Propos de la photographe ponctuant l'article du magazine "Gala".
Interview par Thomas Durand
Je voyais Mylène comme une danseuse. Sa façon de
se mouvoir en concert m'avait marquée. Elle a servi de base
à mon travail. Je tenais à ce qu'elle soit
naturelle, sans artifice, cheveux lâchés, en
contraste avec l'artiste qui se présente sur
scène. C'était pour moi une évidence.
La première fois que nous nous sommes vues, son teint
diaphane et son grain de peau m'avaient subjuguée.
(La rencontre avec Mylène se déroule) de
manière feutrée.
L'été est passé. En septembre,
Mylène m'a demandé où nous en
étions. J'ai senti que c'était le moment et nous
avons enclenché le processus créatif. Nous avons
préparé la séance comme un film, avec
des repérages dans toute la France, un story board... Ma
première intention était d'organiser un shooting
dans un décor naturel. Je n'aime pas trop travailler en
studio, ce sont des lieux assez impersonnels.
(Mais l'automne est déjà là. Il faut
prendre en considération) les conditions climatiques, qui
brouillent la carnation et contractent la peau.
Nous avons mis beaucoup de temps avant de trouver la robe qui
l'habillerait. Je voulais que cette dernière ait l'air d'une
seconde peau, qu'elle épouse ses mouvements, qu'elle laisse
transparaître sa respiration, comme une tenue de danseuse,
à la Pina Bausch.
Je ne voulais pas faire des "photos de Mylène Farmer"',
reproduire des clichés déjà vus,
donner l'impression d'un exercice de commande. De la même
manière que j'avais envie de livrer quelque chose de plus
personnel en tant que photographe, je souhaitais
révéler une autre facette de Mylène.
Elle a une sensualité naturelle en elle, qu'il faut juste
faire ressortir. Il n'était pas question de nu, mais
d'abandon. Qu'elle se lâche.
C'est une vraie carte blanche qu'elle m'a laissée.
Je ne l'ai pas particulièrement dirigée, nous
n'avons pas précisément
chorégraphié ses mouvements, car je trouve les
gestes figés et répétés
moins gracieux. Je l'ai juste laissée bouger et venir
à moi... un peu comme on apprivoise un animal, oserais-je
dire ! Mylène s'est révélée
très généreuse devant mon objectif.
J'ai senti Mylène heureuse. Heureuse d'avoir eu l'audace de
poser sans fard ni artifice ou accessoire auquel se raccrocher. Nous
avons, l'une comme l'autre, œuvré pour la
beauté du geste et du moment.
J'appréhendais un peu le regard de Mylène,
même si, paradoxalement, je pressentais qu'elle allait aimer
le résultat de notre travail. Il y a eu très peu
de pertes. Nous avons fait les mêmes choix. Mylène
s'est impliquée dans la mise en page, elle a choisi des
extraits de ses chansons pour illustrer telle et telle image. J'avais
apprécié sa drôlerie, sa culture
m'avait épatée, j'ai pu constater son expertise
dans le domaine de l'édition.