalement allumé et un homme qui prend des risques et les
assume. Ce type de personnage devient rare dans notre métier.
Vous souvenez-vous de
tableaux particulièrement difficiles à sonoriser ?
Bien sûr. La scène centrale était
destinée uniquement à des ballades. Désenchantée
n'était pas prévue initialement sur cette
scène. On a donc été obligé
de faire ce titre avec le "petit" son destiné seulement au
piano-voix. Je regrette de ne pas avoir pu faire Désenchantée
sur la scène principale avec toutes les
enceintes !
Pourtant,
c'était un grand moment, près d'un quart d'heure
de communion avec le public...
Une fois de plus, Laurent Boutonnat ne s'est pas trompé. Il
était persuadé que ce serait idéal
alors que je ne l'imaginais absolument pas. Désenchantée
est le titre phare de Mylène, et le seul qui pouvait passer
sur la scène centrale avec un son un petit peu moins bon que
les autres titres. C'est exactement ce qui s'est passé. La
chanson a donné une énergie incroyable au public.
Ce sont les gens qui ont fait le son de Désenchantée.
Cela a amené une proximité étonnante
entre Mylène, les musiciens et le public. Cette
idée était la meilleure.
Mylène Farmer
est connue pour ne pas faire de répétitions dans
l'après-midi. Était-ce différent cette
fois ?
Non, elle était dans les loges très
tôt, mais ne venait pas pour les balances. On ne faisait
d'ailleurs plus de soundcheck après les deux premiers
concerts. Évidemment, nous testions tout dans la
journée, et parfois, nous faisions un raccord au piano avec
Yvan Cassar au milieu de la salle.
Vous avez mixé
des albums live pour Etienne Daho, Calogero ou NTM (le 93 Party en 1999,
ndlr)...
J'ai tout découvert avec NTM : mes premiers
Zénith en 1992, mon premier Parc des Princes...
C'était une période géniale de ma vie,
et je suis resté fidèle à Joey Starr,
pour qui j'ai fait le son à l'Olympia le 23 octobre
dernier... C'est aussi ça qui me ravit dans ce
métier : pouvoir travailler avec Hallyday et Joey Starr en
même temps.
Yvan Cassar, Johanna
Manchec, Nicolas Montazaud et quelques éléments
du staff technique... Vous retrouvez sur Johnny la même
équipe que pour Mylène ?
Au-delà des personnes, les effectifs sont quasiment les
mêmes. Sur la tournée de Johnny, nous sommes
autant de personnes à travailler que sur le spectacle de
Mylène... Si ce n'est que cette fois, nous sommes en
tournée avec vingt semi-remorques !
Que devient votre propre
studio breton ?
Je rends les murs le 31 décembre, mais pas mal de projets y
ont été réalisés, dont le
dernier album des nantais Smooth. D'autres projets, tels que les live
de Daho, Calo, NTM, des émissions de
télé de Sol en Si, l'opus de Lili Cross ou d'Alan
Stivell se sont succédés dans ce studio. Je
travaillerai sur le spectacle de Michel Polnareff à partir
de mois de mars 2007, ce qui m'emmènera jusqu'à
la tournée de Calogero.
Attendez-vous avec
impatience le DVD live d'Avant
que l'ombre… à Bercy ?
Oui, la pression sur cette série de concerts durait depuis
près de trois ans et les dates sont passées trop
vite. On n'a pas eu le temps d'apprécier à sa
juste valeur l'événement. Je commence maintenant
à me rendre compte de ce que nous avons fait. J'ai
hâte de voir le DVD et les bonus, et je suis certain qu'ils
seront à la hauteur de nos souvenirs.